Turfu : à Poitiers, une maison d'édition pas comme les autres

Initiée au LP2I, le lycée pilote innovant international du Futuroscope, Turfu est désormais une maison d'édition associative qui vole de ses propres ailes. Une maison à but non lucratif qui permet à des auteurs non publiés de rencontrer leurs lecteurs.

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Au début, il ne s'agissait que d'une ACF, comprenez une activité complémentaire de formation. Ca se passe comme ça au LP2I. Non seulement on semble user sans réserve d'acronymes, mais, surtout, à raison de dix-huit demi-journées par an, les lycéens ont carte blanche pour porter un projet collectif. En 2016, la documentaliste de l'établissement avec une prof de français et un enseignant en économie leur proposent un module interdisciplinaire autour du livre. L'objet littéraire bien sûr avec ses auteurs mais aussi le bien économique avec son circuit d'édition et de distribution. Ainsi naît Turfu, une ACF donc qui se voulait aussi expérimentale que le lycée de Jaunay-Clan. L'idée était simple : créer une plateforme numérique où l'on pourrait gratuitement télécharger des livres de jeunes auteurs.
 

"Donner sa chance à tout le monde"


Céline Detappe était alors en seconde. Comme tous ses camarades, elle n'avait pas le début d'un commencement d'idée de ce que pouvaient être des statuts associatifs, des droits de reproduction et, encore moins, un contrat de maison d'édition. Turfu, bien sûr, c'est le futur en verlan. L'idée originelle était de fait de permettre à de jeunes auteurs de rencontrer leurs premiers lecteurs. "On a commencé à recevoir des manuscrits de personnes un peu plus âgées", explique celle qui préside désormais aux destinées de Turfu les éditions, "des gens qui nous disaient qu'ils n'avaient pas la possibilité de se faire éditer dans de grandes maisons d'édition". 
 

On marche vraiment au coup de cœur. Chacun lit le manuscrit, on en discute entre nous en comité de lecture et ça se passe au feeling. Est-ce qu'on peut en faire quelque chose ? Est-ce que ça nous intéresse ? Est-ce qu'on aimerait le lire en tant que lecteur ? Après, on n'a pas vraiment de limites parce qu'on veut donner sa chance à tout le monde.

Céline Detappe, présidente de Turfu les éditions



"Ce que vous commencez à lire avec cette phrase sera mon dernier roman." Ainsi commence Nelson Melody, une fiction futuriste de 400 pages qui se passe dans le village de Montamisé en 2063. Son auteur, Feugeas, poitevin de souche comme il se présente sur le site de Turfu, fan de Gainsbourg et de jeux vidéos, avait très envie de la partager sa petite "melody". C'est finalement grâce aux lycéens de Jaunay-Clan qu'il a pu atteindre ses lecteurs.
 

Je l'avais envoyé à beaucoup de maisons qui m'avaient renvoyé des lettres-type, comme ils envoient à tout le monde. Et puis quelqu'un a parlé de moi aux gens de Turfu. Moi, l'idée, c'était juste d'écrire quelque chose, de laisser une petite empreinte comme on dit. J'y suis allé vraiment sans prétention et avec surtout beaucoup de doutes. Donc le fait que ça plaise et que des gens, des jeunes de surcroît, veuillent bien le faire partager dans leur maison d'édition, c'est très valorisant.

Feugeas, romancier

"On a eu beaucoup de questionnement sur notre légitimité"

Car finalement, et c'est peut-être ça le plus important, Turfu répond à un vrai besoin. "Notre premier manuscrit, c'est un professeur de français qui nous l'a envoyé", explique Corentin Gautrault, également ancien élève du LP2I, "on a eu beaucoup de questionnement sur notre légitimité vis à vis de la correction de ce manuscrit. Mais, finalement, ce qu'on aime, c'est accompagner les auteurs, leur demander de reformuler des passages mal compris ou alambiqués. En fait, ils recherchent avant tout un oeil extérieur". Ca tombe bien , car, chez Turfu, ni gloire ni contrat mirifique ne les attend. 
 

On n'avait pas les moyens de rémunérer nos auteurs ou même de mettre les livres en vente. On n'avait pas le public derrière au début, donc c'était une contrainte. Mais maintenant on considère que c'est aussi une manière de partager des écrits qui, sans nous, n'auraient pas été lus. Ça permet de toucher le plus grand nombre sans conditions de revenus.

Corentin Gautrault, vice-président de Turfu les éditions

"Il nous faut de la visibilité"


Céline comme Corentin sont désormais étudiants. Très vite, avec les autres membres du collectif, ils ont compris qu'il fallait couper le cordon avec le lycée. L'association rassemble désormais une trentaine de personnes à Poitiers, Tours mais aussi à Paris. Covid ou pas, cette génération "zoom" a l'habitude des visioconférences et ce n'est pas un méchant virus qui pouvait assombrir leur Turfu. D'autant plus qu'en octobre dernier, Philippe Bertrand sur France Inter leur consacre un de ses "Carnets de campagne". En moins de deux semaines, ce sont pas moins de quarante manuscrits qui atterissent dans la boite aux lettres numériques de la plateforme. Depuis le comité de lecture se réunit virtuellement toutes les deux semaines.
 

La principale difficulté, c'est d'être visible. C'est notre priorité désormais. On essaye d'avoir une communication plus efficace. Notre intérêt, c'est que nos auteurs soient lus donc il nous faut de la visibilité. Notre défi, c'est d'amener des gens sur le site, d'encourager les gens à lire et, avant tout, de les familiariser avec le numérique, ce qui n'est pas forcément évident pour tout le monde.

Céline Dettape, présidente de Turfu les éditions

Le futur de Turfu, c'est aussi sûrement une application numérique qui leur permettrait de mieux quantifier le nombre de livres téléchargés et une meilleure interface entre les auteurs et leurs lecteurs. Car, finalement, il ne s'agit que de cela et c'est déjà beaucoup : utiliser le monde virtuel pour provoquer de vraies rencontres.
 
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