Ils font partie du paysage du centre de la commune d'Oradour-sur-Vayres depuis 125 ans. Plantés ensemble le 4 avril 1895, le plus grand de deux séquoias s'est enflammé le 17 avril, frappé par la foudre. Les pompiers ont pu sauver le second. Soulagement et tristesse du côté des riverains.
Il était 20h le 17 avril, quand Patrick Chalard, agriculteur, prend sa voiture malgré l'orage qui gronde, pour aller voir l'une de ses vaches prête à véler. A proximité de l'entrée de l'usine Scopéma, rue du Pouloueix, à Oradour-sur-Vayres (Haute-Vienne), son attention est attirée par une boule de feu
J'ai vu du rouge dans le bas du premier séquoia, c'était une boule de feu, j'ai tout de suite compris qu'il venait d'être frappé par la foudre ! Je suis allé directement à la gendarmerie à 150 m, c'est eux qui ont appelé les pompiers
Les pompiers arrivés sur les lieux arroseront le séquoia jusqu'à minuit, pour sécuriser une citerne de gaz présente à quelques mètres sur le parking de l'usine. Richard Simonneau, adjoint au Maire, assiste tristement aux flammes qui embrasent l'arbre
Ça fait forcément quelque chose de voir un arbre aussi majestueux comme ça prendre feu. Notre patrimoine vivant touche, nos arbres, nos rivières font partie de nous, de notre histoire. On les malmène déjà trop souvent, alors quand l'orage s'en mêle en plus... oui c'est triste, car il est sans doute perdu
La vidéo-surveillance de l'usine permet de voir lorsque la foudre tombe sur l'arbre
Depuis, l'arbre est amputé de sa cime de plus de 10 mètres. Le coup de foudre lui a fait perdre la tête ... mais il est aussi fendu le long de son tronc, le séparant clairement en deux sur sa partie supérieure.
Des séquoias arrivés des Etats-Unis
Les deux séquoias de Oradour-sur-Vayres sont arrivés tout droit de San Francisco. Jules Callandreau Dufresse, médecin et passionné d'arbres et de bontanique, né à Oradour en 1849, est parti aux USA en 1873 et a vécu 30 ans à San Francisco. Il envoie souvent des graines à sa mère Amélie Duvoisin épouse Callandreau et revient tous les deux ans à Oradour. C'est lui qui fait planter les 2 sequoias dans le parc de son château pour la naissance du fils de son métayer, Jean Restoueix, au début du mois d'avril 1895.
Je me suis procuré de bonnes graines de bois rouge. C'est ainsi qu'on appelle communément ici le sequoia sempervirens dont nous avons de si beaux échantillons au fond du pré. J'en ai envoyé un paquet à Simon. Je t'en envoie un paquet par la poste..."
D'autres plants agrémenteront le domaine du château, comme un grand araucaria qu'on peut apercevoir sur cette carte postale. Le domaine et son parc sont devenus aujourd'hui l'hôtel de ville de la commune.
Jules Callandreau Dufresse donnait ses terres en métayage à la famille Restoueix. Et c'est pour la naissance du fils de son métayer, Jean Restoueix, que les deux séquoias ont été plantés au début du mois d'avril 1895.
Aujourd'hui, son arrière-petit-fils, toujours agriculteur et riverain, s'en émeut.
Je suis bien sûr ému de savoir que ce séquoia qui a été planté par mon arrière-grand-père, pour la naissance de mon grand-père, ne va sans doute pas survivre à ce coup de foudre. J'ai passé toute mon enfance dans la cour de la ferme avec ma soeur, et ce sont 4 générations dans la famille qui voit grandir ces séquoias. Leur histoire a toujours été racontée lors des repas de famille
Tout comme l'est l'arrière-arrière-petit-fils, Michael, 32 ans, chocolatier confiné à Limoges. Il s'en est ouvert sur les réseaux sociaux.
Triste ce matin d'apprendre que les séquoias plantés par mon arrière-arrière-grand-père le jour de la naissance de mon arrière- grand-père en 1895 ont été frappés par la foudre, le symbole des mes racines limousines à disparu
Le séquoia est-il condamné ?
A voir ainsi la cîme du séquoia, fendue et décapitée d'une dizaine de mètres, on peut en effet penser que le majestueux arbre est désormais condamné. D'autant qu'un précédent coup de foudre l'avait déjà frappé mais il s'était remis de cette attaque et avait cicatrisé.
Pour Christian Riboulet, expert forestier, il faut bien sûr examiner de plus près l'arbre avant de se prononcer. Toutefois, il faut compter sur la capacité de résilience d'un tel arbre. Souvent plantés dans les parcs pour devenir dominants et faire office de paratonnerre dans les domaines, les séquoias peuvent atteindre 1000 ans d'âge. Ils peuvent être foudroyés et poursuivre leur croissance, en ayant à chaque fois une autre tête.
L'expert rappelle que la foudre frappe les racines et ce n'est qu'une partie de l'extraordinaire masse racinaire qui est touchée. Les racines d'un séquoia peuvent s'étaler jusqu'à 50 mètres autour du pied. Beaucoup de racines n'ont pas été conductrices, elles maintiennent donc la solidité du tronc. On le voit au lendemain du coup de foudre, beaucoup de branches sont encore là.
L'expert rappelle qu'un séquoia a ainsi pu être sauvé après avoir été foudroyé et décapité d'une quinzaine de mètres, à Châlus en Haute-Vienne. Des arbres sont régulièrement sauvés grâce à une intervention étudiée, la mise en place de sangles adaptées, sécurisant l'arbre.
Il appartient désormais à la communauté de communes Ouest Limousin, propriétaire du site où se trouvent les deux séquoias, de décider du sort de l'arbre. Quant à son jumeau, jusque là plus petit, il domine désormais le virage de la rue du Pouloueix d'Oradour-sur-Vayres.