À l'approche de la retraite, bon nombre d'agriculteurs vendent leurs fermes au profit d'agrandissements agricoles. A contrario, d'autres tiennent à les transmettre en lieu et forme, pour conserver une activité à taille humaine et s'assurer du bien-être des animaux et des terres.
Le moment décisif est arrivé. "En février prochain, je lâche les armes", explique Daniel Couhaillat. L'agriculteur de 60 ans s'apprête à entrer à la retraite après une vie passée dans sa ferme laitière de Bédeille, dans les Pyrénées-Atlantiques. Contrairement à la majorité des cas, Daniel n'a pas choisi de vendre sa ferme à un autre exploitant agricole au profit d'un agrandissement. Il a tenu à la transmettre en lieu et forme à une connaissance qui partage sa vision du métier.
"Je n'ai jamais trop pensé à la transmission, avoue l'agriculteur après des années de travail. Il faut dire que les journées passent vite." Mais arrivé au moment fatidique, le sexagénaire a posé ses envies sur table : il veut vendre son activité à une personne qu'il connaît, qui saura s'accrocher et qui sera respectueux du métier, des terres et de sa vingtaine de vaches. "C'est un pari réussi" : il vendra sa ferme à Julien Bourdeu, un commercial avec qui il a travaillé plusieurs années.
Vers de nouveaux horizons, à taille humaine
"Entre Daniel et moi, le sujet de la transmission s'est fait naturellement au détour d'une discussion, se souvient Julien Bourdeu, commercial de profession. J'ai toujours aimé le domaine agricole, que ce soit le rapport à la nature et le contact avec les bêtes, précise le repreneur, qui compte également conserver son activité commerciale. Ce qui me plaît dans cette transmission, c'est de produire quelque chose que j'aime et de l'amener à la vente."
Des idées, le commercial en a plein la tête. "Je vais changer un peu l'exploitation pour l'amener sur d'autres chemins, qui me plaisent davantage, prévient Julien Bourdeu. C'est en quelque sorte une manière de créer ma propre page." En effet, le commercial délaisse la production laitière de Daniel Couhaillat au profit de la production de viandes. "J'aime la viande. À la base, c'est le métier de bouche qui me passionne."
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Non loin, Daniel Couhaillat voit ce projet d'un bon œil : "ce qui compte, c'est qu'on puisse vivre de son activité, insiste le vendeur. L'avenir de l'agriculture est dans les petites structures, avec de la vente directe. On devrait pouvoir y arriver."
Le retour d'une agriculture paysanne ?
Dans ce processus de transmission, les deux hommes ont été accompagnés par la Confédération paysanne. Syndicat agricole français de gauche, c'est lui qui accompagne les agriculteurs dans leurs départs à la retraite. "Il faut privilégier la logique de transmission plutôt que celle d’agrandissement", insiste Johann Pavia, du comité d'animation Confédération paysanne des Pyrénées-Atlantiques. Il note : "dans les années 1960, nous étions deux millions d’exploitants agricoles. Aujourd’hui, nous ne sommes que 500 000."
Pour le syndicat agricole, la transmission est une des réponses aux besoins de souveraineté alimentaire du pays, puisqu'elle permet de maintenir le nombre d'exploitants agricoles à la hausse. Pour Johann Pavia, c'est aussi une manière de "préserver les fermes à taille humaine, où le bien-être des agriculteurs est considéré, comme celui des animaux et des terres". Soit de revenir à une agriculture paysanne et de faire vivre nos campagnes.