La direction du Biarritz Olympique a demandé à délocaliser 2 matchs de Coupe d'Europe à Lille cette saison. Pour le président Jean-Bapstiste Aldigé, les installations du stade Aguiléra sont vétustes. Il accuse la mairie de ne pas entretenir ce bâtiment municipal.
"Regardez là, ça coule". Jean-Baptiste Aldigé, le patron du club de rugby de Biarritz, nous montre le plafond de la salle de musculation. Un sceau est posé sur une table d'exercice.
"On passe nos journées avec des sceaux à essayer de trouver la prochaine fuite".
Des traces d'humidité, il y en a en effet un peu partout, sur les plafonds mais aussi sur les murs dans les vestiaires.
"Tout ça n'est pas digne d'un club de sport. Là, on parle d'insalubrité" dénonce le président du Biarritz Olympique en conflit ouvert avec la mairie de Biarritz, propriétaire des lieux. "Les pro vivent 8 heures par jour là-dedans, plus les jours de match".
"Et puis, il y a un problème d'espace. Le vestiaire pro n'est conçu que pour 30 personnes alors que nous avons 50 joueurs. Ils se mettent à 2 par case. La salle de musculation fait 70 m2. Imaginez, c'est compliqué. On est obligé de faire travailler les joueurs dehors parfois sous la pluie. Et on est en Top 14 hein" souligne t-il.
Il explique que depuis la construction de la tribune Serge Blanco en 1975 "rien n'a bougé". "Nous, avec la famille Gave propriétaire du club à 95%, on est arrivé il y a 3 ans.
On a investi 150 000 euros de notre poche. Ca a permis de mettre quelques coups de peinture sur les parties où les médias ont accès les jours de match.
Pour le reste, Jean-Baptiste Aldigé affirme que c'est à la mairie d'investir.
"Il n'y a aucune raison qu'un privé paie les installations d'un stade municipal. C'est comme si vous étiez locataire de votre logement et que vous deviez en assumer les frais de rénovation ou d'extension. Aujourd'hui on s'y refuse. On veut bien participer, mais la mairie doit assumer ses installations municipales".
Les travaux incombent au club se défend la mairie
"Ce Monsieur n'a pas bien compris le principe d'un bail emphytéotique" répond la maire de Biarritz, Maïder Arosteguy.
Dans ce genre de bail, le locataire ne paie qu'un loyer très modeste et devient quasi propriétaire du bien durant la durée du contrat. En l'occurence, ici, le loyer s'élève à 2 500 euros par an et court jusqu'en 2033. "C'est à lui qu'incombe la responsabilité de tous les travaux" explique l'élue. "Il n'est pas un simple locataire".
Maïder Arosteguy ajoute que la ville a payé jusque là l'entretien de la pelouse à hauteur de 80 000 euros, les "fluides" à savoir les factures d'eau, d'électricité et de gaz, "50 000 euros par an". "Nous donnons 350 000 euros de subvention et 628 000 pour le contrat d'image". Soit un peu plus d'un million pour le Biarritz Olympique.
"Il pense que c'est aux finances publiques de subvenir aux besoins de son club" déplore t-elle tout en précisant que la ville a payé les travaux de rénovation des sanitaires pendant l'été. "55 000 euros. On voulait renouer avec le club, retrouver de bonnes relations. C'était pour exprimer notre gratitude après la montée en Top 14."
Un dialogue de sourds
Peine perdue. Les relations sont toujours aussi tendues. Jean-Baptiste Aldigé a officiellement demandé aux instances du rugby européen de pouvoir jouer deux matchs du Challenge Européen à Lille cette saison. Contre Newcastle le 15 janvier et contre Toulon le 9 avril.
"On s'échappe parce qu'on est condamnés à mourir ici. On essaie de trouver un bol d'oxygène ou un territoire qui veut bien nous donner les installations pour qu'on puisse vivre. A Lille ou ailleurs" argumente le président.
"Nous avons récupéré le BO relégué administrativement en fédérale 1 en 2018 avec 5 millions d'euros de dettes. En trois ans, on l'a ramené dans le Top 14. Le projet, c'était d'avoir une équipe de rugby pro à Biarritz avec des moyens à disposition et des installations adéquates" affirme t-il.
On aurait aimé que le club ne dépende pas uniquement du bon vouloir de la famille Gave et de son mécénat.
Le BO est aujourd'hui cinquième du Top 14 après trois journées. Deux victoires contre deux poids-lourds (UBB et Racing 92) et une défaite.
"On arrive pour le moment à faire perdurer la dynamique de l'équipe qui a longtemps cravaché en Pro D2. On a cette rage chevillée au corps. Mais il faut être réaliste. Avec le plus petit budget de l'élite, 13 millions, on ne pourra pas tenir comme ça ad vitam æternam".
Le club demande des travaux de rénovation mais aussi la construction d'un centre d'entraînement et de formation.
"Ca fait trois ans qu'on le demande. La mairie nous accuse de vouloir faire financer une opération privée par une collectivité. Mais elle doit assumer ses installations. Et savoir si oui ou non, elle veut un club pro dans sa ville".
Dernier épisode de la brouille. Les plantes vertes. "La mairie nous les mettait à disposition les jours de match, elle vient de nous annoncer qu'elle ne le ferait plus" glisse Jean-Baptiste Aldigé.
Il devra en outre, désormais, régler les factures d'eau, de gaz et d'électricité.
"Le contrat a été transféré" confirme la mairie. "Mon prédécesseur Michel Veunac avait déjà demandé ce transfert début 2020. Nous avons fait la même chose en juillet" explique la maire Maïder Arosteguy en précisant que ni le gaz, ni l'électricité n'ont été coupées en raison de ce transfert comme on a pu le lire dans certains articles de presse.
Elle est en train de négocier le renouvellement du contrat d'image avec le club. "Je ne suis pas du tout certaine de le reconduire. On ne dispose d'aucune place à offrir aux associations, aux enfants. On n'a jamais vu ça nulle part" déplore t-elle.
L'édile et son équipe ont envoyé leurs propositions demandant notamment le retour du logo de la ville sur les maillots. En jeu, les 628 000 euros du contrat d'image.
Regardez le reportage d'Iban Carpentier et Sandrine Estrade :