Charles de Gaulle, Louis Pasteur, Victor Hugo, Jean Jaurès... En France, les noms des rues font souvent référence à des personnalités. Mais comment sont-ils choisis ? Ces personnes publiques sont-elles toutes décédées ? Qui peut vraiment proposer des noms aux rues ? On fait le point.
Les rues, les avenues, les places ou encore les équipements municipaux portent souvent le nom d’illustres figures politiques, culturelles, scientifiques qui ont marqué l’histoire d’un pays.
Fait plus rare, certaines plaques honorent désormais des personnes de leur vivant.
Une rue et un centre social au nom de Robert Hébras
C’est le cas de Robert Hébras, le dernier des survivants du massacre d’Oradour-sur-Glane. Le 28 mai 2022, une rue à son nom a été inaugurée à Joinville en Haute-Marne. « Robert Hébras est venu à la rencontre des collégiens de Joinville en 2014, il avait eu un impact exceptionnel, nous nous étions promis de le revoir. Cette rue en son nom rappellera aux jeunes une partie de l’Histoire de France et de tous les abus des extrêmes », confie la Mairie de Joinville. Ce nouveau nom a été voté à l'unanimité lors du dernier conseil municipal le 19 avril 2022.
Un mois plus tôt, lors du dernier conseil municipal de Limoges, il a également été décidé qu'un nouveau centre social intergénérationnel porterait le nom de Robert Hébras.
Pour nommer une rue, un équipement en l'honneur de quelqu'un, de son vivant, une autorisation doit être demandée au préalable à cette personne ou ses ayants-droits. "Nous avons évidemment demandé l'avis de Monsieur Hébras au préalable mais également celui de sa petite-fille", précise la Mairie de Joinville. Une fois l'accord du principal intéressé obtenu, les démarches sont enclenchées. Deux mois plus tard, la plaque est installée dans cette nouvelle rue de la commune haut-marnaise.
Qui choisit ?
En France, chaque citoyen, association, famille et conseil de quartier peut suggérer ses propositions aux élus locaux. Ces vœux sont ensuite étudiés lors d'une commission spéciale : la dénomination des voies.
Ces noms doivent être choisis à l'unanimité et peut ainsi faire l'objet d'une délibération lors du conseil municipal.
Au total, la ville de Limoges compte aujourd'hui 1956 voies.
- 881 sont non-genrées (exemple : rue de la Boucherie, etc.)
- 989 portent des noms d'hommes
- 82 seulement portent des noms de femmes.
- 4 portent des noms de couple (exemple : rue Pierre et Marie Curie ou Gustave et Fernande Goetschel).
Depuis quand nomme-t-on les rues ?
Il s'agit en réalité d'une tradition héritée du Moyen-Âge. Une coutume, à l'aspect pratique à l'époque, puisqu'elle qui liait directement l'emplacement à la fonction du lieu (par exemple, "la place de l'Eglise", "la Grande Rue", "la rue de la Boucherie"). Aujourd'hui, la "rue de l'Eglise" est d'ailleurs le nominatif le plus répandu en France : 7 965 voies, au total.
En matière d’appellation des rues, les habitudes ont évolué dans le temps. De nos jours, les municipalités, en charge des délibérations, rendent souvent hommage à d'illustres personnages de l'histoire locale ou nationale. En France, le nom "Charles de Gaulle" est en tête, puisque 3 900 plaques arborent son nom.
Ces dernières années et jusqu'à très récemment, un autre homme politique a vu son nom inscrit à l'entrée des rues, des avenues, des ronds-points et sur divers équipements municipaux : celui de l'ancien président Jacques Chirac, décédé le 26 septembre 2019.
Ainsi, en 2020, la Nouvelle-Aquitaine comptait 6 lieux en son nom. Depuis, d'autres espaces l'ont également adopté, à l'instar du square de l'hôtel de ville de Limoges, anciennement appelé "Léon Betoulle", autour duquel quatre plaques au nom de l'ancien président ont été inscrites le 16 décembre 2021 après délibération du conseil municipal.
Plus récemment, le 14 mai 2022, c'est la commune haut-viennoise, Saint-Nicolas Courbefy, qui a inauguré la place Jacques Chirac.
Le futur square Jeanne-Blanche de Castelbajac à Limoges
Si le noms des femmes illustres représentent une infime partie des noms des rues, l'une d'entre elles devraient être mise à l'honneur à Limoges prochainement.
Le 17 mai 2022, le styliste et couturier, Jean-Charles de Castelbajac, très attaché à Limoges, annonçait sur les réseaux sociaux qu'un square de la ville porterait bientôt le nom de sa mère, Jeanne-Blanche de Castelbajac, décédée en 2013.
Actuellement, ce square ne porte aucun nom. Cette nouvelle appellation est donc un juste retour des choses, puisqu'elle avait travaillé à Limoges pendant plus de trente ans. C'est d'ailleurs rue des Tanneries, non loin du jardin en question, que Jeanne-Blanche de Castelbajac, née Empereur-Bisonnet, avait créé Ko and Co, son entreprise de confection avant-gardiste en 1965 et où son fils avait présenté sa première collection.
Il y a quelques semaines, c'est le couturier lui-même qui avait soumis cette idée à la Ville de Limoges. Une délibération avait eu lieu le 7 avril dernier lors du conseil municipal. L'inauguration du square devrait avoir lieu en juillet.
L’intérêt de nommer les rues
Depuis le 22 février 2022, la loi "3DS" oblige toutes les communes de moins de 2 000 habitants à nommer leurs rues. Avant la mise en place de cette mesure, en France, 15 % des rues ne portaient aucun nom, un véritable cauchemar pour les facteurs.
En Creuse, certaines rues sont toujours orphelines (sans nom ni numéro). C'est le cas dans les hameaux autour d'Ahun où, profitant du déploiement de la fibre, la Poste se porte volontaire pour aider une cinquantaine de communes dans leur démarche d'adressage.
A Limoges, une rue résiste également, la "rue sans nom", située entre la rue d'Argenton et la rue de Belfort. Si cette singularité fait tout son charme, elle ne compte pourtant aucun pas de porte.