Pour le politologue Laurent Dubois, il n'y a pas d'enjeu politique réel dans le congrès du Parti Socialiste qui se tient à Toulouse du 26 au 28 octobre.
- France 3 Midi-Pyrénées : Laurent Dubois*, on dit souvent (et on le constate !) que les congrès du PS sont un lieu de tensions, voire de dissensions. Ce ne sera pas le cas à Toulouse ?- Laurent Dubois : En fait il n'y a pas de congrès à Toulouse ! C'est un second congrès de Reims, mais revisité. On a tellement la hantise de Reims avec les déchirures (NDLR : en 2008 à Reims, Martine Aubry et Ségolène Royal avait été séparées de quelques voix), qu'on a mis en place en 2010 une procédure où il s'agit surtout d'éviter de chercher désespérément un premier secrétaire. L'unité, pas la division ! Pas de petits meurtres entre camarades ; on a tout fait pour que la motion majoritaire soit celle voulue par François Hollande, ratifiée par Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault, donc c'est un vrai-faux congrès, il se déroule à Toulouse mais c'est surtout l'anti-congrès de Reims ! Si on est optimiste, on dira que l'on aura un congrès de rassemblement, mais c'est un congrès de gestion, tranquille, parce que le PS est au gouvernement. Mais attention, on ne pourra pas figer les choses éternellement. A Reims on cherchait un présidentiable, à Toulouse les socialistes ont un Président. Donc le but, c'est de durer ! C'est un congrès où tout le monde se neutralise. Où tout le monde vient goûter le cassoulet ! C'est du tourisme rose...
- Harlem Désir va accèder à Toulouse à la tête du PS, mais sans vraiment avoir été choisi par les militants ?
- Après le grand buffet des primaires, c'est la disette, la diète et les militants crient famine ! Après la belle dose de démocratie, on a un menu fixe imposé on ne peut pas choisir à la carte : c'est Harlem Désir ! Le peuple des militants qui avait eu l'illusion, au moment des primaires ouvertes, de ne pas être que des colleurs d'affiches payés pour faire la claque, retrouve la situation classique où au sein des fédérations on vote au son du canon. Donc c'est une forme de régression démocratique qui est mal perçue par les militants, qui écorne l'image du parti. Il y a une certaine efficacité parce que ce n'est pas la chienlit. Il y a un vrai problème : c'est qu'il n'y a pas vraiment de débat !
- Alors un congrès pour rien ou un congrès pour s'aligner tous derrière le Président de la République et le gouvernement ?
- Pas un congrès pour rien. Un congrès pour pousser la charette gouvernementale. Ce n'est pas un congrès politique, c'est un congrès gouvernemental. Avec un vrai problème dans l'inconscient socialiste : chaque fois qu'il y a eu le pouvoir, il y a eu déception. Quand on parle avec certains élus, certains parlementaires, on sent qu'ils sont taraudés par cette angoisse : on est installés, on est bien dans le fauteuil, mais il ne faut pas que l'on se fasse éjecter ! Et on sent bien que les échéances de 2014 (municipales et sénatoriales) et 2015 (régionales et cantonales) sont dans toutes les têtes ; les élus ne veulent pas perdre cette France rose, parce que la France rose c'est d'abord celle des communes, des départements et des régions, et il ne veulent pas que cette France DES socialistes, soit sacrifiée à la France d'UN socialiste qui s'appelle François Hollande !
Entretien avec Fabrice Valéry.
*Laurent Dubois est politologue. Il intervient notamment dans l'émission politique La Voix est Libre, présentée par Patrick Noviello sur France 3 Midi-Pyrénées. Les deux hommes animent également le blog Midi-Pyrénées politiques. Durant le congrès du PS à Toulouse, suivez l'émission spéciale proposée par France 3 Midi-Pyrénées vendredi 26 octobre à 23h15 et La Voix est Libre samedi 27 octobre à 11h25.
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