Poitou-Charentes : privés du concours général agricole, les éleveurs résignés renvoient leurs bêtes au pré

L'annulation du Salon international de l'agriculture 2021 prive la profession d'un important coup de projecteur. Au-delà des conséquences économiques, producteurs et éleveurs de Poitou-Charentes regrettent déjà un évènement qui "réunissait le monde rural et le monde citadin".

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Lougère ne se retrouvera pas sous le feu des projecteurs parisiens. Pas de sélection ni de compétition cette année pour cette vache limousine âgée de cinq ans.

Son propriétaire Bruno Guilloteau, éleveur bovin à Marnay dans la Vienne, a appris mercredi 14 octobre l’annulation de l’édition 2021 du Salon de l’agriculture, en raison de la crise sanitaire. Conséquence : le concours général agricole d'animaux est reporté à 2022.

Privée de podium, Lougère est retournée au pré, au grand dam de son éleveur qui "espérait exposer cette année" au salon. Il avait déjà commencé à préparer sa vache pour les sélections de janvier, qui précèdent habituellement la compétition. "Mais on s’en doutait", ajoute immédiatement Bruno Guilloteau qui affirme "comprendre l’impossibilité sanitaire" et la décision des organisateurs du Salon.

Au printemps 2020, l’évènement avait accueilli seulement 540 000 visiteurs après avoir été écourté, contre 650 000 les années précédentes. "Le concours général agricole des animaux rassemble beaucoup de public, du monde dans les gradins et autour du ring… ce n’était clairement pas possible cette année", poursuit l’éleveur. 
 

Des "conséquences lourdes" pour les éleveurs

Bruno Guilloteau regrette tout de même des "conséquences lourdes" et notamment de ne pas pouvoir exposer Lougère aux yeux du grand public. "C’était une occasion de sortir de notre exploitation, de rencontrer des gens… c’est important pour nous socialement", souffle-t-il.

Le Salon, c’est la reconnaissance de notre travail. C’est un moment où on fait voir nos animaux à des gens venus de toute la France et où on peut rassurer les consommateurs notamment sur les conditions d’élevages, qui font parfois l’objet de polémiques.

Bruno Guilloteau, éleveur

L’éleveur évoque également des conséquences économiques liées à l’annulation de cet évènement annuel. "C’est pour nous une occasion de faire de la publicité et de vendre des animaux aux enchères", souligne Bruno Guilloteau.

En 2019, Ikéa, l’une de ses vaches limousines, avait ainsi été adjugée à 9 400 euros.

→ VIDEO : Annulation du Salon de l'Agriculture 2021, quelles réactions en Poitou-Charentes ?

Le concours des produits maintenus

Si les animaux n’auront pas leur compétition, il en va autrement des produits agricoles qui échappent de justesse à l’annulation de leur concours général. Ce dernier sera morcelé en "plusieurs petits concours" qui se tiendront dans "plusieurs villes de France", a déclaré le président du Salon de l’agriculture Jean-Luc Poulain à nos confrères de France info. "C'est une nécessité pour les producteurs parce qu'on s'aperçoit qu'il y a de plus en plus de produits chaque année qui viennent concourir", a-t-il ajouté.

"Pour les produits, je peux comprendre la décision de maintien", approuve de son côté Bruno Guilloteau, sans rancune. "On peut très bien imaginer un petit nombre de personnes réunies autour de tables pour juger les produits en respectant 1m50 de distance", estime-t-il.

Concevoir "d’autres formes de partage et d’échange"

L’annonce laisse François Guillon, producteur de bière à Montmorillon dans la Vienne, sceptique. "Je me demande quoi en penser", confie-t-il, attristé d’être privé d’un "évènement rassembleur, où se réunissait le monde rural et le monde citadin et qui était l’occasion pour nous de rencontrer d’autres membres de la profession".

Ce virus, au-delà de nous priver du Salon, nous prive de rapports humains primordiaux, d’autant plus dans le domaine de la production de bière qui est un secteur très convivial.

François Guillon, producteur de bière

De son côté, Luc Servant, président de la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, appelle à "profiter de cette opportunité, qui peut être une occasion au niveau local de mettre en avant les produits agricoles".

"Dans le contexte actuel, il faut que l’on apprenne à recréer des moments d’échange et à concevoir d’autres formes de partage pour pouvoir continuer à être mis en avant, à avoir un lien avec les consommateurs et à parler des produits. Il faut trouver de nouvelles formes, cela avance petit à petit", souligne Luc Servant.
 
Difficile, dans un contexte sanitaire qui n’incite pas à l’optimisme. "L’annulation du Salon, c’est un peu la goutte d’eau", soupire François Guillon, le producteur de bière.

"Jusqu’ici, j'imaginais que le Covid-19 serait l’affaire de l’année 2020 et cette annulation me fait me rendre compte qu’il y aura des conséquences sur une bien plus longue période, jusqu’en 2021. C’est une prise de conscience"
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