La colère des Artisans de la Paix au Pays basque

Elus du Pays basque et membres du collectif Bake bidea (le chemin de la Paix) ont exprimé leur malaise mais aussi leur colère quant à l’impasse constatée dans l’instruction des dossiers des prisonniers jugés dans des dossiers d’ETA incarcérés en France.
 

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Le point presse de ce jour, vendredi 5 juin 2020, s’est déroulé au siège même de la Communauté d’Agglomération du Pays basque à Bayonne. Tout un symbole.

C’est la première conférence de presse d’après crise du Coronavirus que tenaient les Artisans de la Paix. Un temps que les familles des prisonniers et eux-mêmes ont douloureusement vécu, surtout pour les plus âgés, dans des conditions de promiscuité que l’on devine délicates pour le moins. Or, c’est à ce moment de crise sanitaire grave que la ministre de la Justice a pris les mesures qui s’imposaient pour faire baisser la situation de surpopulation carcérale : 13 500 prisonniers ont été libérés. Pas un seul des six prisonniers basques impliqués dans des dossiers ETA, pourtant « éligibles » à une telle mesure n’en a bénéficié : personnes ayant atteint l’âge de 70 ans. Etant malades, ou ayant largement accompli leur temps de peine incompressible.

 

Six prisonniers basques auraient dû être libérés

C’est le cas d’Ibon Fernandez Iradi, atteint d’une sclérose en plaque, pour lequel le Parquet s’est opposé à une suspension de peine accordée par les juges. De Josu Urrutikoetxea, 70 ans, atteint d’un cancer, et dirigeant d’ETA qui avait réussi à conduire son organisation jusqu’à l’arrêt des attentats puis au dépôt des armes et à sa dissolution. En ce qui le concerne, la question est aussi celle de la condition d’une personne participant activement à des pourparlers de Paix (sous la protection d’organisations internationales) et qui se retrouve incarcérée. Trois membres de nationalité française du commando dit "Argala" (responsable de nombreux attentats mortels en Espagne dans les années 80), arrêtés en France en 1990 puis condamnés auraient pu aussi bénéficier de cet élargissement. Jakes Esnal, Frédéric Haramboure et Jon Parot, approchant aujourd’hui les 70 ans. Trois décennies ans d’incarcération sans perspective de sortie, alors que des droits communs condamnés à de telles peines, sont élargis les deux tiers ou trois quarts de celles-ci accomplies. Le sixième prionnier est Juan Cruz Maiza Artola

Pourquoi un tel acharnement, demandent élus et représentants de la société ?

Le dossier de Jakes Esnal a été longuement évoqué car il est emblématique d’une situation qui se tend et devient insupportable pour les prisonniers, sans espoir, et leurs familles. Le 12 mai 2020, le Tribunal d’Application des Peines de Paris accordait la libération conditionnelle à Jakes Esnal. Le Parquet antiterroriste avait immédiatement interjeté appel.  

Nous ne critiquons pas la Justice. On n’en a pas le droit. Mais au contraire nous faisons l’apologie d’un jugement. Nous ne comprenons pas l’attitude du Parquet.

Jean-René Etchegaray - maire de Bayonne -

L’avocat que continue d’être Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de l'agglomération Pays basque, a analysé le jugement du Tribunal. Il retient que les juges établissent dans une délibération très circonstanciée de 17 pages, que Jakes Esnal remplit tous les critères pour être libéré sous condition : « Aujourd’hui, la dangerosité du prisonnier est vide de sens » disent les juges s’appuyant sur les examens médicaux et psychiatriques qui attestent que sa deuxième demande de mise en liberté aurait dû être acceptée. Les juges, fait plutôt rare, invoquent par ailleurs le contexte de la demande : ETA a mis fin à ses attentats en 2011, a remis les armes en 2017, et s’est auto dissoute en 2018. « Les juges français affirment aussi que si monsieur Esnal avait été jugé en Espagne pour les mêmes faits, il serait aujourd’hui libre » martèle le président de la Communauté.

 

 

J’ai rendu visite dans leur prison respective à ces détenus. Jakes Esnal comme tous les autres a participé aux activités proposées, n’a jamais créé un incident quel qu’il soit. Sa capacité à une vie sociale est actée. 

