Faut-il craindre un méga incendie dans la forêt des Landes de Gascogne ?

La forêt des Landes de Gascogne, très vulnérable face aux flammes, bénéficie actuellement d'un système de lutte contre les incendies particulièrement efficace. Mais l'accroissement de la population et le réchauffement climatique accentuent très fortement le risque d'incendies dans la zone.

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Un ciel orange, des quartiers entiers réduits en cendres, des habitants traumatisés… Depuis plusieurs semaines, les images des "méga feux", ces incendies dévastateurs qui ravagent les états de l'Oregon et de la Californie, diffusées dans les médias glacent le sang. Fin 2019, c'était l'Australie qui était touchée par des incendies géants, responsables d'une trentaine de morts.

Beaucoup de feux, peu de dégâts

En Aquitaine, l'été a toujours été une saison propice aux feux de forêt. Encore, en juillet 2020, 167 hectares de la forêt de Chiberta au Pays basque partaient en fumée. Depuis le début de l'année, rien que sur les départements de la Gironde, de la Dordogne, des Landes et du Lot-et-Garonne, 724 départs de feu ont été constatés et 1 373 hectares détruits. 
En cette mi-septembre encore, alors que le mercure dépasse les 30 degrés, des départs de feu sont signalés chaque jour dans les forêts de la région, mobilisant d'importants moyens. 

Des moyens de lutte très efficaces

Certes, nous sommes bien loin des millions d'hectares ravagés en Australie. Si les départs de feux sont nombreux en Aquitaine, la surface brûlée reste relativement faible, du fait notamment de la bonne l'organisation des secours et de la création d'infrastructures adaptées. 
Depuis l'incendie de 1949 en Gironde, ses 82 morts et ses 52 000 hectares brûlés, de nombreux outils ont été mis en place pour faciliter le travail des pompiers : vigilance accrue, chemins d'accès, réseaux hydrauliques… 
Le panel est efficace, mais pas infaillible. Ainsi, en 2017, plus de 1 000 hectares de pins brûlent en quelques heures à Cissac-Médoc en Gironde. La crainte d'un nouvel incendie tout aussi, sinon plus dévastateur n'est jamais loin. Pour autant, la question se pose : après l'Australie, les Etats-Unis, ou encore le Portugal, pourrions-nous aussi voir un jour des incendies hors de contrôle en Aquitaine ? 

Une population en augmentation constante

La forêt la plus "à risque" reste la forêt des Landes de Gascogne. Le massif forestier le plus grand d'Europe compte plus d'un million de pins maritimes cultivés. Des arbres en monoculture, particulièrement inflammables. "Un des facteurs de risque, c'est l'augmentation de la population dans les départements côtiers", souligne Pierre Mace, directeur de la Défense des forêts contre l'incendie en Aquitaine (DFCI) Aquitaine.
 

On a de plus en plus d'habitants dans les Landes et en Gironde, ce qui signifie à la fois plus de personnes exposées, mais aussi plus de départs de feux.  Dans la région, 96% des incendies sont liés à une activité humaine.

Pierre Mace, directeur de la Défense des forêts contre l'incendie en Aquitaine (DFCI) Aquitaine.


Un chemin mal débroussaillé, un barbecue, une voiture stationnée sur une piste forestière, un mégot jeté par terre… autant de mauvaises habitudes qui ont parfois des conséquences dramatiques. "On ne peut se comporter en forêt ou à proximité, comme on le fait ailleurs", rappelle Pierre Mace.

 
Afin de réduire le risque au maximum, l'aménagement du territoire en bordure de forêt est désormais pensé en fonction du risque incendie. "Les nouveaux lotissements doivent inclure des voies d'accès pour les secours, la couverture en eau doit être suffisante…", énumère Pierre Mace.

Des alertes venues du Portugal

Une approche globale qui fonctionne plutôt bien… pour l'instant, reconnaît Julien Ruffault, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (INRAE) et spécialiste de l'Ecologie des Forêts Méditerranéennes. Les Landes feraient même figure d'exception, alors que, partout dans le monde, et même en France, les incendies gagnent en puissance.

