Le détective privé de renom s'explique sur les raisons qui l'ont poussé à reprendre l'enquête sur la disparition de la Poitevine Tiphaine Veron à Nikko (Japon) il y a deux ans. Il pointe des lacunes dans l'enquête japonaise qu'il veut orienter vers la piste criminelle.
Sa parole est rare. Le détective privé de renom Jean-François Abgrall a pris la parole sur le dossier Tiphaine Veron et sur la façon dont il compte faire avancer l'enquête sur la disparition de la Poitevine le 29 juillet 2019 à Nikko (Japon). Il travaillera en collaboration avec le cabinet de Me Antoine Vey, ancien associé d'Eric Dupont-Moretti.
Questions réponses lors de l'assemblée générale annuelle ce samedi 16 janvier 2020 de l'association créée par la famille de la disparue.
Pourquoi avez-vous accepté de travailler sur la disparition de Tiphaine Véron ?
Je ne prends pas beaucoup de dossier, un ou deux par an. Et je n’en prends pas d’autres, tant qu’on n'a pas répondu à mes questionnements. Je sais ce qu’est une disparition (ndlr : il a travaillé sur les affaires Emile louis et Francis Heaulme), je connais le désarroi que cela suscite. Tant qu’on n'a pas de réponses, tant qu’on n'a rien, c’est encore pire que si quelque chose de grave était survenu mais dont on aurait l'explication. Alors, si on peut aider, on le fait. Retrouver un disparu, c’est aussi beaucoup plus difficile que de trouver un corps. Vous n’avez rien au départ. Il faut être formé à ça avec des outils d’analyse et de méthodologie, ce que je sais faire puisque c’est mon métier.
Comment allez-vous travailler ?
Le dossier de la police japonaise est très factuel. On a une personne qui a disparu, on a une chronologie qui nous permet de savoir à peu près à quelle heure elle a disparu et après on n'a plus rien. Et comme on n'a plus rien, on dit qu'elle est tombée dans la rivière. Mais si un accident se produit dans un endroit touristique, par définition il y a beaucoup de monde; donc c’est assez anormal, pour ne pas dire plus, qu'on ne retrouve rien dans un endroit qui est extrêmement fréquenté. Alors évidemment on peut tomber dans l’exception, ça peut arriver, on peut passer à côté, ce n’est pas exclu. En tout cas, l’enquête initiale japonaise ne répond pas à toutes les questions.
Certes, il n'y a pas beaucoup de faits criminels recensés au Japon, mais cela n’empêche pas que les comportements, les déviances des gens y sont pareils qu'ailleurs. Et là, on a quand même des clignotants.
Sur quelle(s) piste(s) allez-vous enquêter ?
Si ce n’est pas un accident, c’est forcément quelque chose de plus volontaire, donc on va s’orienter vers une piste criminelle. Pour moi, il faut déjà regarder où les faits s'inscrivent. Certes, il n'y a pas beaucoup de faits criminels recensés au Japon, mais cela n’empêche pas que les comportements, les déviances des gens y sont pareils qu'ailleurs. Et là, on a quand même des clignotants. Bien avant la disparition de Tiphaine, des comportements ont ete signalés à la police, des comportements qui ont fait l’objet d’alerte aux touristes, sur place il y a des panneaux "attention ici il peut se passer des choses." Et ces choses là, elles sont balayées dans la première enquête de disparition faite par la police japonaise. Je n’ai pas la prétention de faire une contre-enquête et de dire qu’ils sont tous mauvais mais je veux leur amener des éléments supplémentaires pour enrichir leur enquête et peut-être faire légalement rebondir le dossier initial. Nous ne voulons pas mener une contre-enquête mais une co-enquête. Peut-être qu'avec notre façon de faire, on va pouvoir compléter ce qui manque.
Pourquoi les données téléphoniques sont-elles si compliquées à récupérer ?
Des choses ont été faites par les enquêteurs japonais. Ils ont reconstitué l’itinéraire de Tiphaine par rapport à des points géographiques déterminés par son téléphone. Mais il manque des bouts importants. Pourquoi, je ne sais pas. Si par exemple, le téléphone de Tiphaine est encore en circulation (ndlr : si le boîtier de son téléphone a été réactivé depuis le jour de sa disparition), cela change la donne. Cela fait partie des questions élémentaires que l’on a soulevées, c’est l'une de nos demandes majeures.
On a son positionnement téléphonique à un moment donné et puis son téléphone s'arrête Donc, oui il nous manque quand même des bouts
Allez-vous vous rendre sur place ?
Quand cela sera possible. Mais nous avons déjà commencé à travailler. Les touristes présents sur place dans l'hôtel (NDLR : le jour de la disparition de Tiphaine Veron) ont tous été entendus, en gros une dizaine de personnes, mais c’était très factuel. On leur a demandé quand ils avaient vu la touriste française, et ils ont expliqué comment ils sont venus prendre leur petit déjeuner dans la salle, là où ils ont croisé Tiphaine et c’est tout. Ça ne va pas plus loin. On ne sait pas ce qu’ils ont fait dans la journée ou même dans la matinée. Or, Tiphaine est bien sortie de l’hôtel à un moment donné, et ces gens là-aussi. Mais ce bout-là, on ne l’a pas. C’est ça l’une des problématiques de cette affaire: on ne sait pas ce qui est arrivé, une fois passée la porte. On a le positionnement téléphonique de Tiphaine à un moment donné et puis son téléphone s'arrête Donc, oui il nous manque quand même des bouts mais on a commencé à remettre en situation tout ça.
(Les propos ont été édités pour plus de clarté)
UN NOUVEL APPEL AUX DONS DE LA FAMILLE VERON
Pour financer les frais du cabinet de Me Antoine Vey, de Jean-François Abgrall et les déplacements à venir au Japon, l'association "Unis pour Tiphaine Veron" lance un nouvel appel aux dons.
"Nous estimons nos dépenses futures entre 62.000 et 82.000 euros et il nous faut encore trouver une grande partie de cette somme" a expliqué Damien Veron, le frère de Tiphaine. La famille a déjà dépensé quelque 65.000 euros pour mener ses propres recherches en 2019.