Auréliane Dubuisson, Miss Curvy Champagne-Ardenne 2021, est aussi une grande fan de l'émission "Drag Race France". Quand elle a appris le passage de la tournée par l'Aréna de Reims (Marne), elle a évidemment acheté un ticket pour y assister parmi les premiers rangs. Montée sur scène, elle a remporté le concours de lip-sync (mélange de danse et de playback).
Une prestation "légendaire" (le mot devise de l'émission). Lors du passage de Drag Race France par l'Aréna de Reims (Marne), le samedi 23 novembre 2024, un petit concours a permis à deux personnes de monter sur scène.
La prestation : la redoutable épreuve du lip-sync. Elle consiste à danser et faire semblant de chanter sur une chanson diffusée en arrière-plan. Plus la personne s'approprie la chanson et la scène, plus elle a de chance de gagner.
Et c'est ce qui s'est passé pour Auréliane Dubuisson, 24 ans, fière représentante du département des Ardennes. Il s'agit d'une ancienne Miss Curvy Champagne-Ardenne (celle de 2021, qui a pris la suite de Marine Strozyk dont elle était la dauphine). C'est aussi une grande fan de l'émission qui fait s'affronter des drag queens au cours d'affrontements costumés, chantés, ou théâtralisés.
France 3 Champagne-Ardenne était présente sur place. Par la suite, il lui a été possible de contacter l'heureuse gagnante pour obtenir son témoignage.
Une grande fan
"Avec mes ami(e)s, on est de très grands fans. On avait déjà fait la tournée pour la saison 2, à Paris, aux Folies bergères. On suit beaucoup tout ce monde-là sur les réseaux sociaux, dont on savait très bien qu'il y aurait une tournée" après la diffusion de la saison 3, remportée par Le Filip (elle l'aime beaucoup et apprécie aussi énormément l'univers fantastique et poétique de Lula Strega).
Cette fois-ci, c'est à Reims (Marne) qu'elle s'est rendue. L'Aréna est une très grande salle, et il restait quelques poignées de sièges vides. Mais l'ambiance était clairement au rendez-vous, entre airs émerveillés, rires nombreux, et grosse émotion aussi (voir localisation sur la carte ci-dessous).
"Le monde du drag, pour moi, c'est une forme d'art incroyable. Car il y a plusieurs disciplines : mode, chant, danse, couture... On voit des personnes qui ont subi des traumas, et qui arrivent à les transformer en force. Je trouve que ça donne de jolies leçons de vie, surtout vu le monde actuel."
Oser parler de sujets tabous
"Je pense que chaque jeune avec des traumas peut se retrouver dans ces personnes qui défendent leur message à la télévision. Outre le drag, je trouve que c'est une émission profonde, qui parle de sujets tabous en France, comme le harcèlement ou le virus de l'immunodéficience humaine [VIH, dont le stade le plus avancé débouche sur le sida; NDLR]. On en parle avec des personnes qui l'ont subi, et qui arrivent à rebondir, à en faire leur force." Comme la vainqueure de la saison 3, qui s'est confiée sur ses anciennes addictions.
"Je trouve qu'on ne voit pas beaucoup ça à la télévision, et je trouve ça ludique, j'adore, ça fait sens pour moi, qui suis infirmière en santé mentale à l'hôpital Bélair de Charleville. Je suis très fière qu'une chaîne de télévision française accepte de le diffuser", en l'occurrence le service public via France 2.
"Je regarde la version américaine [RuPaul's Drag Race, la version originale; NDLR], et quand on a annoncé la franchise en France, j'étais très heureuse. Je m'étais demandé quelle chaîne oserait diffuser ce programme et subir des critiques."
Un public varié
Car certaines personnes pas forcément au fait du drag, de son univers, et de ses messages, peuvent manifester une franche hostilité à l'encontre de cette passion, voire de ce métier, quitte à entretenir une panique morale. Dans l'Aréna, pourtant, que de l'enthousiasme et de la bienveillance (sauf pour J.K. Rowling, autrice de Harry Potter qui a été étrillée à deux reprises sur scène pour ses prises de position de plus en plus transphobes, rappelle La Gazette du Sorcier).
