Des exploitants en agriculture conventionnelle observent avec intérêt l'exemple de leurs collègues convertis aux circuits courts ou au bio. La crise sanitaire a favorisé ces nouveaux modèles économiques. A leur tour, ils réfléchissent à une évolution de leurs pratiques agricoles.

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Sur leur exploitation d'Adriers (86), dans le sud Vienne, Guillaume et Romain Desbordes, occupent leurs journées d'hiver à l'entretien des haies et des clôtures et à l'alimentation des 130 vaches allaitantes dans les étables. Les deux frères attendent aussi "une bonne semaine de beau temps" avant de pouvoir passer au labour, l'autre partie de leur exploitation étant consacrée à la production de blé, d'orge, de févrolle, de maïs et de tournesol. Si la crise sanitaire actuelle n'a pas bouleversé leur activité au quotidien, elle est néanmoins venue questionner leur modèle économique. 

C'est vraiment notre génération qui s'intéresse au passage au bio, au local. Mais si les agriculteurs le font, c'est souvent parce que leurs enfants veulent aller dans ce sens-là. 

Romain Desbordes, agriculteur à Adriers

"On voit bien que le confinement a plus fait fonctionner les structures en vente directe et en circuits courts", constate Romain. A 35 ans, il est aussi 3ème adjoint du maire de sa commune et observe les pratiques des uns et des autres. "C'est vrai que c'est de mieux en mieux perçu", ajoute-il en évoquant le modèle économique de ces voisins, comme Elie Pontonnier (voir Dans le sud Vienne, le rêve d'indépendance d'un agriculteur) ou la famille Berthomier (voir Dans le sud Vienne, une famille d'agriculteurs se convertit au bio et "réapprend à produire"), qui ont choisi de tourner le dos à une agriculture jugée trop productiviste.

Bio ou conventionnel ?

"Les gens voient les choses différemment", poursuit-il. "C'est vraiment notre génération qui s'intéresse au passage au bio, au local. Mais si les agriculteurs le font, c'est souvent parce que leurs enfants veulent aller dans ce sens-là." Lui et son frère ont choisi de travailler dans un modèle conventionnel. "On utilise des produits phytosanitaires, effectivement", reconnait Guillaume. "Mais avant d'y avoir recours, on fait des analyses pour évaluer les besoins. Le plus souvent, on se retrouve à utiliser des demi-doses."

Tous les deux travaillent en bonne intelligence avec leurs voisins en circuits courts et disent entretenir "des relations apaisées". "On se connait, on est en CUMA ensemble", explique Romain. La structure coopérative permet de mettre à disposition des adhérents du matériel agricole et des salariés.

Utiliser moins de produits phytosanitaires, Romain et Guillaume y sont sensibles. Plus qu'un simple objectif environnemental, ils y trouvent un intérêt économique. Dans un haussement de sourcils un peu soucieux, tous les deux reconnaissent qu'il "faut faire attention au porte-feuille". 

"Si on constate qu'il n'y a pas besoin de produits, on ne va pas en mettre", poursuit Guillaume. "La génération d'avant ne se posait pas la question. Nous, on raisonne selon la qualité de la terre."

Avec le confinement, les restaurants sont restés fermés et la demande a baissé. On perd actuellement entre 80 et 100 euros par tête de bétail. 

Guillaume et Romain Desbordes, agriculteurs à Adriers

Si le modèle en vente directe, en locale, ou en production bio de certains de leurs voisins ne remet pas en cause leur travail, ils expliquent que "tout le monde ne peut pas aller sur des productions en circuits courts. Ca bouchonnerait sinon!"

Communiquer !

Mais depuis quelques temps, Guillaume et Romain constatent les effets néfastes de la crise sanitaire sur leur économie et s'interrogent. "Ca se ressent beaucoup en viande. Avec le confinement, les restaurants sont restés fermés et la demande a baissé", analysent-ils. "On perd actuellement entre 80 et 100 euros par tête de bétail."

S'ils ne s'imaginent pas entrer dans une économie bio ou en vente directe - "tout le monde n'est pas fait pour ça, il faut aimer vendre aux particuliers, c'est une autre relation clientèle" -, ils aimeraient "plus favoriser le marché français plutôt que l'exportation" qui se fait principalement vers l'Italie pour la viande et l'industrie de la méthanisation qui utilisent les effluents d'élevage. Un début de recentrage vers des ventes plus locales ? "En bovin, on essaie de vendre les mâles dans le Poitou-Charentes", poursuit Romain. Car tous les deux constatent que "ça reste compliqué de se verser un salaire à la hauteur de ce qu'on travaille".  

Aux circuits courts, ils ont pour l'instant préféré la solution du travail en coopérative, avec Terrena, qui promeut actuellement le concept de "nouvelle agriculture" dans une campagne publicitaire très visible à la télévision. Les deux frères constatent : "On ne faisait pas ça avant, communiquer à la télé. Il était temps de le faire. Il faut se montrer, l'époque a changé."

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