Sur les routes de nos vie raconte le quotidien d’une société creusoise de taxis conventionnés. Tour à tour ambulance, taxi ou corbillard, il se joue dans l’habitacle de ces voitures une comédie humaine drôle et émouvante.
C'est une main posée sur une épaule, un regard perdu sur l'horizon creusois, un mot qui rassure. C'est le quotidien d'ambulanciers et bien plus encore. Ce sont nos vies racontées, confiées, protégées. On dit que les creusois sont des taiseux, qu'ils ne parlent pas pour ne rien dire. Sur les routes de nos vies n'est pas un film documentaire bavard, mais il dit l'essentiel, même dans les silences.
Les routes creusoises sont comme celles de vies. Il y a les voies rapides qui permettent de gagner du temps, les routes secondaires qui relient les plus grands villages, puis les chemins sinueux, cabossés, abîmés par le temps qui passe trop vite, même si ailleurs, on s'amuse à dire qu'ici, il s'est arrêté.
Ce sont ces routes qu'empruntent tous les jours les ambulanciers de l'entreprise Pelège. Tour à tour ambulance, taxi ou corbillard, il se joue dans l’habitacle de ces voitures une comédie humaine drôle et émouvante. Ils en sont les témoins, nous sommes les passagers privilégiés de ces voyages.
Ce qui m’a donné envie de faire un film, c’est l’humanité des membres de cette équipe et le tragicomique de ce que l’on découvre du pays de mon enfance et de ses habitants, en montant en voiture avec eux.
De l'importance des taxis conventionnés
Les entreprises comme celle suivie par Gertrude Baillot dans ce documentaire sont un lien indispensable à la continuité de la vie. Le taxi qui amène les enfants des hameaux à l'arrêt de bus du village éloigné, les ambulances qui assurent les trajets vers des rendez-vous médicaux dans les grandes villes (ici Guéret, Montluçon ou Limoges), ou qui sont appelées par le SAMU pour des interventions en urgence à domicile pour un accouchement ou sur une route suite à un accident de la circulation, les corbillards qui accompagnent les dépouilles entourées des familles et des amis du défunt sont autant de traits d'union entre les habitants d'un territoire. Chaque famille, un jour ou l'autre, fait appel à ces services. La vie, de l'alpha à l'omega.
Certains ambulanciers sont bavards, d'autres moins. Il arrive que ce soient les clients qui animent les parcours en racontant leur vie. Parfois, les chauffeurs sont les seuls contacts des personnes âgées isolées. Ils sont en rapport avec des malades tous les jours, peu importe l'âge ou la condition sociale. Chaque voyage est unique et des liens forts peuvent se créer. La Creuse est l'un des départements les moins peuplés et les plus âgés de France. Cette singularité a nécessité une organisation différente, des capacités d'adaptation et des compétences liées à des métiers exigeants. Souvent le facteur n'a plus le temps de s'arrêter bavarder ou alors, il faut dorénavant payer pour ce qui est devenu un service, les commerçants se font rares sur les routes du département et les aides ménagères, trop peu nombreuses, courent d'un foyer à un autre. Alors les longs trajets permettent de prendre des nouvelles du pays, de prendre le temps aussi, celui d'observer un chevreuil dans un champ, un paysage qui évolue au fil des saisons, de fumer une cigarette avant d'entrer au Centre Hospitalier Universitaire de Limoges. Mais parfois le temps vient à manquer, les malades comme les ambulanciers se contentent d'un sandwich dans la voiture, d'une courte nuit de sommeil. Les ambulanciers mesurent le temps, celui des trajets, des interventions et de l'attente sur les parkings ou dans les couloirs des hôpitaux.
Découvrez ci-dessous un premier extrait du film documentaire : Sur les routes de nos vies
Focus sur l'entreprise Pelège de Bourganeuf
Patrice et Évelyne Pelège ont créé la société qui porte leur nom, il y a 20 ans. Ils sont tous les deux ambulanciers diplômés. Aujourd'hui, leur entreprise compte huit salariés. Evelyne reçoit les appels et distribue les tâches. Il lui arrive encore de retrouver son activité première, celle d'ambulancière. Patrice a plusieurs casquettes, à l'image de ce métier multifacette : ambulancier, chauffeur taxi, maître de cérémonie.
