L’œuvre d’Agustín Ibarrola sculpteur et peintre, disparu en novembre 2023, est colossale. Son incroyable énergie l’a conduit à créer des œuvres très intimistes et simples, ou des sculptures immenses et imposantes.
Artiste engagé et avant-gardiste, il a mis son art au service des mouvements ouvriers des années 60 et 70 dans l’Espagne franquiste, puis des victimes d’ETA.
Son œuvre la plus emblématique est sûrement le bois peint d’Oma, à Kortezubi près de Guernica, que des étudiants des Beaux-Arts de Bilbao et des artistes viennent tout juste de restaurer.
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Agustín Ibarrola, est né à Basauri (Biscaye), près de Bilbao en 1930, dans une famille ouvrière. Tout jeune, il doit commencer à travailler, mais le jeune autodidacte étudie parallèlement les Beaux-arts à Bilbao. En 1956 il part pour Paris où il fonde “Equipo 57" avec des artistes espagnols, Juan Serrano, Jose Duarte, et un autre Basque, Nestor Basterretxea. Ces jeunes peintres se réunissent au Café du Rond-Point, et réfléchissent à ce que doit et peut-être l'Art, se démarquent des expressions conservatrices espagnoles et au-delà, de tout classicisme. L'Abstraction géométrique est leur credo.
De retour à Bilbao, Agustin Ibarrola lance “Estampa popular de Biscaye” collectif d’artistes engagés dont Maria Dapena est la grande figure féminine et féministe. Les artistes engagés et avant-gardistes, mettent leur art au service des mouvements ouvriers des années 60 et 70 dans l’Espagne franquiste. Cela vaut aux deux amis de connaître par deux fois la prison. Il fut également victime d’un attentat du Bataillon Basque Espagnol (BVE), mouvement d'extrême droite, qui détruisit sa maison et son atelier d'Ibarrangelu. Ibarrola est alors très engagé aussi en faveur de la langue basque (alors interdite) et est l'un des cofondateurs de la première ikastola (école en langue basque) de Bilbao. Il peint et dessine manifestations, grèves, et ouvriers en marche. Ses créations reflètent les tensions et mobilisations de l'époque en faveur de la liberté, de l'amnistie, de l'autonomie.
La fin des années 50, début des années 60, un incroyable projet de construction d'une basilique à Arantzazu est lancé. Participent les plus grands et fameux sculpteurs et peintres du Pays basque : Chillida, Basterretxea, Carlos Pascual de Lara, Agustin Ibarrola et les architectes Francisco Javier Saenz de Oiza et Luis Laorga. Mais au final, bien que son projet de peinture ait été retenu, Ibarrola ne fera pas partie de l'équipe. L'Église n'apprécie guère son projet, pourtant très "vélazquézien" selon Irrintzi, car Agustin y met tout son souffle en faveur des classes ouvrière et paysanne. Et puis surtout, il y a ces prêtres en haut à gauche du cadre, représentés par des chauves-souris. C'en était trop !
Autre engagement, celui en faveur du transfert du Guernica de Picasso à Gernika. Il fut l'initiateur et farouche partisan du mouvement “Guernica Gernikara” (Guernica à Gernika).Agustin Ibarrola a d'ailleurs rendu hommage à Pablo Picasso en créant son propre Guernica, reprenant des figures du célèbre tableau peint en 1937 pour le stand de la République espagnole lors de l'exposition universelle à Paris de la même année. Le tableau principal de la série est exposé au Musée des beaux-arts de Bilbao.
https://bilbaomuseoa.eus/en/home/
Son œuvre la plus emblématique est sûrement le bois peint de Oma, à Kortezubi près de Guernica, initiée en 1983 et que des étudiants des Beaux-Arts de Bilbao et de jeunes artistes viennent tout juste de restaurer. Le Conseil provincial de Biscaye a financé le projet et racheté les droits des œuvres d'Ibarrola : la série pointilliste, les hommages à Picasso, le Gréco, l'Arc-en-ciel de Naiel (créé à la naissance de son petit-fils) et la quarantaine de thèmes déclinée sur quelque 800 pins. L'université du Pays basque est également partenaire de cette renaissance.
Pour en savoir plus, le site officiel du bois d'Oma de Bizkaia Foru Aldundia (en castillan, français et basque). Remarque : les œuvres du bois peint d'Oma sont © Bizkaia Foru Aldundia
https://www.bizkaia.eus/eu/web/bosque-oma-basoa
Le premier bois avait été victime d'un champignon parasite et fermé aux visiteurs. Le nouveau lieu désormais ouvert au public, a été inauguré en décembre 2023. Ibarrola a eu le bonheur de voir son bois avant de s'éteindre.
À la fin des années 80, Ibarrola s'engage aux côtés des victimes d’ETA. Menacé à son tour, il est contraint de vivre sous la protection constante de gardes du corps jusqu'à l'autodissolution d'ETA. Cet engagement lui doit d'être boycotté et critiqué par une partie de la gauche indépendantiste.
Les invités :
José et Irrintzi Ibarrola, fils d’Agustín.
La forêt s'offre de différentes façons, avec ses couleurs qui surprennent le promeneur, les possibilités de faire et défaire les figures peintes sur les troncs d'arbres, selon les perspectives et les points d'observation où tu te situes. Tu peux trouver des évocations plus intimes de moments de la vie de notre père, telle la naissance de son premier petit-fils, qu'il traduit par son "Arc en ciel de Naiel". Le bois d'Oma est une parcelle de sa vie.
José Ibarrola
Sous le franquisme notre père a lutté pour la Liberté. Au delà de son engagement politique étant proche du Parti communiste, son combat c'était cela. Puis à la transition démocratique, il s'est investi dans les mouvements qui demandaient à ETA de cesser ses attentats et assassinats. Ce qui lui a valu d'être dans la ligne de mire des terrosristes.
Irrintzi Ibarrola
Ines Larriñaga, jeune plasticienne biscaïenne partie prenante du projet depuis ses débuts en 2022, guide puis surtout peintre en charge de la conduite des travaux.
Il nous a fallu trouver des points d'observations, à partir desquels on a travaillé en binômes. J'indique alors à celui qui peint sur le troncs, sur quelles perspectives jouer, pour créer un espace tridimensionnel.
Ines Larriñaga
Archives et séquences :
La rencontre avec Agustin Ibarrola en octobre 2010, dans son atelier, dans le jardin autour de sa ferme atelier où sont conservées de magnifiques sculptures, totems en bois, parfois peints également, ou structures en acier corten. Son interview enflammée.
La première Journée des victimes, à Vitoria-Gasteiz, capitale politique de la Communauté autonome basque, toujours en octobre 2010. Une réception de Patxi Lopez, alors Lehendakari - président socialiste du gouvernement basque. Inauguration d'une sculpture d'Agustin.