Dans l'ouest de la France, les salariés de Michelin auront vu leurs usines fermer les unes après les autres. Les deux dernières fermetures, annoncées à Cholet et Vannes, sont prévues avant 2026. Un ancien salarié du site de Poitiers, reclassé à Cholet, raconte le désastre de voir, à nouveau, son usine fermer.
Salarié de Michelin depuis plus de 25 ans, Maxime*, Poitevin de naissance, ne cache pas sa "révolte". Depuis qu'il a quitté le site de Poitiers, quelque temps avant sa fermeture définitive en 2006, il se retrouve à nouveau à vivre une autre fermeture d'usine du groupe, cette fois à Cholet, la ville où Michelin lui avait alors proposé un reclassement.
"Je suis révolté parce que Michelin est un groupe qui fait des bénéfices. C'est un groupe qui se porte bien", analyse-t-il. Le sentiment de révolte est d'autant plus fort qu'avec cette fermeture, c'est "un peu la double punition". Sa femme, également salariée de Michelin, va, elle aussi, perdre son emploi. À 50 ans passés, et récemment grands-parents, ils vont devoir tous les deux rebondir en même temps.
Avec les usines Michelin de Cholet et Vannes, on assiste au triste record de 1 200 personnes licenciées en même temps en France.
MaximeSalarié Michelin
Entre nouveau reclassement au sein du groupe et changement de voie professionnelle, Maxime a fait son choix. Depuis l'annonce par Michelin, le 5 novembre dernier, de la fermeture des sites de Cholet (955 salariés) et de Vannes (299 salariés), il "quitte le monde de l'industrie".
"La confiance en Michelin a été écornée. Je fais le choix de voir un nouvel horizon tout en restant à Cholet", confie-t-il. Pourtant, "ce n'est pas de gaîté de cœur que je quitte mon entreprise". Maxime reconnait que, jusque-là, il était très satisfait de son parcours professionnel, marqué par "une belle évolution de carrière dans le groupe".
Lui et sa femme ne peuvent que constater l'évidence. "Michelin préfère délocaliser ailleurs en Europe". Les usines du groupe en Hongrie, en Pologne ou encore en Italie devraient "récupérer la production des pneus", fabriqués à Cholet et Vannes.
J'ai des collègues qui, dans leur carrière chez Michelin, auront vécu trois fermetures d'usine depuis celle de Poitiers.
MaximeSalarié Michelin
Du groupe d'anciens salariés du site de Poitiers, il compte parmi les derniers encore en poste à Cholet. "On était quatorze de Poitiers à venir à Cholet, se souvient-il. Plusieurs sont depuis partis à la retraite, d'autres ont changé de métier". Mais aujourd'hui, c'est à tous les autres salariés poitevins qu'il pense.
"J'ai des collègues qui, à la fermeture de Poitiers, sont partis à Tours, puis qui sont partis à La Roche-sur-Yon et qui, donc, se retrouvent dans leur vie professionnelle avec trois fermetures d'usine sur les bras !" En 20 ans, "on aura vu tous les sites Michelin de l'Ouest de la France fermer les uns après les autres". La politique industrielle du groupe est devenue, à ses yeux, "un vrai cas de délocalisation".
Des soutiens
Les salariés sont actuellement accompagnés par un cabinet de reclassement. Le projet de Maxime est loin d'être concrétisé, mais il progresse. Ce salarié reste pour l'instant dans le combat. Il constate que le cas Michelin "a pris une tournure politique". Jusque-là, l'État "semble laisser faire", "ne pas se préoccuper que l'on licencie autant de salariés d'un coup". Mais il observe les choses bouger. "La mairie de Cholet nous aide, la population aussi. Des associations apportent à manger sur les piquets de grève. Le préfet suit l'étude d'impact social et économique." Et, les visites de personnalités politiques se multiplient, dont celle du ministre de l'Industrie, Marc Ferraci, le 8 novembre dernier.
À travers le cas Michelin, Maxime rappelle qu'on "atteint le triste record de 1 200 salariés licenciés en même temps en France". Dans le bassin d'emplois de Cholet, cela représente environ 1 000 personnes "d'un coup sur le marché de l'emploi, c'est du jamais vu !" Sans compter "les sous-traitants". Pour lui, "il est temps que cette politique de casse industrielle s'arrête".
Selon Michelin, ces fermetures sont devenues "inéluctables" en raison de la concurrence asiatique dans le secteur du pneumatique. Le groupe justifie les fermetures de ses usines de Cholet et Vannes par "l'effondrement" des ventes des pneus pour camions et camionnettes.
(*) Le prénom a été changé.