Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a révélé ce lundi 3 octobre une baisse de fréquentation des salles de 30% par rapport à 2019. En manque de blockbusters américains, les grosses structures sont en difficulté tandis que les plus petites arrivent à se démarquer.
Les salles ne sont pas totalement remises de la crise du Covid-19. Voilà le constat du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) qui a publié ses statistiques sur la fréquentation des salles obscures au mois de septembre. L'organisation comptabilise une baisse du nombre d’entrées de 30% par rapport à 2019 : il s’agit du niveau le plus bas depuis 1980, excepté l’année 2020. Si le tableau paraît sombre au premier abord, les professionnels du cinéma dans la région relativisent.
"Chaque année, le mois de septembre est le mois le plus pauvre", estime Rafael Maestro, président des Cinémas indépendants de Nouvelle-Aquitaine (CINA). Avec la rentrée et une météo de fin d'été souvent très (trop ?) clémente, les Français se détournent momentanément du grand écran. "Ce n’est pas à cette période-là que les producteurs placent leurs meilleurs projets", ajoute Rafael Maestro. Le nombre de films sortis en septembre est inférieur à l’année 2019 : 54 contre 59. Parmi les longs-métrages diffusés le mois dernier, seuls cinq nous viennent des Etats-Unis.
Rafael Maestro, président des cinémas indépendants de Nouvelle-Aquitaine aux questions de Clément Massé :
Le retour des films américains
Avec la période du Covid-19, les films américains se sont rarifiés. "Aux Etats-Unis, il y a eu un arrêt des tournages, qu’on n’a pas connu dans ces mêmes proportions en France. On a passé un trou sur la période de 2022, et là ça revient petit à petit", explique Aurélie Delage, vice-présidente de la Fédération nationale du cinéma français et à la tête du Megarama d’Angoulême. Après deux années difficiles, les films américains, qui représentent habituellement 40% des films en salle, réapparaissent peu à peu en France.
Mais, encore faut-il que la chronologie des médias (qui correspond à l'ordre de sortie des films à l'étranger puis en France, sur le grand et petit écran) le permette. Cette dernière peut parfois empêcher la sortie de certains longs-métrages. L’habituel Disney de Noël n'apparaîtra par exemple pas en France cette année. Un coup de massue pour les grosses salles et multiplex car ces espaces ont été spécialement pensés pour le visionnage de blockbusters américains.
Les petites salles tirent leur épingle du jeu
Étonnement, ce sont les petits établissements qui s’en sortent le mieux. "Les cinémas de proximité sont plus proches de leur population, géographiquement et affectivement", estime Rafael Maestro. À coup de programmations originales et offres tarifaires intéressantes, ces salles arrivent à sortir leur épingle du jeu, à l’image du cinéma d'art et d'essai de Poitiers, le TAP Castille.
"70% des films que nous programmons sont européens", affirme le directeur, Alric Bostffocher. Lui n'a donc pas souffert du vide engendré par l'arrêt des tournages américains. "Nous avons subi une baisse de 16% de fréquentation seulement, précise-t-il. Notre public a été fidèle et nous accueillons toujours des scolaires." Son établissement a perdu des clients parmi les spectateurs qui venaient de manière plus ponctuelle.
Varier les propositions
Pour les faire revenir, le cinéma organise des rencontres avec les réalisateurs qui connaissent un succès certain. La dernière en date ? Celle autour du film Le Sixième enfant avec Sara Giraudeau, Benjamin Lavernhe et Judith Chemla, de Léopold Legrand. Le jeune réalisateur est connu dans la région : il avait remporté le Grand Prix du Poitiers Film Festival en 2017 pour son court-métrage Angelika. Le TAP privilégie, pour sa programmation, des films avec un ancrage local comme Travailleurs protégés de Bérengère Cerezales tourné dans la commune de Saint-Benoît (Vienne).
Le local est aussi l'un des credo du Dietrich, cinéma associatif situé à Poitiers. L'établissement organise des soirées discussions avec des associations de la région comme lors de la projection de Last Dance de Coline Albert. Un compagnie poitevine, La Coloc Drag, avait alors proposé une performance suivie d'un échange avec le public. "Nous aimons accompagner les films lors de leur sortie en salle, créer des rencontres. Les spectateurs sont très demandeurs", s'enthousiasme Amélie Boisgard, programmatrice du cinéma. Après un début d'année difficile, elle apprécie cette rentrée "presque" normale.
Des tarifs défiant toute concurrence
Depuis septembre 2022, le TAP Castille propose un nouvel abonnement destiné aux jeunes détenteurs de la Carte Culture qui leur permet de décrocher des places à 5€50. Pour le Dietrich, salle la moins chère de Poitiers, pas de réduction supplémentaire. "Mais nous appliquons toujours le tarif Joker pour ceux qui n'ont pas ou peu de revenus, indique Amélie Boisgard, la programmatrice. Cela leur permet d'avoir des places à 3€." Un prix défiant toute concurrence pour un cinéma accessible au plus grand nombre.
Pour elle, difficile de se projeter vers l'avenir. "Est-ce que les gens ont définitivement perdu l'habitude d'aller au cinéma ?", se demande la programmatrice. Elle hésite, réfléchit quelques millièmes de seconde avant de renchérir. "J'ai envie d'être positive. Je pense que les gens auront toujours envie de découvrir des œuvres ensemble, de partager des moments de rencontre, de discuter. Et les cinémas sont là pour créer ces espaces-là."