Poitiers : un restaurant propose un burger aux arômes de cannabis

Dans son restaurant La Cuisine de Comptoir, Olivier Leclerc propose une nouvelle recette de burger à base de cannabidiol (CBD). Au-delà des considérations gustatives, le chef espère sensibiliser le public sur la question de l'utilisation de cette molécule non psychotrope du chanvre.

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Comme d'habitude, présenté sur son assiette, le dernier-né des burgers de la Cuisine de Comptoir est plus qu'appétissant. Les habitués du restaurant poitevin se souviennent peut-être qu'il y a quelques temps, Olivier Leclerc avait déjà gentiment provoqué le clown Ronald avec son "It's not a fucking Big Mac©" 100% artisanal. Cette fois-ci, le chef reste fidèle à ses convictions gastronomiques et au souci de travailler des produits de qualité, mais c'est un ingrédient qui, normalement, ne pousse pas dans votre potager qu'il met à l'honneur : la California Bud. 

Evidemment, rien d'illégal dans tout cela. Il s'agit bien ici de cannabidiol ou, si vous préférez, de CBD. Contrairement au THC, cette molécule de chanvre ne procure pas d'effets psychotropes et sa vente est autorisée dans l'Hexagone. Principe de précaution oblige, la plante pouvant potentiellement contenir 0,2% de principes psychoactifs, Olivier Leclerc s'interdit de vendre son burger aux mineurs et aux femmes enceintes. Mais, le cuisinier l'assure, c'est avant tout pour l'expérience gustative qu'il a fait entrer le CBD dans ses fourneaux.

La première chose que l’on cherchait sur cette recette de burger, c’est d’abord le goût. Il y a une aromatique qui est très particulière. A la base, on part des fleurs, des têtes de California Bud que l’on fait infuser dans une huile d’olive du Minervois près de Narbonne. On fait, en premier, une cuisson à 85°C avec ces têtes. Ça révèle toute la saveur et l’arôme de la plante car le corps gras est un excellent conducteur pour les saveurs. Dans le burger, on met de la tomme fleurie affinée en Alsace qui est roulée dans les fleurs. On ne travaille qu’avec de la vache race à viande. Le pain est pensé et fabriqué avec Sébastien de la boulangerie Forestine. On y a ajouté un peu de romarin pour appuyer la note herbacée donnée par le CBD.

Olivier Leclerc, restaurant " La Cuisine de Comptoir"

"En fait, moi, je fais le parallèle avec la truffe qui, comme dans le CBD, quand on la sent, il y a un côté entêtant et enivrant", explique le chef, "il y a des notes de sous-bois, de champignons, de terre. J’ai travaillé dans le Périgord et la truffe, c’est un produit que j’adore. C’est quelque chose finalement qui est très sauvage et qui doit nous parler à tous, nous cuisiniers".

Certes, à environ dix euros le gramme, la California Bud coûte beaucoup moins cher que les diamants noirs périgourdins. Mais l'effet de curiosité est là, comme les clients qui commandent ou viennent collecter l'original sandwich au restaurant. "On a de très bons retours. En ce moment, les burgers représentent chez nous 60 % de nos ventes et les burgers au CBD 40% des ventes de burgers."

C'est dans une toute nouvelle boutique du centre-ville de Poitiers qu'Olivier Leclerc vient s'approvisionner. Le magasin bio My Chanvre a ouvert ses portes il y a à peine deux mois rue du Chaudron d'Or. Malgré la crise sanitaire, le succès est au rendez-vous. Un sacré défi quand on sait que la dernière expérience en la matière à Poitiers s'était soldée par une perquisition de la boutique "Best Hemp" et un placement en garde à vue du gérant. C'était en septembre 2018.

Depuis, la législation a quelque peu évolué. Le 19 novembre 2020, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), qui avait été saisie par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence pour l'affaire dite "Kanavape", rendait son verdict. Dans son arrêt, la Cour statuait "qu’en l’état des connaissances scientifiques et sur la base des conventions internationales en vigueur, l’huile de CBD ne constitue pas un produit stupéfiant. Elle en déduit que les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises sont applicables à ce produit et qu’une mesure nationale qui interdit la commercialisation du CBD issu de la plante entière constitue une entrave à la libre circulation". 

En clair, il est tout à fait légal de vendre du CBD en France. Sauf que, plus loin dans le texte, la CJUE précise "qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, à la lumière des données scientifiques disponibles, si des effets nocifs pour la santé humaine pourraient être liés à l’utilisation du CBD, justifiant l’application d’un principe de précaution et si les mesures prises sont propres à garantir l’objectif de protection de la santé publique". Bref, l'Etat français a toujours la possibilité de s'appuyer sur de nouvelles études pour renverser cette décision. 

"C'est hyper flou", concède Louis Quilichini, le créateur de My Chanvre. En s'installant à Poitiers, le jeune homme a donc pris verbe avec la police municipale pour leur expliquer sa démarche. "Pour tout ce qui est CBD, on demande des analyses et, parfois, on fait nous-même nos contre-analyses en laboratoire, principalement en Autriche et en Suisse. Le but, c’est d’avoir toujours moins de 0,2% de THC dans nos produits", explique-t-il. 

Pour le reste, la boutique attire surtout une clientèle sensible au commerce équitable et écoresponsable. On y achète des huiles bien sûr, mais aussi des sacs à main ou des produits cosmétiques. Pour ce qui est des e-liquide à vapoter ou les huiles de CBD, le magasin se veut pédagogue, même s'il est toujours interdit de prêter des vertus thérapeutiques à ces produits.

J’ai l’impression que les Français ont beaucoup de mal à dormir ! La crise n’arrange rien, le stress, l’anxiété… Il y a encore trois ou quatre mois quand je demandais dans la rue ce que les gens pensaient du CBD, la plupart ne connaissait pas. Notre clientèle cible, c’est la femme de 50 ans qui veut mieux dormir ou qui veut se sentir mieux. C’est l’homme de 40 ans qui a arrêté le cannabis et qui veut surtout pas reprendre parce qu’il a un permis et qu’il veut se faire une petite tisane. Si on voit un jeune de 25 ans tous les deux jours, c’est le maximum.

Louis Quilichini, créateur de My Chanvre

C'est aussi pour ça qu'Olivier Leclerc a imaginé sa recette de burger. Pas pour provoquer ou faire le buzz, selon lui, mais bien pour sensibiliser sa clientèle à cette question de santé publique. Il souhaitait aussi soutenir l'initiative de Louis et de ses associés.

Très honnêtement, je pense que si on l’avait fait il y a quelques années, ça aurait pu être pris pour de la provocation. Mais il y a aujourd’hui une évolution des mœurs et une prise de conscience des gens sur les vertus que peut apporter cette plante et sur le côté responsable et raisonnable de consommer un produit qui ne contient pas de THC. Aujourd’hui, il y a une espèce de schizophrénie sur le CBD où on a le droit d’en vendre mais pas d’en faire pousser en France. Il y a des vertus mais on n’a pas le droit d’en parler. C’était aussi important pour nous d’encourager dans cette démarche cette jeune société poitevine montée par trois jeunes.

Olivier Leclerc, restaurant "La Cuisine de Comptoir"

En attendant donc votre burger, vous pouvez toujours suivre les recettes de My Chanvre de madeleines ou de crêpes pour la Chandeleur. En même temps, une bolée de cidre breton, c'est bien aussi.

 

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