Viol et meurtre d'une adolescente à Nantes : quel suivi pour les violeurs qui sortent de prison ?

La semaine dernière à Nantes, un homme de 46 ans a reconnu son implication dans le meurtre et le viol d'une adolescente de 15 ans. Déjà condamné en 2005 pour une série de viols, il était toujours en suivi socio-judiciaire. Cette mesure de surveillance est destinée à prévenir la récidive.

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François Vergniaud est passé aux aveux la semaine dernière, il a reconnu le viol et le meurtre d'une adolescente le 20 août dernier à Nantes.
Ce Poitevin de 45 ans, avait été condamné en 2005 par le cour d'assises de Poitiers à 18 ans de réclusion criminelle pour neuf viols, trois tentatives et une agression sexuelle commis dans la Vienne, en Charente-Maritime et en Charente entre 2001 et 2003. Ses victimes étaient alors bâillonnées, ligotées, les yeux bandées, parfois sous la menace d'un couteau.Libéré en 2016, il avait retrouvé du travail, avait déménagé près de Nantes en Loire-Atlantique.
Selon le procureur de Nantes, le suspect respectait l'ensemble des obligations de son suivi socio-judiciaire, notamment l'injonction de soin. 

Le Suivi Socio Judiciaire est une peine 

Comme beaucoup de violeurs qui sortent de prison, François Vergniaud était surveillé de près par la justice.
Depuis 1998, un dispositif permet d'encadrer les auteurs d'infractions de nature sexuelle lorsqu'ils sont libérés.
Ce dispositif est baptisé suivi socio-judiciaire.

Ce suivi est une peine et lorsque cette peine de suivi socio-judiciaire est prononcée, la cour d'assises prévoit également la durée de l'emprisonnement en cas de non respect des obligations qui sont fixées par ce suivi" avertit Emmanuelle Masson, porte parole du Ministère de la justice.

La juridiction fixe la durée du suivi socio-judiciaire dont la durée maximum est de 20 ans pour les crimes. 
Dans le cas de François Vergniaud, la cour d'assises avait prononcé un suivi de 10 ans.
Le condamné doit alors respecter un certain nombre d'obligations, il est suivi par un juge d'application des peines.

Des mesures obligatoires

Le condamné est obligé de respecter certaines mesures de contrôle et surveillance. 
  • Il doit répondre aux convocations du juge de l'application des peines ou du travailleur social désigné,
  • Il doit recevoir les visites du travailleur social et lui communiquer les renseignements ou documents de nature à permettre le contrôle de ses moyens d'existence, le prévenir de ses changements d'emploi, de résidence ou de déplacement supérieur à 15 jours.

Des mesures particulières

Certaines obligations sont spécialement prononcées par la juridiction de jugement.
  • Exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement ou une formation professionnelle.
  • Etablir sa résidence en un lieu déterminé,
  • Réparer le préjudice en payant des dommages et intérèts à la victime.
Ces mesures de surveillance et d'assistance sont destinées à prévenir la récidive à l'issue de la peine principale.

Un suivi médical 

Le condamné doit aussi répondre à l'injonction de soin. 
"Il s'agit d'un dispositif qui permet de sanctionner le refus de soins. En droit français, on ne peut forcer quelqu'un à se soigner mais si le violeur refuse de se soigner, il pourra retourner en prison pour la durée d’emprisonnement initialement fixée en cas de non-respect des obligations du suivi socio-judiciaire. Un médecin coordonnateur est chargé de suivre le bon déroulement des soins, il fait l'interface entre la justice et le médecin traitant",
détaille la magistrate du Ministère de la justice.

Le médecin établit alors une fois par an un rapport qu'il adresse à la justice. Le condamné peut être suivi par un psychologue, un psychiatre ou un psychothérapeute. S'il ne repecte une quelconque des obligations, le juge d'application des peines peut mettre à exécution l'emprisonnement encouru, Emmanuelle Masson

Un bracelet électronique en cas de dangerosité

La loi prévoit aussi la possibilité
  • d'une surveillance par le biais d'un bracelet électronique lorsqu'une expertise a été établie. "Il doit y avoir une expertise psychiatrique qui atteste de la dangerosité de la personne, le juge peut alors prononcer un placement sous surveillance electronque mobile"souligne la porte parole du ministère de la justice.
  • d'une assignation à domicile, cette mesure est réservée aux personnes qui ont été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'au moins 15 ans.

