Ils sont venus de toute la région pour crier leur colère. En cause : une décision de justice limitant l’irrigation sur le bassin de l’Adour. La présidente de la FNSEA est sur place.
Mobilisation massive : plus d'un millier d'agriculteurs dans les rues de la préfecture landaise, et 70 tracteurs à la rescousse pour un défilé remarqué.
A l’origine de la grogne, un recours déposé par plusieurs associations de protection de l’environnement, en mars 2018. Un recours et derrière la sentence du Tribunal administratif de Pau en février dernier : la suspension de l’Autorisation unique pluriannuelle d’irrigation, pour le bassin de l’Adour. La décision du tribunal prévoit une période transitoire avec des "prélèvements plafonnés" avant une annulation définitive des prélèvements d'eau prévue le 31 mai 2022.
Depuis, les actions se multiplient pour dénoncer cette décision et appeler les pouvoirs publics locaux à réagir. Car selon le syndicat agricole FDSEA des Landes, cette suspension concernerait 4 500 irrigants et aurait pour conséquence une baisse de 30 à 50 % des autorisations de prélèvement de l’eau.
En face, les associations de défense de l’environnement mettent en avant une irrigation excessive et les changements climatiques à venir. Selon l'association de protection de l'environnement Sepanso, une des associations à l'initiative du recours, "les prélèvements passés étaient excessifs, les cours d'eau sont au plus bas, ça pose des problèmes environnementaux", a indiqué à l'AFP Georges Cingal, président de la fédération landaise.
Venus de tout le Sud-Ouest
Ils sont venus en nombre ce mardi 30 mars à Mont-de-Marsan à l’appel du Modef et de la FDSEA. Dè 9 h 30, le cortège s’est réuni devant le stade Guy-Boniface avant de parcourir le centre-ville jusqu’à la préfecture. Dans le cortège, des agriculteurs landais, mais aussi venus du Gers, des Pyrénées-Atlantiques, du Tarn-et-Garonne et des Hautes-Pyrénées. C’est donc un long cortège de tracteurs qui a envahi Mont-de-Marsan embouteillant la RD824 et entraînant de nombreux bouchons dans la zone.
Plusieurs centaines d’agriculteurs se réunissent sur le parking du stade Boniface, à Mont-de-Marsan, avant de défiler dans le centre-ville pour défendre l’irrigation #Landes pic.twitter.com/NPcXRjSRDV
— France Bleu Gascogne (@Bleu_Gascogne) March 30, 2021
Annulation de l’autorisation pluriannuelle
En février dernier, le Tribunal administratif de Pau a donc annulé l’autorisation pluriannuelle délivrée au syndicat Irrigadour de prélever les eaux du bassin de l’Adour amont de 2017 à 2022. Les agriculteurs doivent donc revoir à la baisse leur consommation d’eau pour les années à venir. De quoi mettre le feu aux poudres. Seraient concernés 145 000 hectares dédiés notamment à la culture du maïs, des haricots, des carottes. Les agriculteurs mettent en avant des investissements déjà réalisés ou en cours.
« Sans eau pas de culture »
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, était dans la manifestation. « J’apporte le soutien plein et entier de la FNSEA à cette manifestation et aux irrigants », a-t-elle déclaré sur notre antenne. « Tous les organisateurs l’ont dit, dans cette région mais partout en France, l’eau est capitale. Sans eau pas de culture. Vos reportages ont montré des inondations massives ces derniers temps. Il y a autant de pluviométrie mais elle est mal repartie. Donc il faut stocker l’eau l’hiver pour pouvoir l’utiliser l’été quand il y a pénurie et besoin d’eau pour les plantes. (…) Nous demandons donc aux représentants de l’Etat de faire appel de cette décision de justice pour que les agriculteurs irrigants sortent de l’insécurité. Une autorisation qui a été donnée et qui est remise en question cela met en péril les exploitations agricoles. Les cultures qui sont irriguées ici c’est de la valeur ajoutée, c’est de l’emploi. C’est pour cela que de très nombreux élus territoriaux sont présents".
Le maïs, le maïs semence, les légumes, toutes ces cultures font la richesse des territoires et nous avons besoin d’eau pour les produire.
"Donc il faut rétablir ces autorisations", poursuit-elle. Sur le maïs beaucoup d’efforts ont été faits pour rationnaliser utilisation de l’eau. Aujourd’hui nous consommons 30% d’eau en moins pour produire le même tonnage de maïs grâce à la mesure de l’évapotranspiration, grâce à l’utilisation de sondes que l’on met dans le sol et qui permettent de mesurer le réel besoin d’eau. Beaucoup de progrès ont donc été fait. Mais derrière le maïs, il y a le foie gras, l’élevage, le bœuf de Chalosse, et tout l’engraissement. Donc cette plante est nécessaire à cette région. Et il faut faire des efforts techniques. Les efforts de pratique nous les faisons mais nous avons besoin de cette culture. Partout o le mais semence est exporté, il est prisé. De très nombreuses entreprises le cultivent ici. Les agriculteurs en tirent des revenus meilleurs. C’est pour tout cela qu’il faut défendre l’accès à l’eau".
Beaucoup d’autres pays se mettent à stocker de l’eau. En Europe le stockage d’eau a été augmenté de 13% sur les dix dernières années. En France c’est seulement plus 1% (…).
"Alors il faut qu’en France on sorte de l’idéologie", a-t-elle conclu. "Le président de la république s’est engagé. Le ministre de l’agriculture a dit « l’eau la mère des batailles ». Le dire c’est bien le faire c’est mieux. Il faut le traduire en acte et sécuriser tous les dispositifs ».
Enjeux politiques
Les agriculteurs attendent des pouvoirs publics locaux qu’ils les soutiennent, notamment la communauté de communes Maremne Adour Côte sud (Macs). Beaucoup disent travailler directement ou indirectement pour la Macs. Selon eux, celle-ci impose des critères qu’ils ne seront pas à même d’honorer si les restrictions se confirment.
De la même manière, les élus sont interpellés sur la question. Et le sujet sera très certainement au cœur des élections régionales. En attendant, ce mardi, la Chambre d’agriculture des Landes a fermé au public de 10 heures à 13 h 30, en soutien à la manifestation.
Selon la Chambre de commerce et d'industrie des Landes, la "réduction d'irrigation pourrait entrainer un grave préjudice" pour le secteur du bassin de l'Adour, avec un "risque majeur" de délocalisation des activités agro-industrielles.