Nos chères églises... Comment les communes de Poitou-Charentes portent-elles cette croix budgétaire ?

C'est une particularité française héritée de la Révolution de 1789. Les églises appartiennent aux communes. Or pour certaines municipalités, cette responsabilité peut tourner au calvaire, quand le poids des siècles se fait trop lourd et le budget communal trop petit… Inventaire en Poitou-Charentes.

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 Combien d'églises sont en péril en Poitou-Charentes ? Difficile à dire précisément. L'observatoire du patrimoine religieux a récemment publié des chiffres nationaux : 500 d'entre elles seraient menacées.

Et en explorant son site internet, on peut avoir un aperçu de quelques "urgences" régionales. Outre les travaux d'entretien, souvent complexes à mener sur des bâtiments si anciens, viennent parfois s'ajouter d'autres dégâts accidentels, foudre, incendie, grêle…

La fondation du patrimoine est également un observateur avisé de ces difficultés des municipalités. Depuis sa création en 1996, cet organisme est très sollicité pour des restaurations d'églises, c'est d'ailleurs la majorité de leurs dossiers concernant le patrimoine bâti.

Le problème dans notre région, c'est qu'il y a un patrimoine souvent énorme, comme des églises romanes classées, dans de petites communes. Il faut arriver à assumer dans le temps...

Patricia Molines,

Délégation Poitou-Charentes Fondation du Patrimoine

Pour le patrimoine classé Monument Historique, de plus nombreuses aides sont possibles, notamment celle de la Direction Régionale des Affaires Culturelles. A contrario, pour les églises non classées (et c'est la majorité), les mairies sont nettement plus seules pour lever des fonds.

Sachant que les trois quarts des 40 000 églises de France possédées par les municipalités se situent dans des communes de moins de 3 000 habitants, l'équation tourne vite au casse-tête budgétaire.

Ces dernières années, de plus en plus d'élus demandent des informations sur ce sujet à la fondation du patrimoine.

Notre compétence principale, c'est d'accompagner le mécénat. Alors beaucoup de communes font appel à nous pour la recherche de fonds privés (en plus des collectivités), que ce soit des collectes ou la sollicitation de grands mécènes. À Aulnay-de-Saintonge, en Charente-Maritime par exemple, nous organisons une collecte pour financer la deuxième tranche de travaux de l'église.

Patricia Molines,

Délégation Poitou-Charentes Fondation du Patrimoine

Charente-Maritime : restauration de l'église d'Aulnay-de-Saintonge, joyau de l'art roman

Quand l'état du bâtiment devient trop dangereux, pas le choix, la mairie prend un arrêté de fermeture au public, c'est souvent ce qui déclenche la recherche de travaux.

Un mur de rénovations infranchissable

À Saint-Léger-de-Montbrun dans les Deux-Sèvres, l'église est située en haut d'une butte. Ses parties les plus anciennes remontent au XIIe siècle. Elle est le symbole de la commune, au point de figurer sur son blason. Elle est surtout aujourd'hui un colosse aux pieds d'argile. Quand on la visite, son intérieur fait illusion, mais les fissures extérieures sont autant de témoignages de sa fragilité. Sa nef accueille encore quelques mariages, baptêmes ou enterrements, le reste du temps, elle demeure fermée. L'usure du temps fait son œuvre.

Si on tire la corde, on se prend la cloche sur la tête !

Jean-Paul Montibert

Maire de Saint-Léger-de-Montbrun

Alors, à l'annonce de travaux s'élevant à 1 million 347 € Toutes Taxes Comprises, le conseil municipal n'a pas été surpris. Sauf que la somme correspond au budget annuel de cette commune de 1285 habitants.

Hors de question toutefois d'attendre le salut du ciel pour ce patrimoine. Par délibération, les élus ont opté pour une première tranche de travaux d'un montant de 411 325 €.

Ca fait partie du job, mais de tels budgets c'est inconsidéré ! On a contracté un emprunt pour pourvoir absorber cette tranche, mais il faudra anticiper aussi au mandat suivant. Ce qu'on fait là, c'est l'urgence du moment.

Jean-Paul Montibert

Maire de Saint-Léger-de-Montbrun

Le marché public est en cours, les devis reçus… Le début des travaux est pour la fin de l'année. L'élu est maintenant lancé dans la chasse aux subventions… Seront sollicités l'État (à travers la dotation territoire ruraux), la fondation du patrimoine, le diocèse… Et l'Europe peut-être.

