Antoine Boudinet a perdu une main dans une manifestation de Gilets jaunes à Bordeaux. Avec son collectif "Mutilé pour l'exemple", il demande l'interdiction des grenades. Une position relayée par Amnesty International qui vient de publier un rapport sur l'usage de la force dans les manifestations.
Il y a cinq mois, Antoine Boudinet perdait une main, place Pey Berland, en plein cœur de Bordeaux. C'est l'acte IV des Gilets jaunes, et comme souvent dans la capitale girondine, la manifestation dégénère en fin d'après-midi. Aspergé de lacrymogène, Antoine, venu de Bayonne, se retrouve "en état de stress". Il voit alors ce qu'il pense être une nouvelle cartouche de gaz arriver à ses pieds. Il s'en saisit, pour la jeter plus loin.
Il n'a pas le temps de prolonger son geste. La cartouche était une grenade. Elle explose immédiatement et lui arrache la main.
Un manifestant présent place Pey Berland évacué avec une main arrachée #Bordeaux #GiletsJaunes (images @gdecaix ) pic.twitter.com/1JbN26qlan
— France3 Aquitaine (@F3Aquitaine) 8 décembre 2018
"Il y a toujours des gens qui me disent qu'il faut être stupide pour ramasser une grenade, remarque le jeune Basque. Mais ceux qui disent ça ne sont jamais allés à une manifestation et ne se rendent pas compte du stress que ça génère. Ou alors soit au contraire sont des habitués, ils sont rodés à l'exercice.
Ce n'était pas mon cas. Ca faisait longtemps que je n'étais pas allé en manifestation".
J'ai fait une erreur, c'est vrai. Mais pour ce quart de seconde, ma vie a basculé.
"Mutilé pour l'exemple"
Depuis Antoine mutilé, se mobilise avec le collectif "Mutilé pour l'exemple". Ils sont une vingtaine comme lui, à avoir perdu un œil, ou un membre, et à réclamer l'interdiction de l'usage des grenades GLI F4 et du LBD40. Tous dénoncent une répression disproportionnée par les forces de l'ordre.Les "Mutilés pour l'exemple" ont présenté leur collectif jeudi 28 avril lors d'une conférence de presse
Le texte des #mutilespourlexemple pic.twitter.com/rZEjOiF02x
— Violette Voldoire (@vvoldoire) 28 avril 2019
Amnesty International demande l'interdiction des grenades
Leur combat vient d'être appuyé par un rapport d'Amnesty international. Publié ce jeudi 3 mai, il appelle les autorités à suspendre le LBD 40 et à interdire les grandes GLI – F4 et de désencerclement. Selon ce rapport, plus de 2 200 manifestants ont été blessés lors des manifestations, et 83 plaintes ont été déposées."Il semble en particulier que 23 personnes auraient perdu la vue d’un œil après avoir été frappées par un tir de LBD40 et que 5 autres auraient perdu l’usage de l’une de leurs mains à cause de grenades lacrymogènes GLI-F4", poursuit Amnesty International.
En savoir plus ? https://t.co/aXcsBdgrIw
— Amnesty France (@amnestyfrance) 3 mai 2019
L'ONG rappelle la décision, prise en juin 2018 par le Ministère de l'Intérieur de ne plus se réapprovisionner en grenades GLI- F4 "lesquelles continueraient toutefois d'être utilisées pour l'encadrement de manifestations jusqu'à épuisement des réserves".
Une plainte contre Christophe Castaner
Un rapport que Jean-Louis Blanco, avocat d'Antoine Boudinet a adressé au procureur de Bordeaux. Antoine a porté plainte contre le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, et son avocat dénonce justement cette décision d''épuiser les stocks. "Il a été démontré que ces grenades sont dangereuses, mais on liquide les stocks quand même ", s'indigne-t-il.On met en danger les manifestants pour des raisons budgétaires. C'est inadmissible!
Jean-Louis Blanco a par ailleurs demandé l'ouverture d'une information judiciaire, et demande à ce que l'enquête soit confiée à un juge d'instruction. "La plainte met tout de même en cause le ministère de l'Intérieur, l'enquête ne peut pas être laissée entre les mains du parquet", souligne l'avocat.
"Ils n'ont pas entamé ma volonté"
Le collectif des Mutilés pour l'exemple a prévu une grande manifestation le 26 mai à Paris. Antoine Boudinet, a été entendu par l'IGPN et reste en attente. Employé en tant qu'animateur pour les enfants, il envisage de reprendre ses études. Il participe toujours régulièrement aux manifestations des Gilets jaunes, mais ne cache pas une "peur viscérale des policiers"."Je sais qu'il faut faire la part des choses, entre ceux qui sont sur le terrain et ceux qui donnent les ordres. J'essaie de ne pas faire l'amalgame et de continuer à manifester, pour montrer qu'ils n'ont pas entamé ma volonté de lutter contre l'injustice sociale".