L’Autorité environnementale souligne la nécessité d’étudier l’impact environnemental du projet d'autoroute A147, censée relier Poitiers à Limoges. Le 12 juillet dernier, Jean-Baptiste Djebbari saisissait la commission nationale du débat public (CNDP) pour recueillir l'avis du public à ce sujet.
Elle pourrait signifier la fin du cauchemar pour les 13 700 usagers qui, chaque jour, empruntent la très accidentogène RN147 pour se déplacer. L’autoroute A147 fait l'objet d'une consultation publique. Toujours en projet, elle devrait à la fois améliorer la sécurité des habitants et contribuer au développement économique du Limousin, actuellement enclavé. Mais est-ce la meilleure solution?
Pourquoi cette future autoroute ?
Si vous empruntez régulièrement la RN147, vous connaissez ses virages en épingle à cheveux, sa visibilité souvent insuffisante, ses grandes lignes droites, où l’on est tenté de rouler vite et la circulation de nombreux poids-lourds. Des caractéristiques qui en ont fait l’une des voies les plus dangereuses de France.
Parcourus chaque jour par 6 600 à 10 700 véhicules, les 110 kilomètres entre Limoges et Poitiers via Bellac sont ainsi responsables, chaque année, de nombreux accidents graves. Entre 2013 et 2017, 126 accidents corporels et 13 décès ont été comptabilisés. Ce taux est plus élevé que sur les routes nationales voisines.
Pour améliorer la circulation sur cette voie, le Contrat de plan État-Région (CPER) 2015-2022 a lancé 5 projets. Ces derniers, estimés à 450 millions d’euros, promettent notamment de réduire le temps de trajet à 1h31 entre les deux agglomérations et de sécuriser la voie. Mais ces aménagements sont jugés insuffisants par le président de la Chambre de commerce et d'industrie de la Haute-Vienne, Pierre Massy, qui milite depuis le début en faveur d'une autoroute.
A quoi va-t-elle ressembler ?
La vitesse sur l’A147, implantée au plus près de la nationale, serait limitée à 130 km/h. L'autoroute emprunterait des sections de la nationale déjà aménagées en 2x2 voies.
Comme le précise le collectif A147 Grand Ouest, le tracé devrait notamment intégrer la liaison nord-est de Poitiers et le contournement de Fleuré et de Bellac, mais aussi prendre en compte les opérations prévues par le CPER, comme "l’aménagement de la déviation de Lussac-les-Châteaux, celle de créneaux de dépassement entre Limoges et Bellac et le passage en 2x2 voies de la RN520".
Le prix, lui, pourrait en faire bondir plus d’un… Car l’autoroute devrait intégrer un péage. Pour rejoindre Limoges depuis Poitiers, les automobilistes pourraient se délester de 14 euros (et 22 euros pour les poids-lourds). La RN147 deviendrait, quant à elle, un itinéraire de substitution interdit aux poids-lourds. Mais le temps de trajet entre les deux agglomérations pourrait augmenter, car il faudrait alors traverser les centres-bourgs.
Quid du TER Poitiers-Limoges ?
Le récent avis de l'Autorité environnementale pour le cadrage préalable à la mise en concession autoroutière de l’itinéraire Poitiers – Limoges estime que la circulation sur l’A147 pourrait néanmoins rester faible, avec une moyenne de seulement 5 030 véhicules légers par jour et moins d’un millier de poids-lourds, très en-dessous de la moyenne actuelle de 10 000 véhicules/jour sur la nationale. Selon ce rapport, la majorité (52%) des usagers circulant sur l’axe Poitiers – Lussac-les-Châteaux emprunteraient plus spontanément l’itinéraire de substitution.
Les transports en commun ne représentent aujourd’hui que 3% des modes de déplacement entre le Limousin et le Poitou-Charentes. Plutôt que ce projet d’ampleur, certains s'interrogent : pourquoi ne pas améliorer la liaison ferroviaire entre Poitiers et Limoges ? L’ancien Ministre et sénateur du Nord Michel Delebarre en fait partie. Il avait été missionné par le gouvernement pour étudier les possibilités de désenclavement de la région par le train.
Il faut aujourd’hui entre 1h51 et 2h38 en train pour rejoindre la capitale limousine depuis Poitiers. La vitesse varie constamment en raison d’un relief changeant. Certaines sections sont même limitées à 40 km/h… Un projet de ligne à grande vitesse avait été discuté, mais l’insuffisance de garanties pour son financement a eu raison de lui.
Que préconise l’Autorité environnementale ?
Le 18 novembre dernier, l’entité du ministère de la transition écologique dédiée à l’évaluation des projets d’urbanisme a publié cet avis concernant le futur projet autoroutier. Un guide de bonnes pratiques, dédié à rappeler les points de vigilance à étudier lors de la remise du futur rapport d’impact. Car la création d’une autoroute entre la cité poitevine et le Limousin entraînerait, nécessairement, la destruction de terres arables.
Selon le dossier de saisine de la CNDP, cette opération nécessiterait de mobiliser une subvention dite "d'équilibre" au bénéfice du concessionnaire dont le montant estimé pourrait atteindre 771 millions d'euros. L'infrastructure serait donc financée pour plus des trois quarts de son coût par des fonds publics.
Autorité environnementaleAvis pour le cadrage préalable de la mise en concession autoroutière de l’itinéraire Poitiers – Limoges du 18 novembre 2021
La construction aura également des effets sur la biodiversité, les émissions de gaz à effet de serre et la qualité de l’air de façon générale. Côté pollution atmosphérique, il faudra par exemple prendre en compte, dans une future évaluation environnementale, l’évolution technique des véhicules thermiques et électriques dans le calcul final, estime l’Autorité environnementale.
L’évaluation environnementale devra également, précise le rapport, "justifier de créer une autoroute à péage, dans la mesure où d’autres projets (ferroviaires, routiers) ont déjà été proposés". Arguant que l’autoroute payante sera beaucoup plus consommatrice d’espace, car elle nécessitera un itinéraire de substitution gratuit – et donc de poursuivre les aménagements de la RN147.
En cas d’autorisation de mise en concession, l’autoroute ne devrait, de toute façon, pas voir le jour avant au moins 10 ans.