Dépakine. Une mère de deux enfants autistes porte plainte contre Sanofi et met en cause les rejets de l'usine

Une maman de deux enfants autistes, qui habite à proximité de l'usine dans les Pyrénées-Atlantiques, vient de porter plainte. Elle accuse l'entreprise d'avoir contaminé ses enfants in utero, via ses rejets, pendant longtemps supérieurs aux normes autorisées.

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Depuis 2011, et la première plainte déposée, le scandale sanitaire sur la Dépakine ne cesse de rebondir. Ce médicament anti-épileptique est la cause de dizaines de milliers de malformations ou de troubles décelés chez plus de 10 000 enfants. Leurs mères prenaient en effet ce traitement pendant leur grossesse, sans connaître les dangers.

Désormais interdite aux femmes enceintes ou en âge de procréer, la Dépakine connaît un nouvel épisode. Une mère de deux enfants autistes a déposé plainte, le 15 novembre 2023, pour mise en danger, auprès du pôle santé du tribunal judiciaire de Paris. Elle accuse l’entreprise de l’avoir contaminée et contaminé ses enfants in utero, via les rejets , très largement supérieurs aux normes autorisées, de l’entreprise située en face de son lieu de travail, à Mourenx, dans les Pyrénées-Atlantiques.

"Elle n'en a jamais consommé"

En 2018, le fils aîné de cette Béarnaise, né en 2014, montre des premiers signes d’autisme, et présente des symptômes caractéristiques des effets du valproate de sodium, l’agent actif de la Dépakine.

Sur les conseils de l’Apesac, une association d'aides aux victimes de la Dépakine, cette mère de famille qui souhaite rester anonyme fait une analyse de taux de dépakinémie. “Elle s’est révélée positive, alors qu’elle n’en a jamais consommé ni ses enfants. Elle y a été exposée seulement en travaillant à proximité de l’usine”, explique Marine Martin, présidente de l’Apesac. Pour Marine Martin, les rejets de Sanofi sont en cause. 

À l’époque, dans la presse, on parlait de poudre blanche qui recouvrait les routes.

Marine Martin

Présidente de l'Apafec

Le lien est établi pour la mère de famille qui décide de monter un dossier, une démarche entreprise par une dizaine de familles à ce jour. “D’autres enfants ont des troubles praxiques ou de l’attention typique de la Dépakine. Un couple a été contraint d’interrompre la grossesse à cause d’une acrânie de leur enfant. Tous rassemblent les pièces aujourd’hui”, étaye Marine Martin.

Lanceuse d’alerte en portant plainte avec son association l’Apesac, en 2018, aux côtés de la CGT Sanofi et de la Sepanso, elle a été auditionnée le 10 novembre 2023 pour évoquer ces témoignages. De son côté, Sanofi affirme "ne pas avoir connaissance de cette procédure". 

Des salariés contaminés

Ces rejets concernent également les salariés de Sanofi, exposés pendant plusieurs années. Cet été, l’Agence nationale du médicament a d’ailleurs communiqué sur la toxicité de la Dépakine chez les hommes, notamment via leurs spermatozoïdes. “Il y a plusieurs salariés qui nous ont contactés parce qu’ils y auraient été exposés. Mais il y a un véritable omerta au sein de l’entreprise qui ne favorise pas la parole”, regrette Marine Martin.

Au cœur de l’usine, la CGT rejoint les propos de l’Apesac. Et s'inquiète que beaucoup de personnes potentiellement concernées ne soient pas informés des risques de cette exposition.  “Il y a beaucoup de personnes qui sont passées par ces plateformes, intérimaires et CDD, qui sont repartis 'dans la nature' et  qui ne vont peut-être pas faire le lien avec ce qui leur arrive”, craint Jean-Louis Peyren, coordinateur CGT chez Sanofi.

20 tonnes rejetées par an, mais pas de risque selon Sanofi

Entre 2013 et 2018, l’usine Sanofi de Mourenx aurait rejeté entre 13 et 20 tonnes de valproate de sodium dans les airs, chaque année. “C’est triste, mais nous ne sommes pas étonnés de ces nouveaux cas. Quand on connaît les quantités que rejetait l’usine dans l’atmosphère, on peut même s’attendre à ce qu’il y en ait beaucoup plus”, concède Jean-Louis Peyren.

Quand on est un laboratoire qui se dit sensé et respectueux... C'est scandaleux !

Jean-Louis Peyren

coordinateur CGT de Sanofi

Selon le syndicat, Sanofi s’est justifié en expliquant que “l’arrêté préfectoral n’avait pas défini de seuil haut”. “Ils pensaient donc qu’ils pouvaient rejeter autant qu’ils voulaient un médicament fourni sur ordonnance”, ironise Jean-Louis Peyren. Depuis août 2018, l'usine indique avoir arrêté ces rejets dans l'atmosphère. "Sanofi a entrepris un large programme d'investissements sur son installation de Mourenx, qui répond à toutes les prescriptions préfectorales en matière d’émissions", précise l'usine pharmaceutique.

Pour le laboratoire, les risques pour la population ne sont toujours pas identifiés. "Plusieurs études ont été réalisées ou sont en cours. À ce stade, aucune n’a permis de faire ressortir un risque spécifique lié à ces émissions. En particulier, une étude d’impact sur les risques sanitaires relatifs aux émissions passées, réalisée par une société indépendante, a confirmé qu’il n’y a pas de risques sanitaires liés aux rejets", explique un porte-parole de Sanofi.

Libération de la parole

Le bassin de Lacq serait ainsi un “cluster”. “Il faut que Santé Publique France mène des enquêtes plus précises, au travers des données de l’assurance maladie, sur un regroupement géographique de cas de malformations”, explique Marine Martin. Des analyses “plus poussées” qui pourraient aussi se traduire par des dépakinémies des riverains. “Ce qui ne joue pas en faveur des victimes, c'est le temps. La Dépakine ne reste dans le corps que trois mois”, indique Marine Martin.

Plus que la libération de la parole, le coordinateur CGT sait que la lutte ne se remportera qu'à plusieurs. “Il faut absolument que les pouvoirs publics s’en saisissent, tout comme l’opinion publique, pour qu’il y ait un rapport de force qui s’inverse”, explique Jean-Louis Peyren.

Pour étoffer le dossier, l’association continue de collecter les témoignages. Sur son site, elle appelle toutes les familles concernées à contacter son association.

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