L'anthropologue Florence Bergeaud-Blackler fait l'objet de menaces depuis la publication de son livre, consacré au mouvement des Frères Musulmans et critiqué par certains universitaires. Un homme, à l'origine de menaces de mort, a été condamné à Pau ce lundi 4 décembre.
Il comparaissait lundi 4 décembre au tribunal de Pau pour menaces envers la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler. Nacim C. a été condamné à 15 mois de prison ferme pour un tweet dans lequel il avait interpellé l'anthropologue, et l'avait menacée de mort.
"C'est une des menaces que j'ai reçues, malheureusement, il y a en d'autres", a pointé Florence Bergeaud-Blackler, autrice d'un livre sur le mouvement des Frères Musulmans. "Le frérisme et ses réseaux. L’enquête" a suscité des critiques et des polémiques dans le monde académique et au-delà : l'anthropologue fait l'objet de menaces et vit sous protection policière.
"C'est désolant pour la recherche, pour la liberté d'expression"
L'avocat de Florence Bergeaud-Blackler a détaillé le contenu du tweet au centre de ce procès. "[L'accusé] donne le choix à ma cliente, soit de débattre avec lui autour du frérisme, de l'islamisme, soit d'être tuée, soit de subir un viol de masse", rapporte Maitre Thibault de Monbrial. "Lorsqu'on regarde l'ensemble de la prose de [l'accusé] sur Twitter, il est fait régulièrement référence à la violence, à l'islamisme, au rejet de la France et des institutions", poursuit l'avocat. De son côté, l'accusé a décidé de se défendre seul et n'a pas fait appel à un avocat. Il avait déjà des antécédents judiciaires.
A l'issue de la décision, Florence Bergeaud-Blackler a estimé que la peine était "justifiée". "Le profil de l'intéressé est assez préoccupant, c'est quelqu'un qui, quand on écrit un livre, vous menace de mort, c'est désolant pour la recherche, pour la liberté d'expression", a-t-elle réagi au micro de France 3 Aquitaine.
C'est aussi une peine qui doit dissuader ceux qui essaient d'intimider les chercheurs qui travaillent sur des sujets qui sont très importants pour notre société.
Florence Bergeaud-Blackleranthropologue, chercheuse CNRS
Un ouvrage critiqué sur la méthode
Au mois de mai, Florence Bergeaud-Blackler devait donner une conférence à la Sorbonne, mais celle-ci a été annulée puis reportée. "Les raisons invoquées sont celles de la sécurité", avait-elle informé lors d'un entretien à France inter. Aujourd'hui, l'anthropologue vit sous protection policière. "Si je n'avais pas cette protection, je ne pense pas que je prendrai le risque de me montrer en public", témoigne-t-elle aujourd'hui.
Son ouvrage, publié en janvier, a fait l'objet de critiques, dans le monde académique, notamment sur la méthode employée et l'absence de recherches sur le terrain, comme le relate cet article du Monde. Des universitaires lui reprochent également sa vision jugée trop large du "frérisme".
De son côté, la chercheuse fustige ses détracteurs qu'elle estime "très proches des Frères Musulmans". Elle les accuse, sur France inter, d'avoir "excité les réseaux sociaux, qui ont conduit à des menaces plus sérieuses".