Logement au Pays Basque : vers la fin des Airbnb à l'année ? La limitation de la location courte durée produit ses premiers effets

Près de deux mois après l'application des mesures compensatoires visant à limiter le nombre de locations touristiques sur 24 communes basques, qu'en est-il ? S'il est encore beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions, de premiers signes sont encourageants pour détendre le marché de l'immobilier sur la côte basque.

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Le logement va-t-il être de nouveau accessible sur la côte basque ? En votant un nouveau règlement encadrant les locations destinées aux plateformes de type Airbnb, la Communauté d’Agglomération du Pays Basque s’est donné les moyens d’agir. Ainsi, depuis le 1er mars 2023, dans 24 communes situées en zone tendue, il n’est plus possible de louer en location de courte durée sans compensation, à savoir proposer à la location un bien de même surface, dans la même commune, à l’année. Une mesure censée dissuader l’achat spéculatif sur un marché immobilier très tendu. S’il faudra quelques années avant d’observer de réels effets sur le parc immobilier, après deux mois d’application du règlement, des premiers signes sont encourageants.

130 % d'augmentation de location de tourisme en cinq ans

"Le Pays Basque compte plus de résidences secondaires que de logements privés à louer toute l’année ! À quel moment dit-on ‘assez’, ‘stop’, ‘aski’", interrogeait le collectif Herrian Bizi - Se Loger au Pays, qui tente de protéger l'accès au logement des populations locales. Depuis quelques années et la pandémie de Covid-19, le marché immobilier de la côte basque est saturé. En cause notamment, l’augmentation de 130 %, entre 2016 et 2020, des meublés de tourisme. En cinq ans, le nombre d'annonces actives est passé de 7 150  à plus de 16 000, selon les chiffres relayés par la Communauté d’Agglomération du Pays Basque.

En 2019 déjà, l’Insee relevait une part de 20,6 % de résidences secondaires sur la totalité de la Communauté d’Agglomération. En conséquence, les prix ne cessent de grimper et il devient de plus en plus difficile de se loger, repoussant les populations locales loin des bassins d’emplois ou les forçant à partir de manière définitive. Se loger en tant que travailleur saisonnier devient également mission impossible. Entre fin 2018 et fin 2022, les prix de l’immobilier ont augmenté en moyenne de 30 % au Pays Basque, quand ils étaient plutôt à la baisse ailleurs en France.

Mais en mars 2022, la mesure de la Communauté d’Agglomération du Pays Basque a mis un frein à cette montée incessante. Le règlement vise à dissuader l’achat spéculatif à destination de la location courte durée. Si un propriétaire veut louer son bien en meublé de tourisme au-delà de la limite de 120 jours annuels, il est désormais contraint de compenser en mettant en location à l’année un autre bien similaire dans la même commune, comme cela se fait déjà à Paris ou Bordeaux. 

Face à ces fortes restrictions, des recours avaient été déposés auprès du tribunal administratif de Pau par les propriétaires loueurs, pour tenter d’annuler le texte. Sans succès. Les juges administratifs considérant que "la pénurie de logements destinés aux personnes souhaitant s'installer à l'année est suffisamment justifiée par les différentes données rassemblées".

Déjà quelques signaux positifs

À l’association pour le droit au logement Alda, on se satisfait de la mesure. Si, pour le moment, il faut encore attendre pour voir la situation s’améliorer sur la côte basque, de premiers effets dissuasifs étaient perçus dès le vote de la mesure. "On n’entend plus personne qui achète des logements qui étaient loués à l’année jusqu’ici pour les transformer en Airbnb permanent, assure Txetx Etcheverry, de l’association Alda. Ça a cessé, parce que personne ne veut risquer 200 000 euros dans un investissement qu’il n’est pas du tout sûr de rentabiliser, voire même qu’il est sûr de ne pas rentabiliser."

Cela a donc protégé des milliers de logements de devenir des objets spéculatifs, c’est déjà une grande victoire.

Txetx Etcheverry, de l’association pour le droit au logement Alda

Depuis l’entrée en vigueur de la mesure en mars, l’association Alda observe un léger retour à la location à l’année, un premier signe positif qui devrait commencer à détendre le marché de l’immobilier. "Il y a un fait qui se mesure dès maintenant, c’est qu’il n’y a plus ou quasiment plus de demande d’autorisation de changement d’usage. Cela veut dire que les logements qui servaient d’habitation ne changent plus d’usage pour être transformés en meublés de tourisme permanent. Et ça, c’est une énorme victoire", se réjouit Txetx Etcheverry. Car les estimations de son association étaient alarmantes : 16 000 transformés en location courte durée dans les années à venir.

"On a aussi des échos, notamment pour les propriétaires qui sont en SCI, en SARL, de gens qui ne peuvent plus louer en Airbnb qui commencent à mettre en vente leurs biens", continue Txetx Etcheverry. Mais pour le moment, impossible de tirer plus de conclusions après seulement deux mois d’application de la mesure. D’autant plus que les autorisations à la location de courte durée sont données pour un délai de trois ans, ce qui limite les effets à court terme.

Mais de véritables effets qui s'observeront sur la durée

"Globalement, il y a plus de mises en vente que début 2022 et là-dedans, il y en a qui sont revenus à la vente sur des petites surfaces de type T2 qui correspondent à des absences de compensation", relève Jean-Paul Sainsevin, directeur de l’agence immobilière Era à Anglet. Mais selon lui, cette tendance ne doit pas être exagérée. "On constate que les prix commencent à baisser. On est dans un marché qui est plus tendu également, pas à cause de cela, mais parce que les conditions d’octroi de prêt sont devenues plus compliquées", nuance-t-il.

C’est juste une tendance, c’est trop difficile de tirer des conclusions de cette courte période. Il faudra au moins une année, car les locations courte durée étaient soumises à des autorisations délivrées par les mairies. Certaines sont encore en cours de validité. Il faudra voir à l’échéance de ces autorisations si cela aura un impact sur ces autorisations.

Jean-Paul Sainsevin, directeur de l’agence immobilière Era à Anglet

À terme, les associations de droit au logement espèrent qu’avec l’application de la mesure, certains propriétaires de résidences secondaires soient contraints de vendre, faisant également baisser les prix. Le collectif Herrian Bizi – Se loger au pays a récemment lancé un appel aux potentiels acheteurs de résidences secondaires de quelque origine que ce soit, afin de les inciter à n’acheter que des biens étant déjà en résidence secondaire. Le collectif prévient avant de hausser le ton : "À compter du 1er janvier 2024, nous considérerons publiquement la transformation en résidence secondaire de tout logement entrant dans une de ces catégories comme une atteinte directe au droit de la population locale à se loger et à vivre au Pays."

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