Interdiction des néonicotinoïdes : la filière noisette mise au défi dans le Lot-et-Garonne

C’est une petite révolution dans le monde de la noisette. Les producteurs vivent en ce moment leur première saison sans néonicotinoïde. La dérogation d’utilisation dont ils bénéficiaient jusqu’ici pour lutter contre les parasites a pris fin au 1er juillet dernier. 


 

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Au milieu de ses noisetiers guère plus âgés que lui, Grégory Bordes, jeune producteur trentenaire, est inquiet.

Trois ans, maintenant, qu’il cultive de la noisette. Mais cette année ne ressemblera à aucune autre. Interdiction désormais, pour lui comme pour les 365 producteurs de la coopérative, d’utiliser les désormais tristement célèbres néonicotinoïdes.
Accusée de tuer les abeilles, cette famille de produits phytosanitaires a été interdite en France. Seuls les producteurs de betteraves bénéficient encore d’une dérogation.

Le balanin de la noisette, ennemi historique

A quoi ressemblera la récolte 2021 ? La question hante Grégory. Si la substance est interdite, les parasites, eux, sont toujours là. 

Il y a l’ennemi historique de la noisette, le balanin, un petit charançon qui pond et se nourrit sur la noisette. Les adultes piquent les jeunes fruits et les larves se nourrissent au détriment de l'amandon. Une perte sèche pour les producteurs.
Mais depuis trois ans, une redoutable bestiole a fait une entrée remarquée dans les champs de noisetiers du Lot-et-Garonne : la punaise diabolique. Venue de l’est asiatique, elle détériore le fruit pour y laisser un goût amer très déplaisant pour le consommateur.


La France, territoire d’exception

Sans traitement désormais, quelle sera l’ampleur des dégâts ? Impossible de le dire, mais déjà, le jeune producteur l’affirme, il ne jouera pas dans la même cour que ses concurrents turcs, italiens et espagnols, des pays où les néonicotinoïdes continuent d’être utilisés. La France fait en effet figure de territoire d’exception dans une Europe qui permet encore leur utilisation jusqu'en 2033.

Mes collègues italiens et espagnols vont pouvoir continuer d'utiliser ces produits à l’avenir, ils n’auront pas, contrairement à moi, le souci de lutter contre les parasites. Et pourtant, ici comme ailleurs, nous nous battons contre les mêmes ravageurs. Moi, concrètement aujourd'hui, en tant que jeune agriculteur et citoyen européen, je me sens lésé vis à vis d'eux.

Grégory Bordes, producteur de noisettes

Une chose est sûre, l'année sera charnière. Face au leader mondial de la noisette, la Turquie, et au leader européen, l’Italie, la France pourra-t-elle poursuivre la belle montée en puissance qu’elle avait entamée ?
L’hexagone représente aujourd’hui 1% de la production mondiale, ex-aequo avec l’Espagne. A elle seule, la coopérative Unicoque produit 10.000 tonnes de noisettes. Huit fruits sur dix sont récoltés dans le Lot-et-Garonne et son voisin le Tarn-et-Garonne.
Alors, la profession s’organise. Réunie au sein de l’Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN), elle finance sa propre recherche.

Sur les traces de la punaise diabolique

A la tête du laboratoire, Rachid Hamidi scrute les faits et gestes des parasites de la noisette, le baladin et la punaise diabolique.
Sa mission ? Trouver leur talon d’Achille. Et déjà, une piste se dégage : parasiter le parasite.
L’entomologiste nous montre un insecte presque microscopique :

Regardez, ça a la taille d'une petite fourmi, mais ça peut faire de gros dégâts sur les punaises. Nos recherches ont montré que cet insecte pouvait parasiter jusqu’à 50% des oeufs de nos ravageurs.

La solution est certes prometteuse, mais surtout 100% écologique ; le petit insecte vit à l’état naturel dans le département.

110 km en une seule journée !

Dans cette course au remède alternatif, il faut faire vite, car la punaise a plus d’un tour dans son sac. Extrêmement résistante, elle fait preuve d’une capacité de dispersion hors norme. 
Dans un coin du laboratoire, les bestioles tournent en rond dans une petit boîte, accrochées à une tige. La manoeuvre permet au scientifique d’analyser les données du vol de l’insecte.

Les études ont montré qu’une punaise diabolique pouvait parcourir 110 km en une seule journée, bien plus que notre punaise verte, limitée à 10 km !

La capacité de nuisance de cette punaise semble donc… illimitée.

Attirer et piéger la punaise

Les parasitoïdes comme piste d’avenir, mais pas seulement. L’autre solution réside dans les attractifs.
Depuis six ans maintenant, les scientifiques de l’INRA de Versailles créent des odeurs artificielles de noisettes capables de leurrer la punaise. Le but : l’attirer dans un piège ou encore créer chez elle de la confusion.
Des solutions naturelles sur le point d’aboutir qui redonnent confiance à la filière.
L'abandon des néonicotinoïdes pourrait finalement se transformer en opportunité pour la noisette lot-et-garonnaise. La rapprocher un peu plus du marché biologique.
L'occasion de valoriser davantage le savoir-faire français et, pourquoi pas, de monter en gamme.
Le directeur de la coopérative Unicoque, Jean-Luc Reigne, n’est pas loin de le penser.

Faire sans les néonicotinoïdes, c’est un vrai challenge effectivement, mais l’amélioration des techniques pourrait nous être bénéfique sur le fond, et notamment en terme de positionnement commercial sur l’Europe et la France qui devient un marché très important pour nous

Les français, grands amateurs de noisettes. 50.000 tonnes sont englouties chaque année dans le pays, comme en Italie. Mais les champions restent les Allemands, plus gros consommateurs européens et mondiaux.
Un marché de gourmands dominé par la noisette transformée. C’est ainsi qu’elle est utilisée à 99%, servant à la confection de pâtes à tartiner, de chocolat ou de bonbons.

Reste une marge de progression exponentielle sur le marché du fruit brut, de la noisette entière (1%), sur lequel Unicoque s'impose déjà comme le leader européen. Sur ce créneau, une noisette sur deux consommée en Europe vient de la coopérative.
La noisette entière française garantie sans néonicotinoïde semble avoir un avenir tout tracé.

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