Vincent Bru - Député Modem -

 

La période de la crise sanitaire Covid 19 est un rendez-vous manqué pour la Justice française. Ne pas libérer ces hommes qui ont payé leur dette, c’est de fait, les condamner à mort »

Max Brisson - sénateur LR -

Max Brisson accompagne la résolution du conflit basque depuis le début de la démarche. Ce qu’il se passe dans ce dossier basque « heurte profondément mes convictions humanistes et de citoyen du pays des Droits de l’Homme » dit-il visiblement ému. Et d’avertir : « La patience a des limites. Celle du Pays basque a des limites ». Ce ne sont en aucun cas des menaces mais un signal d’alarme sur la situation de tensions que pressent le sénateur LR comme toutes les personnes de la délégation de ce jour : une lassitude et un désespoir que personne ne voudrait voir déboucher sur de nouvelles crispations. Il reconnait ce qu’il nomme lui-même des avancées impulsées par le gouvernement d’Edouard Philippe mais qui aujourd’hui « connaissent un temps mort ». Ces pas en avant furent le transfèrement de plusieurs prisonniers vers des prisons plus proches du Pays basque (pour les ressortissants de nationalité espagnole comme française). La levée du statut DPS (Détenus particulièrement dangereux).

Notre discours n’a pas durci. C’est la réalité qui a durci.

Michel Berhocoirigoin - Artisan de la Paix

La Justice ne peut pas être que punitive. Il faut laisser des perspectives aux prisonniers. Une peine de prison punit des fautes commises soulignent tous les participants mais elle ne peut être vengeresse. Elle doit offrir des perspectives d’amendement et de réinsertion. « Depuis 1981, il n’y a plus de peine de mort en France grâce à Robert Badinter et François Mitterrand. Il n’y a plus de Cour de Sûreté de l’Etat. Il n’y a plus de Justice d’exception » rappellent les membres de la délégation. "Alors pourquoi ce traitement à part des prisonniers basques ? »

Nous demandons le Droit commun. Rien que le Droit commun. Mais tout le Droit commun.

Jean-René Etchegaray

 

Un rendez-vous en juin à Paris ?

Un rendez-vous avec le directeur adjoint du cabinet de la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet a été demandé et devrait se tenir courant juin. Car le temps presse.

Il ne faudrait pas, compte tenu de l’âge et de la santé de certains prisonniers, qu’il leur arrive quoique ce soit. Ce serait terrible. Je veux reprendre cette idée défendue le 1er mai dernier dans le quotidien El Pais, par l’ancien premier ministre espagnol socialiste, Jose Luis Rodriguez Zapatero : « La démocratie doit être généreuse avec ceux qui l’ont combattue ». La France aussi.

Frédérique Espagnac - sénatrice PS 

Au cours de ce rendez-vous, des aménagements de peine, des libertés conditionnelles pour les prisonniers malades et âgés seront de nouveau demandés, ainsi que le rapprochement des prisonniers qui est aussi un droit. « Car même en prison, un être humain a des droits » rappelle la sénatrice.

Nous avions une feuille de route établie avec la Chancellerie. Des pas importants que nous reconnaissons ont été faits. Mais aujourd’hui la démarche est en panne. Il faut la relancer. C’est un processus pour assure l’avenir. Il n’y a pas de marche arrière. Il ne peut y en avoir.

Anaiz Funosas - Bake Bidea -

Le cas du prisonnier Patxi Ruiz incarcéré en Espagne et en grève de la faim depuis le 11 mai a été aussi évoqué. De nombreuses manifestations ont eu lieu partout en Pays basque pour demander au gouvernement espagnol d’intervenir. Le prisonnier d’ETA dénonce ses conditions d’internement et le harcèlement dont il dit être victime de la part de certains membres de l’administration pénitentiaire.

La délégation Pays basque

A la tête de la délégation des élus et artisans de la Paix, Jean-René Etchegaray (UDI) président de ladite Communauté. Frédérique Espagnac, sénatrice PS et Max Brisson sénateur LR des Pyrénées atlantiques, ainsi que Vincent Bru, député MODEM de la sixième circonscription des Pyrénées atlantiques. Kotte Ecenarro, maire PS de Hendaye et Alain Iriart, maire EH Bai de Saint Pierre d’Irube, tous deux vice-présidents de l’Agglo. Enfin Alice Leiciagueçahar, conseillère régionale EELV. Aujourd’hui, le maire de Biarritz Michel Veunac (MODEM), et celui de Mendionde, Lucien Betbeder, président du Biltzar (assemblée) des maires du Pays basque, s’étaient fait excuser mais assuraient de leur adhésion à la démarche et au signal d’alarme dont elle se faisait l’écho.

 

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