"Ce n'est pas vulgaire, c'est un art comme un autre. Je défie n'importe quelle personne qui critique, de faire du drag, car je suis certaine qu'elles n'en sont pas capables. C'est un art incroyable. J'étais d'ailleurs surprise - dans le bon sens - de voir des enfants. On pourrait penser que c'est réservé à une certaine communauté, mais finalement, non : c'est un programme familial."
"Je pense que c'est un programme qui peut toucher n'importe quel public", qu'importe le genre ou l'âge (ce qui rappelle les publics vus aux concerts de Hoshi, notamment à Reims, très transgénérationnels). "Cela gagnerait à être connu. Certaines personnes ne connaissent pas forcément, comme les habitués de l'Aréna qui ont peut-être voulu découvrir. Je suis persuadée que des gens ont découvert le show grâce à la tournée, sans connaître l'émission à la télé."
Une montée sur scène légendaire
Auréliane n'est pas dans le secret des dieux, mais elle s'attendait quand même à ce qu'on demande à des personnes du public de monter sur scène. Elle avait vu ceci se faire aux Folies bergères, l'année passée. "J'avais prévenu mes copains : si Nicky Doll [la "reine des drag queens françaises", qui anime la scène et présente toute l'émission; NDLR] demande à monter sur scène, il faut que j'y aille. On n'a qu'une vie, je dois vivre ce moment." Dont acte...
Une chance pour elle qu'elle connaisse le monde de la scène. Mais elle relativise. "Les élections de Miss sont un monde à part. Mais il y avait Nicky sur scène, il y avait une pression en plus. Mais c'est vrai que j'avais un petit bonus : je sais performer sur scène devant un public."
Et elle avait des compétences en lip-sync (du playback, mais avec de la danse en plus : voir cet exemple en finale). Un exercice plus compliqué qu'il n'y paraît. "Ça consiste à performer sur une musique, à faire un peu notre show à la Beyoncé. Danser, chanter, mimer les paroles. Il faut être davantage en lumière que la personne à qui on fait face."
La victoire est loin d'être aisée : face à elle, une personne androgyne, splendidement vêtue, qui brille de mille feux avec des strass. "Elle était fabuleuse... Et elle avait prévu un reveal [ôter sa tenue pour en révéler une autre jusque-là dissimulée; NDLR]. Moi, j'étais habillée en mode basique : j'avais une robe noire, et des papillons collés sur le visage."
"Je me suis dit de prendre l'espace. C'était le meilleur moyen pour qu'on me remarque. Il fallait que j'occupe toute la scène." Ce qu'elle est parvenue à faire alors que Freed From Desire résonnait dans toute la salle aux 9 000 sièges.
Le choix du vainqueur s'est fait à l'applaudimètre, et in fine, c'est Auréliane qui a gagné. Elle n'en croyait pas ses oreilles, mais a quand même tout de suite tenu à féliciter son adversaire. "C'était une expérience humaine. Je n'y allais pas pour gagner, mais pour vivre mon moment. J'étais super contente de gagner, mais je ne m'y attendais pas. Je regardais l'autre personne en attendant qu'on dise qu'elle avait gagné..." En effet, les applaudissements avaient été plus forts pour ce dernier, mais c'est pour elle qu'ils ont duré deux fois plus longtemps...
"Nicky Doll m'a parlé, elle m'a offert un gros micro Bluetooth de la marque Deezer", l'un des principaux partenaires de l'émission. "Et un abonnement premium de 6 mois pour Deezer. J'étais trop contente. Mais je crois que mon cadeau préféré reste mon petit selfie volé avec Nicky Doll."
