March'Equitable vend les produits d'une quarantaine d'agriculteurs, principalement du sud Vienne, en circuits courts. Avec ses producteurs, la boutique s'engage dans une démarche d'amélioration de la production et de défense d'une agriculture paysanne.
En ce vendredi après-midi de janvier, la boutique ne désemplit pas. Le magasin de producteurs de Montmorillon, March'Equitable, ouvre quatre demi-journées par semaine, et propose ses dernières livraisons de viande et de fruits et légumes frais livrés par ses producteurs partenaires. Tous adhèrent à la philosophie du lieu de proposer des "produits issus d'une agriculture locale, soucieuse des enjeux sociétaux et environnementaux".
L'avantage ici, c'est qu'on a les gens en face pour leur dire si on a aimé leurs produits ou pas.
Mireille, retraitée, coiffée d'un chapeau en feutre bordeaux, choisit ses pommes. Elle admet ne venir que "de temps en temps", mais avec une raison bien précise. "Si je compare avec les supers et les hypermarchés, le rapport qualité prix est tout à fait correct. Je vois une réelle différence de goût, de qualité et de fraîcheur", explique-t-elle.
"L'avantage ici, c'est qu'on a les gens en face pour leur dire si on a aimé leurs produits ou pas. On sait qui sont les producteurs, je trouve important de connaître les gens."
Une démarche militante
Des producteurs sont en effet amenés à assurer ponctuellement une permanence en boutique et à être au contact des consommateurs.
On voulait que les producteurs s'engagent avec nous dans une démarche d'amélioration de la production.
"C'est une démarche militante", explique Jean-Luc Duquesne, l'un des co-présidents du collège de consommateurs de March'Equitable. Ancien producteur désormais à la retraite, il fait partie des créateurs du lieu. "On voulait proposer aux consommateurs des produits locaux, de saison et de qualité. On voulait aussi que les producteurs s'engagent avec nous dans une démarche d'amélioration de la production."
A ses côtés, Christine Wolf, aujourd'hui co-présidente de la structure, également dans le collège des consommateurs, se souvient du déclic qui l'a amenée à s'investir dans le magasin. "Je voyais comment évoluaient les grandes surfaces et je ne voulais pas me retrouver à n'avoir plus que ce choix-là. Je connaissais certains des producteurs engagés et ça m'a convaincu de les rejoindre dans une défense de l'agriculture paysanne."
Je voyais comment évoluaient les grandes surfaces et je ne voulais pas me retrouver à n'avoir plus que ce choix-là.
A sa création, la structure rassemble neuf producteurs. Les ventes se font alors dans une salle du lycée agricole tout proche, un soir par semaine pendant deux heures.
"On n'arrêtait pas de nous dire, 'mais pourquoi ne vous installez-vous pas en centre-ville ?'", se souvient Christine Wolf. "Pour beaucoup de gens, notamment les personnes âgées, c'était plus pratique que l'on soit présent en ville. Et on a trouvé ce local libre en juillet 2014, une ancienne pharmacie où on a donc ouvert le magasin de producteurs" qui rassemble désormais 40 producteurs.
Faire partie d'un collectif
L'un des derniers producteurs à avoir rejoint le collectif, est maraîcher. Elie Pontonnier (voir Dans le sud Vienne, le rêve d'indépendance d'un agriculteur) vient tout juste de livrer des choux, des navets, des carottes et des salades cultivés en bio dans son exploitation de Gouex. "Quand il s'est installé, on cherchait justement un nouveau maraîcher, ça tombait bien", se souviennent les co-présidents.
L'initiative permet à l'agriculteur de "travailler en groupe", poursuit Jean-Claude Duquesne. "Il n'est plus tout seul sur son exploitation." Il fait désomais partie d'un collectif.
March'Equitable s'apprête à accueillir un nouvel exploitant qui, lui, propose des petits fruits rouges. "C'est quelque chose qui manquait dans le magasin", reconnaît Jean-Luc Duquesne, satisfait de voir la structure grandir un peu plus chaque année
Ici, c'est le producteur qui fixe son prix.
L'évolution du chiffre d'affaires du magasin de producteurs témoigne de sa réussite : +10% chaque année. Il s'établit en 2020 à 310.000 euros. Le succès est au rendez-vous avec un mode de fonctionnement différent de celui des grandes surfaces.
"On cherche à être équitable", poursuit Christine Wolf. "Ici, c'est le producteur qui fixe son prix." Jean-Luc Duquesne précise le modèle économique du magasin : "On fonctionne avec des marges à 15 ou 25% alors que les grandes surfaces sont facilement à 30 ou 40% de marge et ce sont elles qui fixent les prix. Pas ici!"
La structure génère ainsi suffisamment de chiffre d'affaires pour payer les producteurs et faire face à ses charges de fonctionnement.
Un cercle vertueux à Montmorillon
March'Equitable se réjouit aujourd'hui d'alimenter un cercle vertueux dans le Montmorillonnais. "Par exemple, l'ouverture du magasin en centre-ville a redonné du dynamisme dans la rue et on n'a porté concurrence à personne. On apporte autre chose", explique Christine Wolf.
"On a aussi une influence sur l'emploi", poursuit Jean-Luc Duquesne. "Dans beaucoup de fermes, il n'y a qu'une personne. Seule, elle ne peut pas se diversifier. A deux ou parfois trois, on y arrive." Certains parviennent ainsi à développer une activité de transformation de leur production (voir ... famille Berthomier).
Les co-présidents prennent aussi en exemple le développement de la production de viande. Les producteurs travaillent avec l'abattoir de Montmorillon et font appel à l'atelier de découpe d'Adriers.
La force de ce collectif pour une agriculture paysanne : le "travail en réseau" et le "partage d'expériences via le Civam", poursuit Jean-Luc Duquesne. "C'est aussi parce qu'il y a une demande que l'offre évolue!"
Si les créateurs du magasin de producteurs restent proches de la Confédération paysanne, leur réseau travaille à la fois en bio, en conventionnel et en agriculture raisonnée.
"Certains producteurs sont engagés à nos côtés depuis 20 ou 30 ans et ont eu toutes ces années pour améliorer leur production. Le bio, c'est devenu bon, le fermier, c'est devenu bon", constate Jean-Claude Duquesne. "Certains ont fait des conversions et parce qu'ils maîtrisaient la chimie dans leurs productions d'avant, ont pu passer au bio avec de bonnes bases."
Si le bio est à la mode, les chiffres de vente du magasin de producteurs montrent que les produits les plus demandés ici ne sont pas les fruits et légumes bio, mais les produits carnés. Viennent ensuite les légumes, puis le pain, les produits laitiers et enfin les fruits.
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