Lot-et-Garonne : les attentes des harkis face à Emmanuel Macron, entre devoir de mémoire et réparations

A quelques jours de la journée nationale d'hommage aux Harkis, Emmanuel Macron invite leurs représentants à l'Elysée. Il a déclaré vouloir "franchir un nouveau pas" et compte "ouvrir le chantier de la réparation". Des attentes exprimées de longue date au camp de Bias, dans le Lot-et-Garonne.

Ils ont tous aujourd'hui plus de 80 ans. Ces harkis qui ont combattu dans les rangs de l'armée française lors de la guerre d'Indépendance de l'Algérie (1954 - 1962).

Certains ont été invités à l'Elysée ce lundi 20 septembre, aux côtés de leurs enfants, d'associations, les représentant et autres personnalités engagées dans le combat pour la reconnaissance.

Ils espèrent entendre ce qu'ils attendent depuis si longtemps. Une réparation et une vraie transmission de la mémoire.

Les associations réclament un grand débat à l'Assemblée Nationale sur l'abandon des harkis, les massacres et les conditions d'accueil en France.

Katia Khemache

Katia Khemache est docteur en histoire et auteure d'une thèse sur l'histoire des harkis du Lot-et-Garonne à travers la problématique du camp d'internement de Bias. 

"Ce débat pourrait aboutir à une proposition de loi reconnaissant la responsabilité de la France" ajoute l'historienne auteure par ailleurs de "Harkis, un passé qui ne passe pas". "Cette loi permettrait de justifier les demandes de réparation". 

L'Etat condamné en 2018 

La toute première et seule réparation a été obtenue le 3 octobre 2018. Le Conseil d'Etat avait reconnu la responsabilité de l'Etat après avoir été saisi par un fils de harki. Il avait alors obtenu 15 000 euros "en réparation des préjudices matériels et moraux".
Une victoire 56 ans après la création du camp de Bias, près de Villeneuve-sur-Lot. Là où Kader Tamazount, le plaignant, a passé 22 ans de sa vie, aux côtés de centaines d'autres familles exilées.

Conditions de vie indignes

"Mon enfance c'est les barbelés" nous avait-il confié alors.

Le camp de Bias était en effet entouré de hauts grillages. Les harkis, contraints de s'y installer après avoir dû fuir leur pays, y ont été "privés de liberté, d'éducation et de soins médicaux adaptés" assure Kader Tamazount.

"Quand on a grandi dans cet enfer-là, quand on a une enfance aussi bafouée que la nôtre, c'est dur de porter une telle histoire. Comment se construire ailleurs ?"

 

Victimes de massacres dans leur pays, maltraités en France
 

A la fin de la guerre d'Algérie, les quelques 150 000 algériens engagés dans les forces françaises n'ont pas pu rejoindre la France comme cela avait été convenu avec l'Etat français. 

"Le gouvernement avec le Général de Gaulle à sa tête a interdit aux officiers français d'organiser le transfert massif des familles de leurs soldats algériens, leurs compagnons d'arme" rappelle Katia Khemache. "Alors que considérés comme des traitres, ils étaient menacés par les nationalistes".

Les harkis étaient "considérés politiquement parlant comme de futurs algériens du nouvel état indépendant, ils devaient être rendus à la vie civile, désarmés et renvoyés dans leur foyer" écrit l'historien, spécialiste des harkis, Abderahmen Moumen dans son ouvrage De l'Algérie à la France. Les conditions de départ et d'accueil des rapatriés, pieds-noirs et harkis en 1962.

Par ailleurs, le gouvernement les voyait "comme un groupe inadaptable à la société française, risquant ainsi de devenir une charge voire « des épaves », pouvant même être récupéré par l’OAS qui poursuit sa guerre car opposée aux accords d’Évian. De plus, leur afflux dans un contexte de probable départ de nombreux Européens d’Algérie était perçu comme un problème supplémentaire encombrant pour le secrétaire d’État chargé des Rapatriés" explique encore Abderahmen Moumen.

Devoir de mémoire et attente de réparations

Ainsi abandonnés par la France, les harkis ont en effet été victimes de très violentes représailles en Algérie. Plusieurs milliers d'autres ont été parqués dans des camps en France.

A Bias, en Lot-et-Garonne, ils étaient 1300 dans des espaces conçus pour 850.

Pour Katia Khemache, il est urgent d'enseigner ces faits douloureux de l'histoire de France, de les inscrire dans les programmes de l'Education Nationale. "Il y a un devoir de transmission à effectuer" soutient-elle. Pour la reconnaissance de la souffrance endurée par les harkis et leurs enfants.

Mais il y a aussi une "attente forte de réparation matérielle" ajoute l'historienne. 

En 2016, François Hollande avait officiellement reconnu les responsabilités de la France dans l'abandon des harkis.

En 2021, Emmanuel Macron devra aller plus loin.

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