"La justice n'a pas été laxiste"

Lionel Béthune de Moro se souvient encore de François Vergniaud lors du procès de 2005 qui s'est déroulé à Poitiers.
L'avocat pénaliste d'Angoulême défendait alors une jeune étudiante originaire de Charente qui était venue s'installer à Poitiers pour poursuivre son cursus de master en économie. La jeune fille avait été la première victime du violeur en série, il avait été condamné pour viol aggravé avec arme pour ce crime.


"Ce qui m'a stupéfié lorsque j'ai appris le drame de Nantes et le fait que François Vergniaud était à nouveau soupçonné de ce crime, c'est que le processus est très exactement le même, il rentre dans un logement inoccupé qui serait en quelque sorte la tanière, il se rend dans la rue avec un carton, une sorte d'appât pour attendre une jeune fille et pour lui demander de l'aide, quoi de plus anodin que de demander de porter un carton à deux, il fait ensuite rentrer la proie dans la tanière" constate Lionel Béthune de Moro.

Cela serait à mon avis un peu trop facile de pointer du doigt l'échec de la justice qui n'a pas été laxiste en 2005, qui a prononcé une peine signifiante, qui avait anticipé en prononçant un suivi socio-judiciaire, malheureusement tous ces garde-fous n'ont pas empêché cette récidive, s'il est bien l'auteur des faits bien sûr.

Lionel Béthune de Moro, avocat.

"Le suivi socio-judiciaire n'évite pas la récidive mais il tend à la prévenir"

L'avocat charentais garde en mémoire les témoignages des très nombreuses victimes.
"Leurs dépositions à la barre étaient particulièrement émouvantes révélant l'atrocité des faits et la peur mais aussi des détails sur la respiration et la transpiration de François Vergniaud, à chaque fois il disait, je reconnais, je regrette, cette reconnaissance de culpabilité permettait d'entrevoir un espoir d'absence de récidive"estime l'avocat des parties civiles.

Il était semble t-il en couple, il avait une activité professionnelle, il était sorti de prison depuis 4 ou 5 ans, on pouvait espérer que la peine et le suivi socio-judiciaire aurait un effet bénéfique mais s'il s'avérait qu'il est l'auteur des faits à Nantes, ce serait pire car cette fois il s'agit d'une victime mineure qui a été tuée.

Lionel Béthune de Moro

L'avocat rappelle que le condamné était semble t-il en couple, qu'il avait une activité professionnelle, qu'il était sorti de prison depuis 4 ou 5 ans, autant d'éléments qui laissait présager d'une issue positive.
"On pouvait espérer que la peine et le suivi socio-judiciaire aurait un effet bénéfique mais s'il s'avérait qu'il est l'auteur des faits à Nantes, ce serait pire car cette fois il s'agit d'une victime mineure qui a été tuée", indique Lionel Béthune de Moro.

Le suivi socio-judiciaire n'évite pas la récidive mais il tend à la prévenir, c'est tout l'intérèt de ce dispositif. Tout manquement est signalé au juge d'application des peines, le condamné peut retourner en prison s'il ne justifie pas des soins et l'injonction de soins peut aller jusqu"à la castration chimique mais il faut que la personne soit volontaire.

Selon le Ministère de la justice, 13.000 condamnés bénéficiaient d'un suivi socio-judiciaire fin 2019 en France toutes infractions confondues. Le taux de récidive de viol était de 5,5% en 2018 selon l'administration.

Dans cette l'affaire de Nantes, la Chancellerie a décidé de saisir l'inspection générale de la justice sur la mise en oeuvre du suivi socio judiciaire du violeur présumé récidiviste.

Réactions sur les réseaux sociaux

Ce fait divers a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Certains magistrats ont tenu a précisé les dispositif de suivi. Une juge d'application des peines explique notamment être en charge d'une trentaine de SSJ (suivi socio-judiciaire), en majorité des délinquants sexuels.
Bérangère Le Boedec fait part de son expérience dans une série de tweets.

 J'ai un regard très vigilant sur ces dossiers, je les convoque pour échanger avec eux chaque année et bien davantage lorsque je suis informée d'incidents.

Bérangere Le Boedec, juge d'application des peines

Voir notre reportage sur le rappel des faits après l'intertellation du suspect à Nantes

 
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