Alors que l'épidémie de mildiou a compromis de nombreuses récoltes, des scientifiques étudient la résistance et les mutations de ce champignon. Des observations qui leur permettent de proposer aux viticulteurs de limiter les dégâts grâce à des traitements adaptés.
Ils ont été appelés au chevet des vignes du Jurançon. Hervé Quenin et Paul Jobard, tous deux agronomes, déambulent entre les rangs sur la commune de Cuqueron en Béarn et constatent les dégâts.
En ce début d'été, la succession d'épisodes orageux et les fortes chaleurs ont favorisé l'apparition du mildiou. Ce champignon algue prolifère depuis plusieurs semaines et ravage jardins et vignes. Ainsi, en Gironde, ce sont 90 % des vignes qui sont atteintes. Dans le Jurançon, les pertes sur les récoltes sont aussi considérables.
Suivi de l'épidémie
Les deux hommes ont mis en place des parcelles témoins, leur permettant d'observer et de quantifier l'avancée de l'ennemi numéro 1 des viticulteurs. "Là, on est sur une parcelle témoin qui ne reçoit aucun traitement fongicide, ce qui nous permet de suivre l'épidémie, explique Hervé Quenin, en pointant du doigt des vignes considérablement abîmées. "Le mildiou commence par des attaques sous forme de tâches. Si on les retourne, on découvre de nouvelles spores que génère le champignon. Quand il va pleuvoir, ces spores vont contaminer l'ensemble des feuilles alentour", poursuit Hervé Quenin. Après les feuilles, ce sont les grappes qui sont attaquées et totalement détruites par la maladie.
Dégâts limités
Avec leur société de conseil Gong Eco, les deux ingénieurs aident et conseillent les viticulteurs confrontés au mildiou. Une trentaine de domaines les ont sollicités afin de pouvoir bénéficier du traitement le plus adapté. Romain Muchada, viticulteur se souvient d'une période où la profession se passait de cette expertise. "Soit nous décidions d'acheter le produit nous-mêmes, soit nous faisions confiance au vendeur. Mais est-ce qu'on l'appliquait au bon stade, au bon moment ? On n'en avait aucune idée" , reconnaît-il. Désormais, il bénéficie d'un suivi hebdomadaire, dans le respect des normes environnementales, qui lui a permis d'éviter la propagation des dégâts. "On a réussi à sauver une partie de la récolte", constate le viticulteur qui évalue ses pertes "entre 10 et 20%". "Si on arrive à tenir bon comme ça le reste de l'année, on sera très contents".
Résistances et mutations
Pour mieux les conseiller, les scientifiques documentent les différentes mutations du champignon et étudient sa résistance à certains fongicides. "On peut retrouver une résistance à une certaine molécule sur une parcelle, chez le voisin, ça sera une résistance différente", note Paul Jobard. Leur travail, en collaboration avec un laboratoire, a permis d'identifier des souches d'ADN responsables de ces résistances.
Ces informations permettent surtout d'ajuster les traitements. "Certaines molécules étaient utilisées à des stades clés, comme la floraison, qui sont des stades où la vigne est ultra-sensible et où la contamination est la plus forte, ajoute Paul Jobard. Ces tests nous permettent d'éliminer les produits utilisés à ces moments-là, et de les remplacer par des produits dont on connaît l'efficacité, mais sur lesquels il n'y a pas de résistance".
En cette fin juillet, à ce stade de développement de la vigne, le mildiou ne menace plus la récolte, déjà très impactée dans de nombreux territoires viticoles.