Beaucaire, Garlin, Madrid, Orthez, Santander, Tudela, Valencia: novilladas et corridas se sont multipliées ces derniers jours. Les résultats artistiques et économiques sont éloquents.
Le novillero Sergio Felipe n'a pas coupé d'oreille ce dimanche à Madrid, mais il a montré de magnifiques dispositions pour ses débuts à Las Ventas. Et c'est - nous voulons le croire - ce que la chronique taurine retiendra de cette semaine : un novillo de classe de Julio Garcia et un garçon de la Manche qui veut devenir quelqu'un dans ce monde.
Pour le reste, la temporada taurine européenne a pris son rythme de croisière avec un air de déjà vu.
A l'exception du duel à distance qui a opposé jeudi dernier Miguel Ángel Perera (à Santander) et Sébastien Castella (à Valencia), les toreros vedettes et les toreros modestes ont joué leurs rôles sans aucune surprise.
La feria de Santander a donc été marquée jeudi 25 par une grande faena de Perera qui s'est imposé aux toros de Garcigrande et… au Juli. Celle de Valencia a vu le retour en forme, le même jour, de Sébastien Castella, facile et sérieux avec les toros de Núñez del Cuvillo.
Morante de la Puebla a parsemé le sable de ces deux arènes de ces savoureuses "génialités" face, le plus souvent, à des toros dont la présentation et la combativité étaient indignes de son immense classe.
Iván Fandiño a continué sa route et Luis Bolívar a, une énième fois, refait naître les espoirs face à un Victorino de respect samedi à Santander.
En France, les rendez-vous toristas d'Orthez et de Beaucaire ont permis à deux spécialistes des corridas dures, Marco Leal et Alberto Aguilar, de tirer leur épingle du jeu. Mais les toros du Curé de Valverde et de Zaballos n'ont pas donné le spectacle épique qu'on attendait.
Dimanche à Beaucaire, l'ambiance était plutôt à la fête. Bons toros de "El Torero" et triomphes de Padilla, Capea fils et Javier Conde qui toréait ce dimanche seulement la deuxième corrida de sa saison. Plus une vuelta à un toro et sortie a hombros pour le mayoral.
Interrogé par Juan Ramón Romero sur Canal Sur Radio, Javier Conde -avec le sens de la mesure qu'on lui connaît - a rendu un vibrant hommage à la musique des arènes "Chicuelo II" qu'il a comparée à "un orchestre symphonique" et a qualifié cette corrida "d'après-midi historique"!
Mais l'information qui risque de marquer cette semaine vient de Porzuna, un bourg de 4000 habitants de la province de Ciudad Real (Castilla La Mancha). Victor Puerto - 18 ans de métier - a refusé de toréer la corrida pour laquelle il avait été engagé. L'Union des toreros à laquelle il appartient a décidé de boycotter cette arène. Elle fait partie d'une liste de 41 plazas accusées de ne pas payer dans les délais ou de ne pas payer du tout! L'avocat de l'Union des toreros, Iñigo Fraile, dénonce des organisateurs "amateurs" et surtout "insolvables" qui constituent une "menace certaine pour l'avenir de la fiesta".
De son côté, et c'est une première, le matador Matías Tejela, a expliqué que malgré un curriculum vitae enviable il a reçu récemment 4 propositions de contrats "nettement en-dessous" du barême minimum. Celui qui permet tout juste au matador de régler ses frais et de payer la cuadrilla. Pas de gagner de l'argent.
Mais le pire, poursuit Matías, c'est que plusieurs compañeros se sont, après mes refus, précipités pour signer ces contrats.
On sent bien que la crise économique qui frappe la corrida n'est pas de nature à adoucir les relations…
Heureusement, il y a Sergio Felipe. Et Cayetano Ortiz. Et Clemente. Et tous ces apprentis toreros qui croient fermement qu'ils seront figuras del torero. Et on y croit avec eux.