C'est une des marques les plus visibles du changement climatique dans notre région : chaque année, le trait de côte du littoral aquitain recule, parfois de plusieurs dizaines de mètres, sous l'effet conjugué des tempêtes et des courants marins. À Biscarrosse, la communauté de communes tente de freiner cette érosion en transférant du sable du sud vers la plage centrale, plus au nord.
C'est une lutte qui rappelle le mythe de Sisyphe. Inlassablement, chaque année entre novembre et mai, camions et pelleteuses déplacent plusieurs dizaines de milliers de mètres cube de sable du sud vers le nord ; du sable que les courants marins, et les tempêtes hivernales, redéplacent en sens inverse.
"Rééquilibrer le niveau sédimentaire", c'est l'objectif des travaux menés par la Communauté de communes des grands lacs depuis 2018. Selon Vincent Bawedin, en charge de la gestion du trait de côte, la prise de conscience a eu lieu après la série de tempêtes hivernales de 2013-2014, qui ont fait reculer la plage d'une trentaine de mètres par endroits.
Une plage fragile
La plage centrale de Biscarrosse est une des plus vulnérables des 240 kilomètres de côte sableuse du littoral aquitain. Car en plus de l'influence des courants des passes du Bassin d'Arcachon plus au nord, les bâtiments construits sur la dune freinent le mouvement naturel de la côte, qui perd du sable l'hiver et se recharge en été.
"Si on rigidifie le trait de côte, notamment à cause de constructions sur la dune, on empêche les échanges sédimentaires de se faire", explique Vincent Bawedin.
Le trait de côte est comme un corps vivant qui a besoin de respirer. Il doit pouvoir bouger en fonction des saisons.
Vincent Bawedin, chargé de mission Communauté des communes des grands lacsà rédaction web France 3 Aquitaine
Profiter des grandes marées
Désormais, le sable ne revient pas en quantité équivalente en période estivale. La Communauté de communes a donc pris la décision d'aider un peu la nature et de mener ces travaux quatre jours par mois, de novembre à mai, lorsque les grandes marées leur offrent davantage de temps et d'espace. 130 000 mètres cube de sable ont ainsi été déplacés en 2021.
Ce devrait être moins cette année, car les tempêtes hivernales ont pour l'instant été moins fréquentes et moins intenses. "Nous avons décidé d'agir pour prévenir, c'est grâce à cela que nous sommes aujourd'hui dans une situation plutôt favorable. L'érosion est pour l'instant moins visible que lors des derniers hivers", avance Vincent Bawedin, également géographe.
Ces travaux coûtent chaque année 330 000 euros. Mais seulement 20% de cette somme est financée par la collectivité. L'Europe, l'État, mais aussi les conseils départemental et régional mettent la main à la poche.
Un investissement indispensable au vu des enjeux touristiques. Chaque été, Biscarrosse accueille au moins 100 000 vacanciers sur son littoral, sept fois plus que sa population à l'année. Or la plage peut s'affaisser de quatre à cinq mètres par an. Son réensablement devient donc indispensable.
Le choix du repli
La menace pèse aussi de plus en plus sur les bâtiments construits sur la dune : l'hôtel-restaurant et sa vue imprenable sur l'immensité de l'Atlantique, et les fameuses maisons jumelles, au style arcachonnais, surplombant la plage depuis 1912. L'océan s'en rapproche dangereusement hiver après hiver, tempête après tempête.
"Avec ces travaux, nous ne faisons que gagner un peu de temps. Mais la destruction de ces bâtiments et leur reconstruction en arrière de la dune sont inéluctables", précise Vincent Bawedin, comparant leur sort à celui de l'immeuble du Signal à Soulac, voué à la démolition.
Est-il possible de faire plus pour lutter contre l'érosion ? La Communauté de communes des grands lacs assume d'avoir fait le choix d'une "lutte active souple". Autrement dit, ni digue au large de Biscarrosse-plage, ni enrochement de la dune ne sont prévus. Trop chers (au moins 5 millions d'euros pour le second), ils sont aussi jugés inefficaces. L'état actuel de l'enrochement effectué au pied des maisons jumelles dans les années 80 en est la preuve, selon Vincent Bawedin.
L'océan avance, l'homme se prépare donc à reculer. Freiner l'érosion du littoral s'apparente bien à un perpétuel recommencement.