Témoignage. La réalité du quotidien des soignants en unité psychiatrique

Publié le Mis à jour le Écrit par Christina Chiron

Après le décès d'une infirmière de l'hôpital psychiatrique de Thouars jeudi 13 février à la suite d'une agression par un patient, une infirmière en psychiatrie a publié une tribune sur les réseaux sociaux. Elle dénonce des conditions de travail de plus en plus difficiles.

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« Tous autant que nous sommes avons déjà eu à subir claques, crachats, luxation, fracture, coups de couteau/tazer/matraque, coups de poings et coups de boule, gaz lacrymo, menace à l'arme/fusil, étranglement, jet de mobiliers... Oui, oui, tous les soignants en psy ont déjà subi ce genre de chose ». Dans une tribune publiée sur les réseaux sociaux, une infirmière en psychiatrie témoignage des violences subies quasi quotidiennement par les soignants en psychiatrie.
Un cri du cœur en réaction au décès suite à son agression d’une infirmière dans un hôpital psychiatrique à Thouars en fin de semaine dernière. 

L'auteur de la tribune, infirmière diplômée d’Etat, travaille en psychiatrie à Amiens depuis 2003. Elle ne cache pas sa colère. « Cette jeune femme laisse une famille endeuillée, des collègues et des patients traumatisés. Et Agnès Buzyn ne daigne même pas se déplacer ! Elle envoie simplement son attaché ministériel. Il y a un mépris, une désinvolture de l’Etat incroyable ».

« On a tous peur pour notre vie »

Pour l'infirmière, qui a accepté de témoigner, ce drame est le reflet de conditions de travail de plus en plus précaires. « La violence qui s'est exprimée là n'est que la manifestation de la maladie malheureusement. Si les moyens étaient là, ce genre de situation pourrait être évité ».

« Je suis fataliste car souvent quand je vais travailler je me dis qu'il va peut-être m'arriver quelque chose ou à l'un de mes collègues. C'est extrêmement dur, on a tous déjà eu peur pour notre vie. On a conscience que l'agression est possible. On a tous vécu des moments de violence, alors que ça pourrait être évitable dans la plupart des cas ».

Quand je vais travailler, je me dis qu'il va peut-être m'arriver quelque chose ou à l'un de mes collègues.

Dégradation des conditions d'accueil, de la prise en charge et des soins des patients, le constat est sans appel. « On adore notre métier, mais la désinvolture de l'Etat nous amène à des situations complètement folles. Quand j'ai commencé à exercer, on était six ou sept personnels pour 30 patients. Aujourd'hui, on est deux. On a plus le temps pour discuter avec eux, pour désamorcer certaines situations, quand bien même on voudrait le faire ».

La solidarité entre collègues est primordiale. « Comme on a une spécialité difficile, on est très solidaires. On a confiance en l’autre, on se soutient. On se géolocalise les uns les autres. C’est bête mais quand je vais aux toilettes, je le dis à ma collègue ».

Désintérêt pour la psychiatrie

En 1992, le diplôme d’infirmier de secteur psychiatrique est supprimé. Le diplôme d’Etat d’infirmier incorpore alors connaissances en psychiatrie et soins généraux. « On est tous infirmiers généralistes, la réelle connaissance de la psychiatrie se fait sur le tas alors que chaque pathologie s'exprime différemment selon les individus touchés ».

On veut réduire notre travail à de l'administratif, mettre les gens dans des cases.

En 20 ans de métier, l’infirmière a vu les effectifs se réduire et des personnels de moins en moins formés. « Il y a aussi un désintérêt des collègues médecins pour la psychiatrie. Cette spécialité, c’est souvent considéré pour les bons derniers. Et en parallèle, on a une politique en matière de santé qui se résume à une réduction des budgets. En sept mois de grève, des politiques de tous bords sont venus mais rien n'est ressorti. La ministre de la santé Agnès Buzyn n’est jamais venue, ni la directrice de notre Agence Régionale de Santé ».

Et de poursuivre. « Il nous faudrait plus de personnel, des infrastructures mieux gérées, plus de moyens pour se former. C'est un travail fondamentalement humain et on veut le réduire à de l'administratif, à mettre les gens dans des cases ». 

Coup de cœur pour le métier

Malgré des conditions d’exercice de plus en plus difficiles, la passion pour le métier et l'empathie pour les patients l’emportent toujours. Une vocation dès la sortie du bac. « J'ai fait une école d'infirmière et mon premier stage était en psychiatrie. J'ai eu un vrai coup de cœur pour ce métier ».  

« Ces patients souffrent, on a aucune idée à quel point. C'est une population de laissé-pour-compte et qui va être de plus en plus précarisée. Ma satisfaction, c’est quand une mère me dit "bon courage et merci", quand un patient me dit "je suis content de te voir", quand certains arrivent à s’en sortir, trouvent un travail, une compagne, arrivent à se réinsérer et à faire leur vie ».

Je veux pouvoir me regarder dans le miroir et me dire "c'est bien, tu as fait du bon boulot".

Pour autant, l'impact sur la vie privée est important. « C'est difficile de se départir de nos conditions de travail. On évite d’en parler pour ne pas inquiéter nos proches, parfois on retient ses larmes. Mes parents viennent de découvrir tout ça pendant la grève, ils m’ont dit "on pensait pas" ».

Changer de métier ?

« J'y ai pensé à plusieurs reprises mais c'est horrible de changer de métier quand on l'adore juste parce que les conditions de travail sont très difficiles. Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis renseignée pour me reconvertir, les bilans de compétences, mais je ne veux pas lâcher cette profession ». Avant de conclure, « on veut pouvoir pratiquer avec une vraie éthique. Je veux me regarder dans le miroir et me dire "c'est bien, t'as fait du bon boulot". C'est de plus en plus rare. Je me dis aujourd'hui "bon, t'as tout donné, tu as fait comme tu as pu" ».

Ecoutez le témoignage d'une femme qui a dû reprendre en charge son mari à la maison, faute de place dans d'autres établissements. L'hôpital ayant fermé ses services et évacué les malades vers d'autres établissements.


 

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