La dimension humaine est l'ADN de cette profession. Il faut aider les patients à s'habiller, vérifer les papiers, rassurer l'entourage, fermer la porte, éteindre l'électricité avant de partir, aérer une pièce enfumée par un poêle à bois mal entretenu. Sur les routes de nos vies n'est pas un film qui raconte. Il nous laisse entrer dans des destins qui ne sont pas les nôtres, il nous permet d'embarquer dans les ambulances et les taxis. Il nous laisse voir et nous laisse réfléchir. Il n'impose rien et cela est possible grâce aux choix de la réalisatrice.
Être en voiture avec eux, c’est être embarqué dans un lieu de relations humaines, de lien social, et de paroles.
Gertrude Baillot a décidé de suivre principalement deux des six salariés : Sandrine et Olivier.
Sandrine porte un joli regard sur la vie, peut-être parce qu'elle en a saisi tout autant la beauté que la fragilité. Elle apparait d'abord comme discrète, mais au fil du film, elle se révèle et montre qu'elle maîtrise les situations, et aime l'organisation. Elle est dans la capacité d'avoir une parole juste et de poser son regard sur une colline que le soleil effleure de ses derniers rayons. Elle est tout cela à la fois.
Olivier profite de la vie, sûrement pour les mêmes raisons que Sandrine. Pince-sans-rire, il n'est pas avare d'anecdotes. Il avale les kilomètres comme son déjeuner, sans y prêter attention mais il a un oeil sur ses passagers, attentif et bienveillant. Il sourit, il écoute, et parfois cela suffit pour rassurer un passager inquiet.
Une intimité surprenante
Nous qui ne sommes que passagers des véhicules ou visiteurs des bureaux ou de la salle de préparation des cercueils, il nous faut attendre la fin du documentaire pour s'apercevoir que l'on a partagé des moments intimes. Sans se poser de questions, sans y réfléchir, nous étions là, présents, à chaque instant.
Ci-dessous, découvrez un deuxième extrait du film documentaire : Sur les routes de nos vies
Alors pour savoir comment cela est possible, il faut s'intéresser au travail de Gertrude Baillot.
Un tournage en immersion à différentes périodes de l’année pour retrouver les personnages principaux avec leurs clients récurrents, et filmer le passage des saisons.
La réalisatrice a d'abord repéré les lieux, les trajets, les personnages, puis elle est venue en immersion, se présenter, raconter son enfance au pays, dire la vie de sa mère, cliente de la société Pelège. Mettre en confiance, se faire accepter comme étant de la famille, du lieu.
La route, l’introspection, les émotions imposent des moments suspendus, des séquences de respiration musicale. C’est un registre de séquence qui trouve sa place dans chacun de mes films, toujours avec des musiques originales composées à l’image.
L'idée a tout de suite été de tourner ce film sur un temps long, plusieurs mois. D'abord pour installer une confiance, mais aussi pour montrer la Creuse au fil des saisons, très marquées dans ce département du Limousin. La technique est venue soutenir cet objectif. Gertrude Baillot a souhaité installer aussi des caméras fixées sur le tableau de bord et proposer des cadres serrés sur les visages du chauffeur et du passager pour avoir un dispositif de champ/contrechamp possible.
Ci-dessous, découvrez un nouvel extrait du film documentaire : Sur les routes de nos vies
Puis il y a la musique, celle d'Olivier Depardon qui souligne magnifiquement et discrètement la beauté de la campagne, d'un instant ou d'un mot. Pour autant, lorsque Gertrude Baillot parcourt les routes de Creuse, c'est une autre musique qu'elle écoute.
Dès les prémisses d’un projet, j’ai pour habitude d’écouter certains titres de musique qui ont pour moi une « couleur » proche de celle du film à venir. Pour Sur les routes de nos vies, les mélodies de Alpha Beta Gaga de Air et Everybody’s Talkin’ de Harry Nilsson m’inspirent particulièrement.
Après avoir passé presque une heure avec Sandrine, Patrice, Sandrine, Olivier et les patients, l'image d'une route qui file vers l'horizon s'impose à nous, quelques regards restent accrochés à nos mémoires et des mots viennent frapper à la porte des choses essentielles, sur les routes de nos vies.
Sur les routes de nos vies
Coproduction :
Zadig Productions
FranceTélévisions
Réalisation :
Gertrude Baillot
Avec la participation de :
Public Sénat
et du centre national du cinéma et de l'image animée
Avec le soutien :
de la région Nouvelle-Aquitaine en partenariat avec le CNC
et de la PROCIREP, société des producteurs, et de l'ANGOA