À quelques jours du 8 mai, en Lot-et-Garonne, une lettre de résistante a refait surface. Renée Badie, figure locale, y décrit ces heures de torture, aux mains des hommes de Pétain. Avec son mari, Maxime, ils ont accueilli des centaines de résistants et organisé les réseaux locaux jusqu'à la fin de la guerre.
Elle a refait surface, quelques jours avant la 79ᵉ commémoration de l’armistice, ce 8 mai 2024. Une lettre, rédigée par Renée Badie, retrouvée par hasard par son petit-fils. Le papier ne fait qu’une vingtaine de lignes. Dans ces mots dactylographiés, la résistante lot-et-garonnaise y décrit sa torture, en mars 1944.
“J’ai dû subir les plus grossiers outrages. Après m’avoir mis les menottes aux poignets et aux chevilles, ces misérables, les miliciens, m’ont arraché tous mes vêtements”, décrit la résistante.
Lorsque j’ai été nue, ils ont mis une machine électrique en marche et m’ont brulée avec des pointes rouges sur toutes les parties du corps. Autant internes qu’externes.
Renée BadieRésistante lot-et-garonnaise
"Torture inutile"
La scène se déroule au château de Ferron, devenu le siège de la milice. “En 1941, quand l’ancien maire est révoqué, Monsieur Villatte, son successeur et défenseur de Pétain, propose à la milice de s’installer dans ce château. Il y a eu jusqu’à 250 miliciens dans ces murs”, explique Alain Glayroux, historien local.
Renée Badie y est détenue, depuis le mois de février. Face à elle, ces bourreaux tentent d’obtenir des informations. “J’étais en liaison avec l’armée du général de Lattre. Je savais leurs secrets. Entre autres, 5 000 litres d’alcool murés et plusieurs dépôts d’armes et d’essence ainsi que les noms de beaucoup d’officiers”, détaille-t-elle dans sa lettre.
J’ai été interrogée devant cinq monstres, venus de Toulouse pour me torturer, les spécialistes de la fameuse brigade Marty. Après trois heures et demie de torture inutile, je me suis effondrée.
Renée BadieRésistante lot-et-garonnaise
Soixante-quatorze ans après sa rédaction, son petit-fils, Jean-Max Laborde, la découvre, dans ses effets personnels. “C’est une joie intérieure et une peine à la fois. C’est une émotion et une fierté immense, j'en ai presque les larmes aux yeux”, confie le lot-et-garonnais.
Comme beaucoup de descendants de résistants, Jean-Max Laborde ne connaît pas les détails de cette guerre qui a profondément traumatisé sa grand-mère. “Elle n’en parlait pas. Ils nous ont caché beaucoup de choses. C’est maintenant que tout ressort”, explique Jean-Max Laborde.
11 cours de Verdun
Figure de la résistance lot-et-garonnaise, Renée Badie et son mari, Maxime, ont accueilli des centaines de résistants dans leur maison, située au 11 cours de Verdun, à Tonneins. Leur logement deviendra une “planque” pour les républicains espagnols, mais aussi les réfractaires au STO, le service de travail obligatoire. “Leur maison accueillait beaucoup de monde. Il y avait des va-et-vient tous les jours, et donc, ils vivaient dans le danger en permanence”, explique Alain Glayroux, historien local.
Elle participera aussi à l’organisation de l’évasion des résistants détenus au camp Boussès et à la création du maquis de la Torgue ainsi que deux autres groupes armés.
Celle qui se fait appeler “La Blonde” ou “Tante Jeanne”, échappera aux allemands, par deux fois, la seconde, grâce aux bombardements des Anglais en août 1944. Son mari, lui, ne survivra pas à la guerre.
Arrêté lors des funérailles d’un autre résistant, il sera déporté au camp de Neuengamme où il sera gazé. “Il a eu la mauvaise idée de se rendre aux funérailles de Gérard Duverger, un enseignant anarchiste. Dans sa tête, ce n’était pas convenable de le laisser partir tout seul. Mais derrière la milice avait tout organisé”, explique Alain Glayroux, historien local.
Renée Badie continue pourtant jusqu’au bout son combat pour la résistance. “Ma décision était prise : plutôt la mort que la trahison", écrivait-elle, dans cette lettre de décembre 1950. Après la guerre, elle poursuivra sa lutte, en accueillant les orphelins de la résistance. Renée Badie est décédée en 1973, à l’âge de 67 ans.