Les anciens salariés de la centrale EDF d'Arjuzanx (Landes) exposés à l'amiante sont en droit de demander des indemnités à leur employeur, selon un arrêt de la Cour de cassation obtenu mercredi par l'AFP, qui invalide un jugement de la cour d'appel de Pau.
Le 8 novembre 2018, la cour d'appel de Pau avait débouté les ex-salariés de la centrale EDF d'Arjuzanx dans les Landes, en estimant qu'ils n'étaient "pas éligibles au préjudice d'anxiété", la centrale thermique fermée en 1990 n'étant pas répertoriée parmi les établissements ouvrant droit à l'allocation amiante. Une décision que vient de retoquer la Cour de Cassation, dans un arrêt du 2 juin dernier.
"Le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante (...) peut agir contre son employeur (...), quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée", écrit dans cet arrêt du 2 juin la haute juridiction, qui renvoie les parties devant la cour d'appel de Bordeaux.
"Pour débouter les anciens salariés d'EDF, la cour d'appel a énoncé que la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de droit commun imposait la démonstration d'un préjudice réparable", poursuit la Cour de cassation. "En statuant ainsi (...), sans analyser fût-ce sommairement les éléments de preuve produits par les salariés (...), la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences" de la loi."
Une victoire décisive, selon la CGT
"Cette victoire, c'est aussi le renforcement de l'obligation de 'sécurité de résultat' faite aux employeurs de ne pas exposer les salariés à des produits toxiques et l'interdiction de faire des profits au détriment de la santé des travailleurs", se félicite dans un communiqué la fédération de l'énergie CGT (FNME-CGT), qui assure que cette décision va profiter à 89 anciens salariés toujours vivants.
"L'État, le Medef et les employeurs doivent appliquer les principes fondateurs de la loi instaurant la présomption de responsabilité de l'employeur et la réparation forfaitaire du dommage à sa charge", ajoute le syndicat.
Au moins 120 salariés exposés
En août 2015, EDF avait été condamné aux prud'hommes à Mont-de-Marsan à verser des dommages et intérêts au titre du préjudice d'exposition fautive, allant de 1.000 à 14.000 euros en fonction de la durée d'exposition à l'amiante. L'entreprise avait fait appel.
Dans les années 1950, EDF exploitait les sous-sols sur le site d'Arjuzanx, et extrayait du lignite, une variété de charbon pour en faire de l'électricité. Depuis la fermeture du site, plus de 120 cas de maladie professionnelle de l'amiante ont été constatés, et 35 victimes au moins sont décédées. Dans plus de la moitié des cas, la faute inexcusable d'EDF a été reconnue par le tribunal des affaires de Sécurité sociale.
Le secrétaire général de la FNME-CGT, Sébastien Menesplier, a adressé mardi au président d'EDF Jean-Bernard Lévy un courrier lui demandant de renoncer aux recours du groupe dans ces affaires.
Au début des années 2000, la CGT avait obtenu de François Roussely, alors président d'EDF, l'engagement que l'électricien "ne contesterait plus les décisions juridiques en matière de responsabilité dans les dossiers de 'fautes inexcusables de l'employeur' et les dossiers 'amiante'. Nous vous demandons donc solennellement de continuer d'honorer cet engagement, car il est juste et respectueux de la dignité humaine", écrit-il.