À l'issue de ce chantier (qui en appelle d'autres), le paysage sonore du village va renouer avec l'ambiance d'antan. Cela fait trente ans que les cloches ne sonnent plus. Au point que le maire ne se souvient pas les avoir entendues ! Il savoure par avance le plaisir de ce symbole-là "Il faudra négocier la fréquence avec le voisin. Quelques Parisiens sont arrivés, mais ils s'habitueront !". D'ici à 2025, les habitants vont avoir le temps de se mettre d'accord…

Savoir renoncer

Si Jean-Paul Montibert est bien conscient du poids symbolique de son église et de sa nécessaire préservation, il observe d'autres élus voisins empêtrés dans de plus grandes difficultés.

Certains sont obligés de lâcher complètement, d'autres communes nouvelles passent d'une à cinq églises, mais sans vraiment plus de moyens… Il faut agir avant qu'il ne soit trop tard.

Jean-Paul Montibert

Maire de Saint-Léger-de-Montbrun

Dans un hameau de Saint-Léger-de-Montbrun, il a lui-même renoncé à sauver une chapelle pourtant chère à ses administrés.

Cet édifice religieux, désaffecté depuis une quarantaine d'années, n'est plus du tout sous la tutelle du diocèse. Et la commune, propriétaire, ne souhaite pas financer de rénovation. Parmi les pistes évoquées, une destruction pure et simple, une démolition et la construction d'un petit mémorial en lieu et place, une réhabilitation pour faire autre chose, comme un marché couvert… C'est cette dernière hypothèse qui a eu la faveur des habitants, d'autant que la proximité de la salle de fêtes rend cet équipement séduisant. L'association Urgence Patrimoine prend le relais de la municipalité, par délégation, pour financer ce chantier. 62 300 € ont été collectés… La chapelle connaîtra sa résurrection.

"On traîne ça tous les ans..."

Pendant ce temps, la maire de Tourtenay, dans les Deux-Sèvres également, n'a pas encore trouvé de solution… Après une visite de la DRAC, pas le choix, il lui a fallu prendre un arrêté de fermeture. L'église romane présente de trop importantes fissures, les contreforts se désolidarisent. La sacristie est plus que lézardée elle aussi.

Selon un devis établi il y a une dizaine d'années, il faudrait plus d’1,7 million pour mener une restauration complète. Même avec seulement les travaux d’urgence pour mettre hors d’eau, et consolider la structure, la facture s'élève à 800 000 €, hors frais d’architecte.

Pour la commune, on pourrait aboutir à 100 000 € de reste à charge, mais toute seule je ne peux pas porter ça ! On se traîne ça tous les ans, j'essaye de convaincre des habitants de monter une association.

Edwige Ardrit

Maire de Tourtenay

L'élue le regrette, elle sait la valeur touristique de cet édifice de l'an Mil aux couleurs de pierre ocre et brique mélangées. Une particularité qui lui vaut une inscription aux monuments historiques.

Ce statut est assez bloquant, on ne peut faire appel à l'artisan du coin, et nous n'avons pas non plus le classement qui nous ouvrirait plus de subventions

Edwige Ardrit

Maire de Tourtenay

Elle croise les doigts, sollicite la fondation du patrimoine et rêve du loto de Stéphane Bern.

Ou se diversifier

Compte tenu de la baisse de la pratique religieuse, Célia Vérot, la directrice générale de la fondation du patrimoine, plaide pour le développement de nouvelles activités dans les églises pour éviter la désertion des lieux.

L'observatoire du patrimoine religieux, en plus de faire l'inventaire des monuments en péril, répertorie aussi la nouvelle vie des édifices religieux.

Ainsi à Poitiers, l'abbaye de la Trinité va céder la place à une centaine de logements. La chapelle des Feuillants est elle devenue un lieu culturel, géré par une association.

Autre exemple, à Saint-Palais-sur-Mer, le couvent de Béthanie, déserté depuis 2006, va devenir un espace de co-working.

La fondation du Patrimoine vient en aide aux communes pour rénover les églises

En 2022, la Fondation du Patrimoine a reçu environ 25 demandes d'aide pour la restauration d'églises en Poitou-Charentes. Onze ont reçu une réponse favorable. Sur un montant de travaux de 1,8 million d'euros, les collectes de la Fondation ont permis d'apporter 45 000 euros à la fin de l'année, mais les collectes sont toujours accessibles pour l'année 2023. Par ailleurs, la Fondation a rajouté la somme de 84 000 euros pris sur ses fonds propres.

À noter que la Fondation accompagne également les projets avec la Mission Patrimoine menée par Stéphane Bern.

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