Eh oui. "J'avais pris mon téléphone, je l'avais caché dans mon soutien-gorge. Voilà : pas très glamour, mais quitte à monter sur scène, franchement, autant repartir avec ma photo. Elle a été choquée : elle m'a demandé d'où je sortais mon téléphone, j'ai répondu que c'était mon petit secret, on a rigolé un petit peu, et on a vite fait la photo. Elle espérait que ça ne donnerait pas des idées autres personnes qui monteraient sur scène pour le lip-sync. Elle a rigolé en voyant d'où je sortais mon téléphone : je crois qu'elle n'a pas pu me dire non."
Une fois rassise, Auréliane a dû souffler un peu pour laisser l'adrénaline retomber, au point qu'elle ne se souvient pas vraiment de la prestation de la drag queen qui a suivi. Seul regret en sortie de salle : ne pas avoir pu recroiser l'autre personne qui a partagé la scène avec elle, "mais j'ai cherché".
Tous les corps peuvent être considérés comme beaux
"Elle m'a aussi dit que j'avais assuré, et qu'il fallait que je continue à briller comme ça." Nicky Doll n'a pas manqué de faire la promotion du concours Miss Curvy et de sa positivité du corps (body positivism) : elle postule que toutes les femmes (et les hommes, et les étiquettes qu'il y a entre les deux) peuvent être considérées comme belles même si elles n'ont pas des physiques de mannequins. Toute la salle a applaudi.
"C'était un très beau message. Nicky Doll a dit qu'il fallait plus de causes comme ça pour l'acceptation de soi. C'est primordial. Pour moi, c'est super important de se sentir bien dans son corps et dans sa tête. Si on est bien, je suis persuadée qu'on sera plus ambitieux pour ses choix de vie et personnels, professionnels. C'est important de ne pas s'enfermer dans un corps."
Pour moi, c'est super important de se sentir bien dans son corps et dans sa tête.
Auréliane Dubuisson, ancienne Miss Curvy Champagne-Ardenne, fan de "Drag Race France", et experte du lip-sync
Aujourd'hui, elle fait toujours partie du comité régional de Miss Curvy. "J'en fais partie avec ma bande de copains qui était présente avec moi. On est bénévole et polyvalent. Cela nous prend beaucoup de temps, mais on le fait par passion, et par envie de passer le flambeau à d'autres jeunes femmes, pour qu'elles puissent bénéficier elles aussi de notre aventure."
Une grande aventure
"Moi, ma spécificité, c'est la création du show et de l'élection. Choisir les musiques et les chorégraphies, les apprendre aux candidates... Je vais aussi leur apprendre à défiler. À toutes les candidates régionales, ainsi qu'à la Miss élue pour la compétition nationale."
Il y a également de nombreuses expertises en maquillage, en coiffure, en prise de parole et gestion du stress : participer à Miss Curvy, c'est repartir avec des connaissances utiles dans la vie de tous les jours. Et apprendre à mieux accepter son corps. "On a vu des femmes qui n'ont jamais osé mettre un maillot de bain, et l'été d'après, qui nous envoyaient des photos d'elles sur la plage, en maillot, vivant leur meilleure vie. Il ne faut pas hésiter à regarder ce qu'on fait, et à oser nous envoyer un petit message. On répond et accueille tout en bienveillance." (voir la vidéo présentant Miss Curvy Champagne-Ardenne 2021 ci-dessous).
À noter que la Miss Curvy France participe à la conception d'une collection de vêtements chez Kiabi, et en est l'égérie. "En regardant les vêtements de grande taille sur le site de Kiabi, on peut reconnaître d'anciennes Miss Curvy France, devenues mannequins." Une belle promotion, et une ligne très valorisante sur un Curriculum Vitae (CV). "On a beaucoup de partenaires. Il y a de très belles opportunités quand on se lance dans cette aventure."
Auréliane Dubuisson connaît déjà la date et le lieu de la prochaine élection régionale de Miss Curvy... et n'en dira rien. Si ce n'est qu'elle devrait avoir lieu un peu après l'été 2025. Suivez les réseaux sociaux, et prenez vos agendas...