Deux ans après les faits, le tribunal de Poitiers juge en appel l'homme qui a tiré à trois reprises sur Jagger, un berger allemand appartenant à sa voisine, à Augé dans les Deux-Sèvres. Avant l'audience, la maîtresse du chien et ses soutiens ont défilé dans les rues pour une marche blanche.
Les larmes coulent encore sur les joues d'Hélène Decanter quand elle parle de son chien Jagger, mort en février 2019. Son berger allemand a reçu trois coups de carabine alors qu'il s'aventurait un soir dans la cour d'un voisin du hameau où habite Hélène, à Augé dans les Deux-Sèvres. Le prévenu ne nie pas sa culpabilité. Mais après avoir reçu une peine de 12 mois de prison avec sursis et 10 000 euros de dommages et intérêts, il a fait appel car il espère écoper d'une sentence plus légère.
Vers 12h30, jeudi 2 septembre, sur la place de l'hôtel de ville, un petit regroupement de personnes attire l'attention. Près du carousel, quelques chiens imposants, des huskys, des bergers allemands attendent, entourés d'une quinzaine de personnes. Certains portent des pancartes "Justice pour Jagger", avec une photo d'un fier berger allemand regardant au loin. Ce groupe est là pour soutenir Hélène qui tient ses deux chiens en laisse comme un rempart de protection et de réconfort.
Un appel bien reçu
Depuis la perte de son chien, Hélène n'a "plus confiance en personne" quand il s'agit de ses animaux, qu'elle garde "sous haute surveillance". "Même avec mon fils, même si ce n'est pas de sa faute, je fais attention", souffle-t-elle. C'est lui qui était présent, le soir où Jagger s'est échappé par le portail ouvert de la propriété des Decanter. "Il fumait une cigarette, il n'a pas fait attention", rappellera la juge de la cour d'appel, plus tard dans l'après-midi. Une situation plutôt banale dans cette petite commune rurale. Mais Jagger n'est pas revenu cette fois.
Même si elle redoute de vivre à nouveau l'étape difficile du procès, Hélène se dit "ravie" que le prévenu ait fait appel. "Il faut qu'il paye pour ce qu'il a fait", dit-elle, nourrissant l'espoir qu'il écope d'une sentence plus lourde que la première.
Je veux qu'il serve d'exemple aux autres. Tout ce combat n'aura pas été mené pour rien.
Des milliers de soutiens pour Jagger
Un sourire se dessine quand elle parle des milliers de soutiens qu'elle a reçu après avoir partagé son histoire sur les réseaux sociaux. Sur le groupe Facebook "Justice pour Jagger", plus de 12 000 personnes apportent du réconfort à la maîtresse en publiant des photos de leur propres chiens. Hélène a même reçu des cartes et des courriers de leur part. Sur la pétition en ligne demandant elle aussi "Justice pour Jagger", plus de 126 000 personnes ont apposé leur signature. De plus, plusieurs associations pour la défense animale se sont portées parties civiles dans le procès contre l'homme qui a tué Jagger. Parmi elles, la SPA, 30 millions d'amis ou encore la fondation Brigitte Bardot.
Je ne m'attendais absolument pas à tout ce soutien. Cela m'a émue et donné beaucoup de force.
La quinzaine de personnes soutenant Hélène et Jagger, et leurs chiens, ont défilé de l'Hôtel de Ville au Palais de Justice de Poitiers. Une femme déclare au mégaphone la raison de leur présence :
C'est maître Isabelle Gharbi-Terrin qui porte la voix d'Hélène Decanter devant la cour de justice. Cette avocate du barreau de Marseille a décidé de consacrer sa "fin de carrière à la défense des animaux".
Il y a un schisme entre l'avancement sociétal et l'avancement judiciaire. La cause animale est en train de s'imposer judiciairement.
Elle n'hésite pas à dire qu'elle est "l'avocate de Jagger avant tout". "Je défends l'animal, comme s'il était humain", déclare-t-elle.
Quelques minutes avant d'entrer dans le tribunal, l'avocate d'Hélène Decanter, maître Isabelle Gharbi-Terrin, a dit quelques mots :
"J'ai tiré pour lui faire peur"
Pendant l'audience, le prévenu a maintenu sa version des faits. Il admet avoir tiré sur le chien d'Hélène Decanter qui était entré dans sa cour. "Il s'approchait de la cage de mon chien alors j'ai tiré pour lui faire peur", explique-t-il. La présidente lui répond : "Mais, pourquoi lui avoir tiré dessus si c'était juste pour lui faire peur ?" Le prévenu hausse les épaules et baisse la tête.
"Si vous avez décidé de cacher le corps le lendemain matin dans un plan d'eau, c'est que vous saviez que c'était quelque chose de mal, n'est-ce pas ?", renchérit l'avocat général. Encore une fois, pas de réponse.
Maître Ormillien a défendu le prévenu en expliquant qu'il était un "homme bourru mais pas méchant". Il demande à ce que cette affaire soit jugé comme une contravention et non comme un délit, qui induirait que l'homme a agi avec cruauté et qui pourrait augmenter la peine jusqu'à 30 000 euros de dommages et intérêts et 2 ans de prison.
Le jugement est mis en délibéré jusqu'au 14 octobre.