La porte d'entrée de l'espace Mendès-France à Poitiers a été vandalisée dans la nuit de mardi 26 à mercredi 27 novembre. L'incident s'est produit plusieurs heures après une manifestation qui s'est déroulée devant les portes du centre. Une trentaine de personnes s'étaient réunies en marge d'une conférence tenue par Nathalie Heinich, sociologue au CNRS, accusée d'être homophobe par ces militants.
« On ne cèdera pas aux intimidations », affirme Didier Moreau, directeur de l’espace Mendès-France à Poitiers, encore contrarié. Le centre de culture scientifique se trouve, bien malgré lui, au coeur d’une polémique sur les réseaux sociaux. Ce mardi 26 novembre en soirée, une conférence à propos de l’écriture inclusive y était organisée. La chercheuse au CNRS Nathalie Heinich était invitée à animer le débat ouvert au public, tandis qu’une trentaine de manifestants se sont réunis devant le bâtiment pour tenter d’empêcher le déroulement du débat.
La porte d'entrée du centre vandalisée
Pancartes à la main, les militants ont dénoncé la présence de la chercheuse, qu’ils accusent d’homophobie. Le personnel de l’espace Mendès-France les a alors invités à entrer dans la salle pour participer au débat, mais a fini par appeler la police, la conférence étant, selon Didier Moreau, perturbée par les cris des manifestants entrés dans la salle. Le directeur raconte avoir « permis à ceux qui le voulaient de partir », et avoir poursuivi le débat dans des conditions normales jusqu’aux environs de 23 heures. Plus tard dans la nuit, aux alentours de 2 heures 30 du matin toujours selon lui, la porte d’entrée du centre a été vandalisée.
En 2014, l’universaliste Nathalie Heinich avait publié un texte à propos du mariage pour tous. L'extension du domaine de l’égalité, publié dans la revue Débats, avait alors suscité de vives critiques de la part d’associations qui défendent les droits des personnes LGBT+. Quelques années plus tard, en 2017, alors que l’auteure s’apprêtait à recevoir le prix Pétrarque décerné par France Culture et le Monde pour son dernier ouvrage, une pétition avait circulé, en vain, pour que ce prix ne lui soit pas décerné.
« Les phrases sont sorties de leur contexte »
Cinq ans plus tard, la sociologue est rattrapée par cette polémique. Jointe par téléphone, Nathalie Heinich dénonce une « censure sauvage ». Pour elle, « ça n’est pas parce qu’on émet des réserves sur le plan judiciaire ou psychanalytique à propos du mariage gay qu’on est homophobe ». La chercheuse précise à ce sujet : « c’est une réflexion sur un changement de société, on a le droit de se poser des questions. »
C’est une réflexion sur un changement de société, on a le droit de se poser des questions.
Nathalie Heinich
La chercheuse au CNRS dénonce ce qu'elle qualifie de « cancel culture ». Aussi appelée culture de l’effacement, la pratique revient à vouloir écarter du débat public une personne dénoncée par d’autres dans ce même espace public, le plus souvent sur les réseaux sociaux. Didier Moreau s’inquiète quant à lui de ce qu’il perçoit comme « une montée de la violence immédiate » autour du débat d’idées. Directeur depuis une trentaine d’années de l’espace Mendès-France, il déplore que « par le biais des réseaux sociaux, il y a un nouvel état d’esprit, l’instantanéité des choses fait que la source de l’information n’est pas vérifiée, et que les phrases sont sorties de leur contexte. »
Sans condition, le directeur a affirmé son soutien à la chercheuse, qu’il décrit comme « une pointure reconnue internationalement ». L’Espace Mendès-France a déposé plainte pour dégradation, après que la porte d’entrée du centre a été vandalisée. Une enquête a été ouverte.