#Municipales 2020 : quand on est une femme maire, "il faut toujours s'imposer"

En 2019, seulement 16 % des maires étaient des femmes. À l'aube des élections municipales de 2020, il existe encore de nombreux paramètres qui empêchent les femmes d'accéder aux fonctions municipales. "La politique est un monde d'hommes", témoigne une élue.

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Est-ce que la parité obligatoire a permis à plus de femmes d'accéder au pouvoir dans les conseils municipaux ? Pas si sûr...
Sur les listes des élections municipales de 2020, la loi de 2013 prévoit l'alternance entre hommes et femmes, pour les villes de plus de 1000 habitants.
 
"C'est pourtant dans les villages ( en-dessous de 1000 habitants NDLR ), où les femmes représentent 20 % des maires, que la parité est la plus forte", explique Victor Marneur, sociologue au centre Emile Durkheim.
 

 

Un monde d'hommes


Si les femmes peinent à accéder à la place de maire, elles doivent également se battre pour se faire une place dans les conseils municipaux. En 2019, elles n'étaient que 28%. Pour Régine Poveda, maire de Meilhan-sur-Garonne"La politique est un monde d'hommes".

"En réunion, il n'est pas rare qu'on oublie de nous donner la parole, qu'on devient transparente. Il faut toujours s'imposer", détaille la maire. 

Régine Poveda a dû s'imposer dans les différentes instances politiques et affirmer son autorité face à ses concitoyens. "J'ai ressenti une vraie difficulté lorsque j'ai dû faire valoir mon pouvoir de police. Les gens imaginent toujours un homme, alors, il faut qu'on ait les mêmes épaules qu'eux", raconte Régine Poveda.

Ce monde politique, Hélène Ricard, directrice de l'association des maires de Gironde (AMG33), le côtoie aussi au quotidien. "Il s'agit d'un problème de mentalité. Nous sommes encore aujourd'hui dans une société patriarcale"

Et dans ce système, la loi de 2013 est en ligne de mire. "Beaucoup de maires m'ont confié être "gonflés" par la parité", confie la directrice de l'AMG33. 
 
 

Se rendre disponible


Le politologue Victor Marneur a mené une étude sur les femmes maires d'Aquitaine. Pour lui, l'un des freins majeurs reste la disponibilité. "Une femme maire doit faire face à une double voire une triple journée. Aujourd'hui, elles consacrent une heure et demie de plus aux tâches domestiques que les hommes". Un chiffre qui explique, pour le chercheur, la difficulté pour elles de concilier vie privée et vie d'élue. 

Cette situation, la maire de Meilhan-sur-Garonne ne l'a pas connue. "J'ai eu une chance inestimable d'avoir un mari qui m'a toujours soutenue. Nous sommes un véritable binôme", explique Régine Poveda.

Maïder Béhotéguy, vice-présidente de l'Agglomération Pays Basque se souvient quant à elle, de ses débuts. "En 2001, je me suis posée beaucoup de questions sur le temps que je pouvais consacrer à cette fonction. J'étais une jeune mère, j'avais une maison à tenir", explique-t-elle.
 
 

Syndrome d'incompétence


Être élue et administrer une commune, certaines femmes avouent également ne pas se sentir compétentes. "Les femmes ont ce sentiment de moindre compétence. Elles doutent, n'osent pas se lancer en politique à cause de ça", explique Hélène Ricard. 

Pour Victor Marneur, il faut chercher du côté de l'histoire pour trouver les racines du problème. "Traditionnellement, la parole publique est donnée aux hommes. C'était aux hommes de diriger le pays"
 
Cette crainte, Régine Poveda tente de la déconstruire. "Pour constituer ma liste, je suis allée à la rencontre de femmes qui font le tissu associatif de la commune. Ce sont des personnes extrêmement engagées, et pourtant, quand je leur proposais de faire partie de ma liste, elles déclinaient en expliquant ne pas se sentir compétentes", se désole la maire de Meilhan-sur-Garonne. 
 

Comme à la maison


Alors, pour légitimer leurs candidatures, "les femmes mettent plus de temps à accéder aux postes municipaux, explique Victor Marneur. Pour se sentir aptes, elles préfèrent faire leurs gammes dans les différentes strates avant de briguer le poste de maire."

Et pour "faire ses gammes", beaucoup font le choix de l'enfance, de la santé ou des affaires sociales. "Il faut arrêter de penser que les femmes ne sont compétentes que dans ces domaines", s'exaspère Paxkal Indo, président du Conseil de Développement du Pays Basque.

Pourtant, cette décision vient souvent des femmes elles-mêmes. "Les femmes sont plus demandeuses de ces postes. Il y a une forme de réconfort : elles continuent de faire ce qu'elles font à la maison", analyse la maire de Meilhan-sur-Garonne.
 
 © R. Dybiec, F. Beneytou, D. Condé, T. Ghironi, N. Fleury, C. Bouynet / IJBA


Rester à sa place


Si les entraves pour accéder au poste de maire sont nombreuses, la bataille n'est pas terminée une fois l'élection remportée. "Les démissions de femmes sont beaucoup plus nombreuses que celles des hommes, et les raisons sont différentes", explique Victor Marneur, chercheur au centre Emile Durkheim.

Deux temps ont été identifiés : entre 20 et 30 ans et après 60 ans. "Ce sont deux moments cruciaux dans la vie d'une femme. Elle doit alors s'occuper soit de ses enfants, soit de ses petits-enfants", explique le sociologue. Une choix que font beaucoup moins d'hommes, qui démissionnent plutôt pour des raisons professionnelles, selon l'étude de Victor Marneur.

Régine Povéda, alors maire de Meilhan-sur-Garonne, a également été élue vice-présidente du Val de Garonne Agglomération et députée pendant trois ans. Une situation pas si fréquente chez les femmes élues : "Les hommes n'ont pas peur de cumuler les mandats, c'est ancré dans nos traditions. Les femmes préfèrent choisir". 
 
 

Logique de partis


Une situation qui se confirme notamment dans les métropoles. "Dans les grandes villes, le processus de sélection favorise les hommes, par leur ambition et par leurs différents postes occupés", approfondit le sociologue.

Depuis 2013, le nombre de femmes maires "augmentent lentement", confirme Victor Marneur. Si la loi sur la parité a permis à certaines femmes d'accéder au poste de maire, d'autres, comme Martine Bisauta, maire adjointe à Bayonne, revendiquent "un véritable partage des décisions, qui donnerait d'ailleurs lieu à des décisions différentes et une nouvelle manière d'administrer une ville".

 
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