Pourquoi trouve-t-on de moins en moins d'emplacements nus dans les campings ?

Chaque année, le nombre d'emplacements nus diminue dans les campings au profit des logements en dur. Cette évolution s'explique par la rentabilité des locations de mobil-homes. Cette situation inquiète les touristes en tente, camping-car ou caravane.

Touriste venue du Puy-de-Dôme, Akila Récoché a posé son camping-car à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne). Elle a trouvé, "sans difficulté", une place dans le camping municipal, un emplacement nu, où les vacanciers peuvent installer leur propre matériel (tente, camping-car, caravane). Mais pour elle, la situation n'est pas la même partout dans l'Hexagone. Dans les 7 460 campings de France, ce type d'emplacement diminue de 3 % chaque année. "C'est important de les garder, car ça permet à des gens de venir en vacances et de mélanger les couches de la société. À la base, les campings sont faits pour les gens qui n'ont pas de gros budgets. Alors que maintenant, c'est devenu une hôtellerie de plein air de luxe pour beaucoup de camping".

Contrairement à d'autres pays d'Europe, comme la Norvège, "où c'est plus facile de trouver des places", rapporte Jean-Luc Chazal, touriste clermontois, "dans notre pays, il y a certaines difficultés sur les zones très touristiques autour de la Mer notamment. Heureusement, nous, on privilégie les petits campings municipaux, on arrive toujours à trouver de la place sur des spots de montagne ou de pleine nature".

Aujourd'hui, selon la fédération des campeurs, des caravaniers et des campings caristes, les emplacements nus représentent 51 % de l'offre de logements dans les campings, mais seulement 45 % des nuitées réalisées l'an dernier, contre 55 % pour les locatifs. 571 133 emplacements appartiennent à des campings privés ou publics indépendants, 200 272 à des groupes et enfin 105 391 à des chaînes. Des chiffres qui se réduisent ces dernières années, pour le plus grand désarroi des touristes et du collectif "Sauvons le vrai camping". Mais comment expliquer cette baisse constante du nombre d'emplacements nus dans les campings français ?

La location de logements en dur plus rentable

Ce phénomène trouve une explication financière. "Aujourd'hui, ça génère très peu de marges, un emplacement nu. En revanche, le mobil-home, ça génère énormément de marges pour les propriétaires d'un camping", admet Olivier Lemercier, co-fondateur du collectif "Sauvons le Camping". Aujourd'hui, un emplacement nu, selon la catégorie du camping et la saison, peut varier de 10 à 50 euros la journée.

Côté mobil-home ou bungalow, les campings louent désormais presque exclusivement à la semaine, avec des tarifs variant également en fonction de la saison et de la catégorie du lieu, pouvant aller de 300 euros à plusieurs milliers d'euros. "Aujourd'hui, c'est quasiment impossible pour un camping de vivre qu'avec des emplacements nus. Par contre, les établissements qui ont 100 % de mobil-homes ne devraient plus s'appeler camping. Car ils profitent d'avantages fiscaux, une TVA à 10 % contre 20 % pour les villages de vacances, et ils sont de véritables villages de vacances sans proposition pour les vrais campeurs", s'indigne Olivier Lemercier.

La création d'une 5ᵉ étoile en 2010

En France, selon la fédération nationale de l'hôtellerie de plein air, un camping doit être déclaré lorsqu'il propose plus de six hébergements de plein air. Sur les 7 460 campings, 6 075 sont privés et publics, 875 intégrés dans des groupes, 510 dans des chaînes commerciales. Sur tous ces lieux, aujourd'hui, 2,5 % sont classés 5 étoiles, une distinction créée en 2010 par le ministère du tourisme. "Cela a entraîné une accélération de la montée en gamme du secteur et un embourgeoisement du camping", explique sur son site internet la fédération des campeurs, des caravaniers et des campings caristes.

Des hébergements locatifs plus rentables, cela a aussi une incidence sur les investissements des campings. Grâce à la manne financière récoltée avec les locations en dur, nombreux campings améliorent leurs infrastructures (wifi, piscine...). "Si c'est ça l'avenir du camping en France, une succession de mobil-home autour de parc aquatique, où est la mixité sociale. Il faut mettre des plafonds", demande Olivier Lemercier.

Son collectif a écrit une lettre à la ministre chargée du tourisme Olivia Grégoire. "Nous voulons garantir un avenir au camping culturel que l'on connaît. On ne veut rien imposer, mais des choses sont déterminantes. On ne peut pas s'appeler camping, si on n'a pas minimum 30 % d'emplacements nus".

Pourtant, les emplacements nus attirent de plus en plus

En 2023, 141 millions de nuitées ont été comptabilisées dans les campings en France, une hausse de 4,4 % par rapport à 2022, qui était une année de référence. Les touristes étrangers représentent 30 % de la fréquentation totale. Des chiffres en augmentation partout sur le territoire comme à Chasseneuil-du-Poitou (Vienne). Entre 2022 et 2023, le camping municipal, c'est 2 000 nuitées de plus sur toute la saison. Et 2024 démarre fort. "Il y a 10 jours qu'on est ouvert, on est déjà à la moitié du mois d'avril de l'an dernier. Les réservations en cours sont nombreuses, et beaucoup de gens de passage tentent leur chance. Il y a très peu de camping dans le coin avec des emplacements nus, ce qui fait notre succès", reconnaît Colette Berton, secrétaire au service technique de la mairie de Chasseneuil-du-Poitou.

Face à leur faible prix et la crise du pouvoir d'achat, les français continuent d'être attirés par le camping en tente ou en caravane. Les voyageurs à mobilité douce, notamment les vélos, le privilégient. "Quand on est à pied, à vélo, juste avec notre tente, c'est important d'avoir ce type d'emplacement", reconnaît Fanny Desmulier, touriste belge. "Ça nous assure également une sécurité d'être dans un camping, plutôt que dans une zone de plein air moins conventionnelle". Certains touristes reconnaissent "avoir des difficultés dans certains coins à trouver un camping pour les accueillir, notamment pendant les périodes de vacances".

L'économie du campeur au top

Parallèlement, l'économie autour du campeur est aussi en constante progression. Chez Décathlon, Nathalie Devreau est salariée dans l'espace tente, camping. Des clients, elle en conseille de plus en plus. "Ils veulent être autonomes, partir quand ils veulent, ne pas avoir de réservations. Le matériel est vite rentabilisé". La tente Quechua fait partie depuis quelques années du top des ventes de l'enseigne. "Aujourd'hui, il en existe de toutes les tailles, pour tous les conforts. Et les gens adhérent".

Côté hôtellerie de plein air, le chiffre d'affaires est en plein boom. De 800 millions d'euros, il y a 30 ans, il est passé en 2023 à quasiment 3 milliards d'euros. 25 millions de clients ont été accueillis dans les campings français l'an dernier. Malgré ses chiffres, l'avenir du domaine reste fragile. En France, le nombre de campings est passé de 9 000 dans les années 2000, à 7 460 en 2023.

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