Depuis mars 2023, les propriétaires qui louent sur la côte basque sont soumis à un nouveau règlement pour limiter les locations touristiques de type Airbnb. Mais plus de trois mois après l'entrée en vigueur de cette nouvelle réglementation, beaucoup sont encore dans l'illégalité. L'association pour le droit au logement Alda ainsi que certaines collectivités commencent à taper du poing sur la table.
C'est une victoire qui a une forte portée symbolique. L'association pour le droit au logement Alda a obtenu gain de cause. Depuis cinq jours, les bénévoles occupaient un appartement de Biarritz que le propriétaire louait en meublé de tourisme, au mépris de la nouvelle règlementation entrée en vigueur le 1er mars 2023. Face à la pression et les membres de l'association qui indiquaient maintenir l'occupation "tant que le propriétaire n'aura pas donné de garanties", celui-ci a cédé le 22 juin 2023.
Pour Alda, "l'objectif était d'envoyer un message à tous les fraudeurs", tandis que la mairie de Biarritz estime encore que 1 000 logements sont encore dans l'illégalité rien que sur sa commune, plus de trois mois après l'entrée en vigueur du nouveau règlement. Une situation contre laquelle s'arment les collectivités en entamant les contrôles.
"Si la fraude persiste, d’autres occupations seront programmées"
Après trois mois d'application de la nouvelle réglementation concernant les meublés de tourisme au Pays basque, Alda a décidé de passer la vitesse supérieure face au nombre de propriétaires fraudeurs. "Le propriétaire n'avait pas le droit de louer cet appartement en meublé de tourisme puisqu'il viole le règlement de la compensation et n'a pas d'autorisation de changement d'usage", explique Malika Peyraut de l'association pour le droit au logement au Pays basque.
Une fois identifié, Alda a loué cet appartement sur une plateforme de location touristique en ligne. Mais le 21 juin dernier, à l'heure de la fin de la location, les bénévoles sont restés occuper le bien. "Il n'avait pas le droit de nous le louer à ce régime, donc on a considéré qu'on a changé de régime de location, détaille Malika Peyraut. Le fait qu'on lui ait remis les 450 euros qu'il a fallu payer pour trois nuits, ça équivaut à un bail verbal, qui dure trois ans. Donc techniquement, on a pu rester dans cet appartement en étant les locataires officiels."
Alda a donc utiliser ce moyen pour faire entendre ses revendications. En premier lieu, "que le propriétaire cesse d'être dans l'illégalité et redonne à ce logement sa fonction d'habitation afin qu'une des nombreuses personnes qui cherche à se loger actuellement au Pays basque puisse y habiter à l'année".
Mais ce n'est pas tout. Il s'agirait, selon l'association, d'un "fraudeur en série". L'appartement du dessus appartient à la même personne, cette fois en location à l'année, mais le bail ne serait pas conforme. "Il loue à l'année cet appartement en meublé alors que la locataire de 79 ans a dû amener tous ses meubles sauf la gazinière, ce qui est illégal. On soupçonne que ça peut lui permettre d'accéder à un abattement fiscal dont bénéficient les baux meublés mais pas les baux nus", précise Malika Peyraut d'Alda. Via une avocate, Alda a lancé une procédure pour requalifier le contrat de location.
Après tout d'abord avoir refusé le dialogue, le propriétaire biarrot a finalement accepté de se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation. Depuis le 22 juin, une annonce de location à l'année pour son appartement est disponible sur le site Le Bon Coin, selon un communiqué d'Alda. L'association prévient tout de même les autres fraudeurs : "Si la fraude massive constatée par Alda persiste dans les semaines à venir, d’autres occupations seront programmées."
De nombreux propriétaires toujours dans l'illégalité
Ce cas n'est pourtant pas isolé à Biarritz, comme en témoigne Maud Cascino, adjointe à l'urbanisme de la ville de Biarritz. "On a découvert qu'il y a 1 000 logements sur Biarritz en infraction par rapport à la réglementation appliquée depuis le 1er mars", assure l'élue grâce au recoupement des données des impôts et de la taxe de séjour. Une situation que n'accepte pas la mairie qui commence à envoyer des mises en demeure.
"Nous n'en sommes plus à la pédagogie. La pédagogie a été faite pendant de nombreux mois, je pense que les personnes savent très bien ce qu'il faut faire, considère Maud Cascino. Si les personnes ne régularisent pas leur situation, ça partira devant le tribunal avec une amende susceptible d'atteindre 50 000 euros et une astreinte par jour de retard qui peut aller jusqu'à 1 000 euros." La mairie de Biarritz tape du poing sur la table, ce que salue l'association Alda.
Mettre en place un règlement, c'est bien, mais s'il n'y a pas une phase de contrôle derrière, les résultats ne seront pas au rendez-vous.
Philippe Aramendi, conseiller délégué en charge de la réglementation relative au changement d'usage à l'agglomération à l'agglomération du Pays basque
Mais, cette dernière reste sur ses gardes et attend que d'autres villes comme Bayonne ou Anglet soient aussi fermes que Biarritz. Car la situation serait la même sur toute la communauté d'agglomération du Pays basque, selon Alda. L’association estime que le nombre de logements encore sur les plateformes de location touristiques illégalement serait entre 1 600 et 2 000 dans l’ensemble de la zone tendue du Pays Basque.
Les collectivités passent à la vitesse supérieure
De son côté, la communauté d'agglomération du Pays basque assure se lancer aussi dans les contrôles et s'associe même à Alda pour cela. "On voulait se laisser un petit laps de temps pour voir si on recevait ou non des demandes d'autorisations. Les trois mois qui sont passés depuis cette entrée en vigueur nous ont montré qu'il y a très peu voire quasiment pas de demandes de changement d'usage déposées par des personnes morales", déplore Philippe Aramendi, le maire d'Urrugne aussi conseiller délégué en charge du dossier à l'agglomération.
À présent, la communauté d'agglomération du Pays basque passe également à l'étape suivante : les mises en demeure. "Les sociétés qui ont été identifiées comme étant toujours dans l'illégalité vont recevoir un courrier en leur rappelant le règlement et les sanctions qu'ils encourent. C'est une première étape que la communauté d'agglo va réaliser", indique-t-il. Entre 330 et 340 courriers vont être envoyés dans les prochains jours.
Les personnes qui sont propriétaires d'un logement ne sont pas obligées de faire de la location à l'année, ils peuvent aussi encore faire du bail mixte en louant 9 mois de l'année à des étudiants et il leur reste l'été en saisonnier.
Maud Cascino, adjointe à l'Urbanisme à la ville de Biarritz
Mais l'agglomération ne compte pas s'arrêter là. "La deuxième étape sera le contrôle effectif supposant un déplacement sur les lieux. Dans chaque commune, ce sera au maire ou à une personne assermentée de se déplacer pour constater", explicite Philippe Aramendi. Si la réglementation n'est toujours pas respectée, les sanctions tomberont.
Pour les élus, comme Maud Cascino, être intransigeant est une nécessité : "Le problème du logement est très prégnant. Il suffit de se balader dans Biarritz pour trouver nombre d'habitations qui sont fermées. Les Biarrots ne peuvent pas se loger, les étudiants et les saisonniers non plus donc ça pose beaucoup de problèmes au niveau économique, les commerçants ne trouvent pas de main d'œuvre." Les propriétaires fraudeurs sont prévenus, les collectivités vont commencer à sévir.