Les barrages créés par les agriculteurs sur la Nationale 10 et l'autoroute A 10 au sud de Poitiers ont contraint la Préfecture à mettre en place des déviations pour les poids lourds. Dans les petites communes, cet afflux de camions a ravagé leurs routes.
La route est bordée de trous, d'ornières et de bitume cassé. Bernard Mauzé, le maire de Ligugé, commune d'un peu plus de trois mille habitants dans la Vienne, observe tristement les dégâts. "C'est comme ça sur deux kilomètres", précise-t-il. Cette petite route n'a jamais été prévue pour absorber le passage de centaines de poids lourds, pendant une semaine. C'est pourtant ce qu'il s'est passé lors du blocage des agriculteurs sur la Nationale 10 au sud de Poitiers. Les camions ont dû trouver des voies secondaires, sans suivre forcément les déviations indiquées.
Le chiffrage officiel des réparations est en cours, mais le maire estime à un million d'euros la reprise totale de la route. "Personne n'a prévu ce budget, que ce soit la commune ou la communauté de communes " (Grand Poitiers - NDLR).
On a écrit à l'État, au député, à Grand Poitiers pour trouver une solution afin de financer les réparations.
Bernard MauzéMaire de Ligugé
Attention danger
En attendant, Bernard Mauzé ne dort pas tranquille. La route est très abîmée, pas éclairée. Elle est devenue dangereuse malgré les panneaux d'avertissement et une limitation à 30 km/h. "Au-delà du budget, il faut trouver des entreprises disponibles et ce n'est pas facile en ce moment " conclut l'élu de Ligugé.
À quelques kilomètres, une route étroite monte vers les hauteurs d'Iteuil dans la Vienne. Seuls les riverains sont autorisés à l'emprunter, les poids lourds sont interdits depuis longtemps. Pourtant, en haut de la côte, le spectacle est stupéfiant : un mur de soutènement de la route s'est effondré trois mètres plus bas. Le trottoir menace de prendre le même chemin. L'effondrement s'est produit dans la nuit du mardi 30 janvier au mercredi 31 janvier. Frédérique habite à dix mètres et a entendu un énorme craquement ce soir-là. "Je pensais qu'ils avaient accroché le trottoir". "Ils" ce sont les centaines de camions qui n'ont pas respecté l'interdiction.
Ils passaient surtout la nuit, c'était un défilé permanent.
FrédériqueRiveraine du mur effondré à Iteuil
En quelques jours, la route cède à ces poids inhabituels. Madame le maire, Françoise Micault, avait envisagé un budget de 100 000 euros pour réparer le mur. "Je m'aperçois qu'il faudra reprendre la route sur une plus grande largeur, on sera plutôt à 150 000 ", déplore-t-elle. Cette élue partage la même inquiétude que son homologue de Ligugé : Comment et qui va payer ? Certes, la commune dispose d'une enveloppe voirie à Grand Poitiers, mais elle n'était pas prévue pour ça.
Nous devons faire des choix, ici le chantier est prioritaire.
Françoise MicaultMaire d'Iteuil (86)
Seule consolation, les réseaux d'eau et de gaz, enterrés au milieu de la route, n'ont pas été touchés, pour le moment.
À Fontaine-le-Comte, la maire panse, elle aussi, les plaies de ses routes. Mais un autre sentiment l'anime. "Je suis dépitée. Monsieur le Préfet a pris les décisions nécessaires pour trouver des solutions face au blocage, mais il aurait fallu que les communes concernées par les déviations soient concertées, car on connaît bien nos voies, on sait où mettre les déviations ", explique Sylvie Aubert.
Certaines routes étaient interdites, mais elles ont été empruntées par des camions, car les chauffeurs étaient perdus et ne comprenaient pas les déviations.
Sylvie AubertMaire de Fontaine-le-Comte (86)
À la Préfecture de la Vienne, les commentaires sont plutôt laconiques sur le sujet. Le représentant de l'État n'a pas de visibilité sur le recensement des dégâts sur les routes. Chaque gestionnaire, que ce soit les communes, le département, les Communautés de communes, est responsable de ses infrastructures.
Les communes, elles, sont bien décidées à faire remonter leurs doléances vis-à-vis d'un problème où finalement "personne n'est vraiment responsable", résume un élu.