Le procès en appel de la fusillade du 3ème RPIMA de Carcassonne s'est tenu ce jeudi à Montpellier. Des peines de prison avec sursis pour fautes directes et indirectes ont été requises. L'arrêt a été mis en délibéré au 15 janvier.
Les responsabilités de la hiérarchie ont été au centre des débats de la Cour d'appel de Montpellier sur l'accident du 3ème RPIMa de Carcassonne qui avait fait 16 blessés lors d'une démonstration en juin 2008. Une peine de deux ans de prison avec sursis contre l'auteur des coups de feu, le sergent Nicolas Vizioz, et quatre peines avec sursis sans quantum à l'encontre des officiers ont été requises par l'avocat général Joël Garrigues qui a souhaité mettre en lumière toutes "les responsabilités pénales" dans ce drame, reconnaissant que les "responsabilités morales" ont, elles, été "parfaitement assumées". L'arrêt a été mis en délibéré au 15 janvier.Une faute directe incontestable
Pour Joël Garrigues, il y a d'abord eu la "faute directe", celle qui est "incontestable et incontestée", à savoir celle de Nicolas Vizioz. C'est lui, l'ancien du groupement des commandos parachutistes (GAP), âgé de 33 ans, qui a tiré sur le public, le 29 juin 2008, avec une arme chargée à la fois de balles réelles et de balles à blanc, lors des journées portes ouvertes du 3ème Régiment de parachutistes d'infanterie de marine (3e RPIMa). A ce titre, l'avocat général a réclamé contre M. Vizioz la confirmation de la peine de deux ans de prison infligée le 14 mai par la chambre militaire du tribunal correctionnelde Montpellier, à laquelle il a ajouté une amende de 5ème catégorie de 1500 euros. Pour service rendu, il a souhaité, comme en première instance, que la condamnation soit assortie du sursis et non inscrite au casier judiciaire.
Des fautes indirectes de la hiérarchie
Pour le magistrat, il y a eu également "des fautes indirectes" de la part de la hiérarchie. Tant dans l'organisation de la démonstration, que sur le contrat d'assurance, ou pire dans la gestion des munitions. "Il y avait un danger réel avec ces stocks non réglementaires de munitions" qui pouvaient s'élever à 4 ou 5000 cartouches, a-t-il affirmé, dénonçant un système connu et qui a perduré. "Si la hiérarchie avait respecté la règle, si elle avait appliqué la règle du contrôle et pas celle de la confiance, il n'y aurait pas eu cette tragédie", a constaté le magistrat.M. Garrigues a demandé contre le lieutenant Christophe Allard, le capitaine Hugues Bonningues, le lieutenant-colonel Lionel Lapeyre et le patron du 3ème RPIMa de l'époque, le colonel Frédéric Merveilleux du Vignaux une peine "de principe qui devra être à la hauteur des faits, de la faute et devra prendre en compte la carrière et la personnalité des quatre prévenus". Il n'a en revanche rien requis contre le lieutenant-colonel Jean-Baptiste Pothier, seul encore militaire en activité aujourd'hui.
En première instance, MM. Allard et Bonningues avaient écopé de six mois de prison avec sursis. En revanche, MM. Pothier, Lapeyre et Merveilleux du Vignaux avaient été relaxés. Toutes les parties avaient alors évoqué un jugement d'apaisement et de réconciliation.
Une audience très différente de la première instance
Autant l'audience en première instance avait été celle de l'émotion et de la repentance, autant celle devant la cour d'appel a été juridique. Avec au centre du débat, le "volant de munitions" que subtilisaient les soldats d'élite au mépris des règlements. Absent au printemps, le général de corps d'armée Jean-Marc Duquesne, à l'époque commandant de la 11ème brigade parachutiste de Toulouse, a confirmé le problème de gestion des cartouches. Il en a attribué la responsabilité au chef de corps, en l'occurrence le colonel Merveilleux du Vignaux. Et de constater: "dans ma carrière, j'ai été lieutenant, capitaine, commandant d'une unité de parachutiste, je n'ai jamais eu ce problème. C'est un combat permanent pour empêcher (les soldats) de constituer ce (type de) stock", a relevé ce haut gradé, aujourd'hui directeur de l'Institut des hautes études de défense nationale et de l'Enseignement militaire supérieur. "J'avais organisé une réunion le 1er février pour dire qu'il était intolérable de détourner des munitions", a répondu M. Merveilleux du Vignaux, précisant qu'il avait monté une opération mains propres pour récupérer les cartouches.Après cette affaire qui a fait l'effet "d'un coup de tonnerre", le général Duquesne avait infligé les sanctions militaires. Peyre et Merveilleux du Vignaux avaient écopé de 30 jours d'arrêt, tout comme Bonningues. Allard avait lui pris 20 jours. Pothier n'avait, lui, déjà, pas été sanctionné.