Oradour-sur-Glane : la pédagogie fait des miracles, et ça fait du bien

[EDITO] Ce mardi 28 mai 2019, j'ai reçu un courrier qui m'était adressé par des collégiens. Dans cette lettre, ces 5 élèves me demandent de retirer une photo publiée dans un article concernant l'attitude de certaines personnes à Oradour-sur-Glane. J'ai accédé à leur demande. Voici pourquoi. 

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En avril 2019, le Mémorial d'Auschwitz lançait un appel aux touristes pour qu'ils cessent de se prendre en photo sur les rails qui mènent au camp de concentration. Des attitudes jugées inappropriées. À France 3 Limousin, nous nous sommes alors interrogés : ce phénomène touche-t-il également d'autres sites mémoriels, et notamment celui d'Oradour-sur-Glane ? 
Un petit tour sur les réseaux sociaux et nous en avons eu confirmation : certains visiteurs n'hésitent pas à se prendre en photo dans des postures allant parfois jusqu'à l'indécence. J'ai donc rédigé un article et démontré, preuves à l'appui, que le village martyr était effectivement touché. 
 
Quelques heures après la publication de cet article, un internaute a pris contact avec notre rédaction. Reconnaissant que la photo qu'il avait prise était déplacée, il nous demandait de la retirer de notre site internet, lui-même l'ayant supprimée de son profil Instagram. Nous avons accédé à sa demande. Acte 1.

Ce 28 mai 2019, c'est un autre courrier que j'ai reçu. Celui de 5 élèves de classe de 3e d'un collège du Limousin. Dans cette lettre, les adolescents m'expliquent qu'ils ont effectué une visite pédagogique à Oradour-sur-Glane, le 4 février 2019 et que lors de cette visite, ils ont pris un selfie : "Nous avons pris une photo (...) et nous l'avons postée sur internet. Sur cette photo, nous étions en train de sourire avec des gestes un peu irrespectueux envers les personnes qui ont eu de la famille à Oradour-sur-Glane lors du massacre."

Les collégiens étaient devant la boulangerie du village détruit : grimace, sourire, et "chocolatine" reçu en commentaire. "Après la publication de votre article, nous risquons des sanctions au collège, car on n'a pas respecté les consignes qui nous ont été données. On vous écrit cette lettre pour vous demander de bien vouloir supprimer cette photo du reportage que vous avez fait." Alors, là aussi, j'ai accepté de retirer le cliché. Acte 2.

La mairie d'Oradour-sur-Glane n'exclut pas de porter plainte en cas d'atteinte à la mémoire des victimes, dans le cas de collégiens, ce n'était pas le cas. Il s'avère pourtant que ces jeunes risquent le conseil de discipline. Mais ce n'est pas pour cette raison, enfin, pas seulement, que j'ai supprimé cette photo.

Cette lettre manuscrite, cette prise de conscience, ce mea-cupla, sont autant d'éléments qui confirment que la pédagogie est une arme redoutable contre l'ignorance et la maladresse. J'écrivais dans l'article initial, "le sourire fait partie de la vie, la jeunesse ne doit pas porter le poids des horreurs commises par des hommes d'un autre temps. Évitons les leçons de morale hâtives, laissons-les sourire, laissons-les s'exclamer mais soufflons-leur que le respect, aussi, fait partie de la vie". Ma démarche, notre démarche à France 3 Limousin, n'était pas de stigmatiser tel ou tel individu, ni d'exposer quiconque à des sanctions. Cela relevait davantage d'une mission d'alerte. Mission réussie.

Je me permets alors de susurrer à l'oreille des enseignants qui envisagent des poursuites contre ces élèves, de ne pas aller plus loin. Ces professeurs ont accompli avec brio leur travail : expliquer, faire réfléchir et faire comprendre. Et ça, c'est vraiment beau. 



Hélène Abalo
Rédactrice en chef adjointe
France 3 Limousin.


 

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