Procureurs et juges ne font pas toujours cause commune, mais cette fois, le sentiment d’injustice est le même. A La Rochelle, Saintes et Niort, ils dénoncent le manque de moyens crucial et les accusations de laxisme dont ils font l’objet.
Ce lundi 7 juin n’est pas un lundi comme les autres dans les tribunaux de La Rochelle et de Saintes. Leurs deux procureurs de la République publient une tribune pour souligner « l’impérieuse nécessité de moyens supplémentaires pour lutter contre les violences conjugales ».
Leurs auteurs, Laurent Zuchowitz procureur de la République de la Rochelle et Nicolas Septe, procureur de Saintes, sont très impliqués dans la cause des violences conjugales. En 2019, le parquet de Saintes a testé un dispositif d’accompagnement individuel renforcé pour les auteurs de violences familiales. Il tend à empêcher la réitération des actes violents par une prise en charge de la personne pour sortir de cette violence. Un an plus tard, en septembre 2020, Nicolas Septe a dressé un bilan plutôt positif de ce test : Sur 34 auteurs, 4 ont été à nouveau incarcérés.
Laurent Zuchowitz, lui, a multiplié par quatre le nombre de « téléphones grave danger » depuis 2019, passant de 5 à 20 téléphones portables particuliers donnés aux victimes pour signaler un danger imminent. Depuis quelques mois aussi ce parquet dispose de trois bracelets anti rapprochement, installés sur des auteurs de violences conjugales.
Pourquoi ces deux hommes haussent-ils la voix aujourd’hui ?
Le premier responsable d’un crime, c’est bien son auteur. Même s’il peut y avoir des responsabilités de dysfonctionnement à chercher, la justice ne peut pas servir de bouc émissaire pour tout acte.
En faisant fonctionner des services, selon eux, sous dimensionnés pour les enquêtes, l’accueil et les soins pour les victimes, la prise en charge des auteurs, et des places en prison limitées.
Le "ça suffit" des magistrats, à Niort
A Niort le 1er juin 2021, les magistrats via le syndicat USM, relayaient un texte coup de poing de la conférence des Premiers présidents : « ça suffit ! ». Ce texte exprime leur vrai ras le bol d’être jugés sans cesse comme « trop sévères, trop laxistes, instruments d’une justice irresponsable et lente ».
Nous avons besoin de sérénité pour rendre la justice. On ne peut pas devenir un enjeu électoral comme c’est le cas en ce moment.
Ras le bol aussi de l’inflation législative, basée parfois sur l’équation , un fait divers = une loi.
Même constat chez les Parquetiers de Charente-Maritime. « Depuis janvier 2021 nous avons reçu 47 circulaires, dont 10 pour les violences conjugales depuis 2020 ».
► Tribune de la conférence nationale des premiers présidents-LA-ROCHELLE-SAINTES
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Tribune de la conférence nationale des premiers présidents-LA-ROCHELLE-SAINTES
► Tribune de la conférence nationale des premiers présidents-NIORT
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Tribune de la conférence nationale des premiers présidents-NIORT
Le garde des Sceaux a rencontré la semaine dernière la conférence des procureurs de la République, a rappelé l'entourage du ministre. "Il est a l'écoute de leur demande de moyens". Les 1.000 bracelets anti-rapprochement dont dispose la Chancellerie "n'ont pas vocation à rester dans les tiroirs", avait déclaré le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti après le féminicide de Mérignac, commis le 4 mai par un homme qui purgeait une peine pour violences conjugales mais n'avait pas été équipé du dispositif.
Des circulaires avaient ensuite été envoyées aux magistrats pour pousser au déploiement du dispositif, disponible en France depuis l'automne mais dont les juridictions peinaient à se saisir. Le ministre de la Justice demandait notamment à ce que "tous les dossiers" de personnes condamnées pour violences conjugales soient repris, afin de vérifier que "les antécédents et la personnalité" de ces hommes ne rendaient pas "nécessaire" la pose d'un bracelet.
Deux missions d'inspections ont été lancées par le gouvernement afin de faire la lumière sur les failles manifestes ou éventuelles dans le suivi de conjoints violents, après le féminicide de Mérignac (Gironde), et celui d'Hayange (Moselle) le 23 mai.
Les conclusions de ces inspections sont attendues dans les prochains jours.
Selon le collectif "Féminicides par compagnons ou ex", 49 féminicides ont été recensés en 2021. En 2020, le ministère de l'Intérieur en avait décompté 90, contre 146 l'année précédente.