Céline Lelard est responsable de la production d'eau potable du Grand Poitiers. Elle dresse un constat inquiétant concernant les niveaux d'eau, alors que la période de recharge des nappes phréatiques a débuté.
Depuis le mois de novembre, elle scrute le ciel impatiemment. Céline Lelard attend la pluie, vitale pour recharger les ressources en eau qui alimentent le Grand Poitiers. Mais pour le moment, la responsable de la production d'eau potable peine à se montrer optimiste en répondant aux questions de la rédaction de France 3 Poitou Charentes.
La source de Fleury, qui arrose la Communauté urbaine à hauteur de 40% est au centre des inquiétudes, alors que son débit est trop faible.
Quelle est la situation de la source de captation de Fleury ?
La situation à Fleury est comme sur les autres sites de la Vienne : on a des niveaux historiquement bas. Le débit est plus faible de moitié comparé à ce qu'on devrait avoir. On a environ 250 m³/h au lieu de 500.
La présence d'un gouffre en amont de la Boivre est-elle responsable de cette baisse de débit ?
Non, c'est plutôt une conséquence du manque d'eau général. Ce gouffre était déjà existant. Cet été, le débit de la Boivre était très faible, et en essayant de trouver l'origine, on a découvert qu'elle s'engouffrait dans la nappe à proximité de la source de Fleury. Habituellement, c'est la nappe qui alimente la rivière, mais aujourd'hui, le niveau est tellement bas que ça s'est inversé.
Quelles solutions avez-vous face à cette baisse du débit de la principale source d'approvisionnement du Grand Poitiers ?
On a différentes ressources en eau et sites de production, heureusement. Quand une ressource est défaillante, on compense par une autre. On a des interconnexions entre les unités de production. Fleury n'étant plus suffisant, on prélève plus dans le Clain et d'autres sources du territoire de Montamisé.
Pendant combien de temps pouvez-vous compenser en puisant dans d'autres réserves ?
Le climat nous le dira. La question, c'est : est-ce que la recharge automne/hiver sera suffisante ? On a la crainte que ça ne le soit pas, ce qui nous pousserait à devoir faire des prélèvements sur les ressources qui ont encore de la disponibilité. On prend là où il y en a encore. Le Clain bénéficie tout de suite des précipitations, heureusement ! Mais on prélève aussi sur d'autres ressources beaucoup plus profondes, avec une inertie plus importante. Dans certaines nappes, on ne voit pas encore l'effet de la sécheresse de cet été. Si les nappes ne se reconstituent pas cet hiver, les niveaux vont continuer de baisser.
D'autres forages sont-ils envisageables ?
Oui, on a des forages dans le secteur de Fleury, qui donnent une eau de bonne qualité. Les demandes d'autorisation d'exploitation sont en cours, on pense les avoir à l'horizon 2023 ou 2024. On fait des recherches également dans d'autres secteurs avec d'autres paramètres. Cela nous sécuriserait plus.
Des limitations d'eau sont-elles à craindre si l'hiver n'est pas assez pluvieux ?
Oui, en fonction de l'évolution de la situation, des mesures de restriction pourraient être prises pour diminuer la pression sur les ressources, avec des limites aux usages non-prioritaires.
On ne vous sent pas très optimiste quant à la recharge des nappes phréatiques...
Pour l'instant, novembre a été déficitaire par rapport aux normales saisonnières en termes de pluie. On est en situation critique. Normalement, à cette période, on est en plein dans la recharge des nappes phréatiques. Là, on l'a à peine entamée. Plus le temps avance, plus c'est inquiétant. La fenêtre de recharge va de novembre à mars : la fenêtre est courte pour reconstituer le stock.