L'information est sans précédent à Poitiers. L'Agence du médicament (ANSM) vient d'interdire un essai clinique "sauvage" mené "illégalement" sur au moins 350 malades de Parkinson ou d'Alzheimer qui se déroulait en partie à l'abbaye-Ste-Croix de St-Benoît (Vienne).
Cet essai, qui était réalisé en partie dans une abbaye près de Poitiers, visait à tester des molécules dont "la qualité, les effets et la tolérance ne sont pas connus", selon l'ANSM. Il était mené par une structure baptisée Fonds Josefa, dont le vice-président est le Pr Henri Joyeux, contesté par la communauté médicale notamment à cause de ses positions anti-vaccins.
L'ANSM a interdit ces essais et a également saisi la justice "sur ces pratiques illégales". Bernard Celli, directeur de l'inspection à l'ANSM indique que le pôle Santé du parquet de Paris a été saisi.
Une atteinte grave au code de la santé
Découvrir de tels essais sauvages "est très rare, a fortiori quand ils sont de cette ampleur", a expliqué Bernard Celli, selon qui il s'agit "d'une atteinte grave au code de la santé publique et au code pénal".L'expérimentation consistait à appliquer aux patients des patchs contenant deux molécules, appelées valentonine et 6-méthoxy-harmalan.
Selon l'ANSM, ces molécules sont proches de la mélatonine, hormone fréquemment utilisée pour mieux dormir mais déconseillée à certaines populations par l'agence sanitaire Anses en raison d'effets secondaires.
Sur le site internet du Fonds Josefa, son fondateur, le professeur Jean-Bernard Fourtillan, revendique la découverte de la valentonine, supposée "protéger notre organisme et assurer la régulation des vies psychique et végétative". "Ces trois hormones sécrétées par la glande pinéale, pendant la nuit, la mélatonine (MLT), le 6-méthoxy-harmalan (6-MH) et la Valentonine (VLT) protègent notre organisme et assurent la régulation des vies psychique et végétative." peut-t-on lire sur le site du Fonds Josefa.
La qualité, les effets et la tolérance de ces substances ne sont pas connus. Un risque pour la santé des participants ne peut être exclu.
- Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Les patients accueillis à l'Abbaye-Ste-Croix pour une nuit
L'Agence demande aux participants à ces essais "de ne plus utiliser ces patchs" et "de consulter rapidement (leur) médecin traitant pour l'informer de la situation, réaliser un bilan de santé et s'assurer que la prise en charge de (leur) maladie est adéquate".Le directeur de l'inspection à l'ANSM révèle que de nombreux patients ont été reçus dans l'Abbaye Sainte-Croix située à St-Benoît et accueillant une communauté de moniales bénédictines.
La communauté accueille des "hôtes" à qui elle propose des activités et avec qui elles partagent "la psalmodie française de la Liturgie". Les bénédictines vivent de la fabrication d'hosties et de la vente de produits locaux.Il semble que les patients y passaient une nuit et qu'ils subissaient une prise de sang le matin
- Bernard Celli, directeur de l'inspection à l'ANSM
Selon soeur Martina, soeur hôtelière, "l'abbaye dispose d'une quinzaine de chambres et cela fait une année à peu près" qu'elles servent pour héberger des patients de cet essai clinique. Neuf religieuses y vivent. Soeur Martina assure qu'il n'y a pas eu de perquisition à l'abbaye.
La ministre de la Santé "effondrée, horrifiée" par cette découverte
Interrogée sur Franceinter, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a dénoncé une "faute lourde" et s'est dite "effondrée, horrifiée." "Il y aura des sanctions et des poursuites", a-t-elle également précisé.L'ANSM a découvert cet essai illégal grâce à une inspection de contrôle menée début septembre au laboratoire où les prises de sang étaient envoyées pour analyse.
Sur son site internet, le Fonds Josefa se présente comme "un fonds de dotation à but non lucratif ", auquel "ont été cédés (...) les droits de propriété intellectuelle des brevets de médicaments" basés sur les molécules testées lors de l'essai illégal. Ce fonds doit son nom à une religieuse catholique espagnole, soeur Josefa Menéndez, morte en 1923 à Poitiers.
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Mise à jour à 19h30
Ce jeudi soir l'une des soeurs de l'Abbaye de Sainte Croix qui a reçu l'une de nos équipes a expliqué qu'elle n'était pas au courant de ces essais cliniques.
Joint au téléphone par l'AFP, le Pr Joyeux assure que "ça n'a rien à voir avec un essai clinique", mais il a refusé d'en dire davantage.