"Ici, en Méditerranée, nous avons de plus en plus de retour sur le terrain qui nous disent que les feux deviennent incontrôlables. Les chercheurs du Portugal, qui ont eux aussi des forêts mono spécifiques, nous alertent chaque année sur le risque qu'encourt la forêt landaise", souligne le chercheur

 

Le fait qu'elle soit plutôt épargnée jusqu'ici, c'est pour nous une bonne surprise. Ces parcelles sont très inflammables et le foyer pourrait rapidement devenir très important si l'incendie était hors de contrôle.

Julien Ruffault, chercheur à l'Institut national de la recherche agronomique (INRAE) et spécialiste de l'Ecologie des Forêts Méditerranéennes




Mais les moyens et aménagement humains ne pourront suffire à eux seuls. "Nous avons de grandes raisons d'être inquiets pour l'avenir, poursuit Julien Ruffault. Est-ce que ce qui s'est passé en Californie ou en Australie pourrait se produire en France ? Cela arrivera certainement un jour, et probablement dans les Landes." 

Le réchauffement climatique, cause commune aux méga feux

Si les scientifiques sont aussi pessimistes, c'est qu'ils savent que le réchauffement climatique favorise la propagation des méga-incendies partout sur la planète. Un climat chaud et sec, voire caniculaire, accroît considérablement le risque.
"On voit des feux dans toutes les régions du monde, confirme le climatologue Hervé Le Treut. Le phénomène est mondial et il n'y a pas de doute que la cause commune à la propagation de ces incendies, c'est l'émission de gaz à effet de serre".

Or, le réchauffement aujourd'hui est quasiment inéluctable. Il va donc falloir s'adapter poursuit le climatologue. "Les municipalités ou les régions doivent, d'un côté contribuer à la réduction de gaz à effets de serre, mais elles doivent aussi protéger leur territoire et aider les gens à vivre là où ils sont. Cela implique des changements systémiques et une réflexion nouvelle".
 

Faut-il introduire de nouvelles espèces d'arbres aux milieux des pins ?

Au niveau de la région Nouvelle-Aquitaine, plusieurs pistes sont avancées pour éviter, sinon le méga incendie, au moins une propagation plus importante des flammes dans les années à venir. 
La mono spécificité de la forêt landaise est sa grande faiblesse, soulignée dans le rapport d'Ecobiose, un comité scientifique régional sur la biodiversité et coordonné par Vincent Bretagnolle, chercheur au CNRS.
"Les risques de dégâts aux forêts, associés aux perturbations comme les incendies, (…) peuvent être atténués en associant des essences feuillues aux peuplements de conifères. Ces résultats demandent à être confirmés dans le contexte de la Nouvelle-Aquitaine", indique le rapport.

"Que ce soit face aux incendies, aux tempêtes ou aux maladies, une forêt pluri-spécifique est plus résiliente, plus vertueuse et plus résistante", confirme Vincent Bretagnolle. Un tapis d'aiguilles de pins est particulièrement inflammable. Introduire des feuillus ralentirait la propagation des flammes et offrirait plus de résistance". 

Agir vite

Une piste donc, mais pas encore un projet, même si on imagine déjà la création d'une "zone atelier" dans les Landes, afin de mener des expériences sur cette base. 
Nicolas Thierry, élu EELV à la région Nouvelle-Aquitaine, est grandement favorable à des expérimentations réunissant scientifiques, l'Office national des forêts (ONF) et les sylviculteurs. "C'est le rôle des pouvoirs publics de mettre des actions en place pour pousser tous les acteurs au changement, tout en les sécurisant. Nous savons tous très bien aujourd'hui que, quelque, soit la modélisation climatique, si nous ne faisons rien, nous irons droit dans le mur, et tous ensemble". 

 
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