Le Comité d'éthique estime qu'une "aide active à mourir" pourrait s'appliquer en France, mais "à certaines conditions strictes". Alors qu'Emmanuel Macron annonce une consultation en vue d'une possible loi d'ici fin 2023, dans la région, des élus s'impliquent dans le débat.
L'avis du Comité d'éthique (CCNE) rendu mardi 13 septembre 2022 a fait l'effet d'une petite révolution. Il estime que si une nouvelle loi sur la fin de vie devait être discutée en France, "il existe(rait) une voie pour une application éthique d'une aide active à mourir". Ces mots, prononcé par l'ancien maire de Poitiers, Alain Claeys, l'un des rapport du CCNE et co-porteur de la loi Claeys-Leonetti de 2016 sur la fin de vie, vient donner un espoir aux personnes souhaitant choisir leur mort.
Cependant, cette évolution supposerait "certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger", a immédiatement tempéré le membre du CCNE, dont le rôle est purement consultatif mais dont l'avis était très attendu.
Le président Emmanuel Macron a, en effet, décidé de lancer en octobre un grand débat sur le sujet, via une convention citoyenne, visant une évolution éventuelle de la loi d'ici à la fin 2023.
L'avis du CCNE constitue donc une première étape vers une telle évolution, même si l'institution l'assortit de nombreuses prévenances.
Soins palliatifs
Le comité estime ainsi qu'une nouvelle loi ne saurait uniquement se concentrer sur le sujet de l'euthanasie ou de l'aide active à mourir.
"On ne comprendrait pas une loi uniquement axée sur ce sujet car aujourd'hui on sait très bien qu'il y a des situations inacceptables sur (la mise en œuvre des) soins palliatifs", a déclaré M. Claeys.
Le comité plaide donc aussi pour accélérer les efforts en faveur des soins palliatifs, une position qu'il avait déjà tenue dans de précédents avis.
Cet avis a fait débat au sein du CCNE comme je suppose dans la société française
Alain Claeys, rapporteur du CCNE
Il marque toutefois une rupture avec ses positions passées en jugeant possible d'introduire dans la loi une aide active à mourir. Jusqu'alors, il s'était prononcé contre une modification de la loi Claeys-Leonetti qui interdisait l'euthanasie et le suicide assisté.
Désormais, le Comité accepte d'établir un cadre éthique pour envisager de légaliser de telles mesures.
Une éventuelle "assistance au suicide doit accompagner la volonté de la personne" mais il "faut s'assurer que cette demande soit ferme, éclairée, constante et motivée", a expliqué Régis Aubry, autre rapporteur de l'avis.
La position du Comité n'apparaît néanmoins pas unanime : certains de ses membres ont émis des réserves quant à la mise en place d'une aide active à mourir.
"Cet avis a fait débat au sein du CCNE comme je suppose dans la société française", a admis Alain Claeys.
"Enorme majorité"
Emmanuel Macron a souvent pris des positions prudentes sur le sujet. "Mon opinion personnelle importe peu", a-t-il encore dit lundi, même s'il a par le passé exprimé son intérêt pour le modèle belge.
Lors du précédent quinquennat, l'exécutif avait ainsi décidé que la fin de vie ne figurerait pas dans son projet de loi de bioéthique.
Reste que le Président a récemment décidé de relancer le sujet, dans un contexte où la notion d'euthanasie est de plus en plus largement acceptée par l'opinion publique et une partie du monde politique.
Pour Jean-Luc Romero-Michel, ancien président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) l'exécutif dispose désormais d'une "énorme majorité" pour voter un tel texte.
En avril 2021, l'Assemblée nationale en avait certes déjà débattu après une proposition de loi du député Olivier Falorni. Mais son examen n'avait pas abouti à cause de milliers d'amendements destinés à faire obstruction, notamment issus de quelques députés de la frange la plus conservatrice de la droite.
Le point de vue d'Olivier Falorni, député de la Charente-Maritime
Si une nouvelle loi sur la fin de vie peut mettre d'accord la gauche et une partie du centre, elle risque de fait de susciter de vives réticences à droite et à l'extrême droite.
Et, parmi des soignants, des mises en garde se sont déjà exprimées.
Une dizaine de sociétés savantes de professions impliquées dans la fin de vie se sont aussi inquiétées des conséquences éthiques et déontologiques sur leurs métiers d'une éventuelle évolution législative.
Par ailleurs, l'Ordre des médecins n'est "pas favorable à l'euthanasie" et considère que, si la France ouvre la possibilité d'une aide active à mourir, les médecins doivent bénéficier d'une "clause de conscience", a déclaré son président jeudi au Quotidien du médecin.