Alors que les fausses alertes à la bombe se multiplient en France, l'aéroport et la gare de Poitiers ont à leur tour dû être évacués dans la soirée de jeudi. Les auteurs de ces dénonciations, s'ils sont retrouvés, risquent d'importantes sanctions, allant jusqu'à l'emprisonnement.
Jeudi soir, entre 18h30 et 19h20, l'aéroport et la gare de Poitiers ont été évacués, en raison d'alertes à la bombe et au colis piégé. Ces événements sont survenus dans un contexte de multiplication de ces alertes mensongères, tant dans le secteur des transports que dans les établissements scolaires ou touristiques.
Chaque nouvelle alerte entraîne une évacuation systématique, ainsi qu'une levée de doutes opérée par les forces de l'ordre. "Chacun des signalements est pris au sérieux compte tenu du risque terroriste élevé dans notre pays actuellement", écrit Camille Chaize, porte-parole du ministère de l'Intérieur sur son compte X (ex Twitter).
L’intervention @Gendarmerie @PoliceNationale consiste à
— Porte-parole ministère de l'Intérieur et Outre-mer (@PorteParoleMI) October 20, 2023
▶️ évaluer les risques par rapport au lieu concerné ;
▶️ prendre contact avec les autorités compétentes et responsables ;
▶️ si nécessaire, procéder à l’évacuation des lieux et à la mise en place d’un périmètre de sécurité…
Interviewé jeudi soir sur BFMTV, Gérald Darmanin a tenu à mettre en garde les auteurs de ces dénonciations mensongères : "On retrouve tout le monde." Il a signalé l'interpellation de 18 personnes, "essentiellement des mineurs", dans les 48 heures précédentes. "On a mis énormément de moyens pour identifier les lignes téléphoniques, y compris quand on appelle en masqué, quand on envoie des mails, notamment sur moncommissariat.fr", a-t-il ajouté. "On arrive à retrouver les adresses IP, on arrive à retrouver les numéros de téléphone."
À Poitiers, ces fausses alertes ont entraîné la mobilisation vaine des forces de police et de déminage. D'après la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP), il faut bien dissocier celle de l'aéroport concernant une bombe et faisant référence à l'état islamique, des colis suspects de la gare. Seule l'alerte à la bombe concernant l'aéroport fait l'objet d'une enquête. Dans la mesure où la menace a été transmise par mail, une enquête est confiée à la sûreté départementale de la Vienne, afin d'identifier son auteur. "Pour retrouver une adresse IP, tout dépend s'ils passent par des VPN, comme Tor par exemple, notamment utilisé pour des connexions au darknet, ce n'est pas simple, mais c'est faisable", a-t-on appris auprès de la DDSP.
"Dénonciation de délit imaginaire" mais des peines bien réelles
Outre le climat anxiogène, ces fausses alertes peuvent avoir des conséquences sur la vie des usagers. À l'aéroport de Poitiers, jeudi soir, un avion privé a dû être dérouté, et un vol commercial en provenance de Lyon a été annulé. À la gare, les alertes au colis piégé ont entraîné des retards de train.
Le directeur d'exploitation de l'aéroport Poitiers-Biard a déposé une plainte et une enquête en flagrance est ouverte pour "dénonciation de délit imaginaire" (article 434-26 du Code Pénal), l'infraction peut entraîner une condamnation allant jusqu'à six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. Le procureur de la République de Poitiers, Cyril Lacombe, souligne toutefois que dans le contexte actuel, la qualification peut évoluer vers d'autres infractions, comme "le fait de communiquer ou divulguer une fausse information dans le but de faire croire qu'une destruction, dégradation ou une détérioration dangereuse va être ou a été commise" (article 322-14 du Code Pénal). Cette qualification pénale peut entraîner une condamnation allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Enfin, toujours dans le contexte actuel, le procureur de la République de Poitiers rejoint la procureure de Paris Laure Beccuau, interviewée ce vendredi par nos confrères et consœurs du Parisien. Celle-ci annonce qu'en ce qui concerne les fausses alertes à la bombe, "nous allons désormais les considérer comme des violences psychologiques sur les personnes avec préméditation". Ce délit est également passible de trois ans d'emprisonnement, mais l'amende peut s'élever à 45 000 euros.