En l'absence d'interdiction -ou d'autorisation- pérenne des cultures transgéniques, pro et anti-OGM se sont affrontés ce vendredi de nouveau autour d'une parcelle de 11 ha de maïs transgénique, en attendant des décisions du Conseil d'Etat et du Sénat. La bataille est en effet aussi juridique.
Après l'Assemblée nationale qui l'a adoptée en avril, le Sénat doit se prononcer ce lundi sur une proposition de loi interdisant la culture du maïs OGM en France, dans une nouvelle tentative pour proscrire durablement les semences MON810 de la firme américaine Monsanto.
Simultanément, le Conseil d'Etat saisi par l'Association des producteurs de maïs (AGPM, pro-OGM) se prononcera sur la validité du dernier arrêté en date, mi-mars, interdisant la culture du maïs transgénique.
Profitant au printemps d'une courte fenêtre de tir entre l'annulation (l'été dernier) du moratoire sur la culture du MON810 et ce nouvel arrêté du 14 mars, les producteurs s'étaient empressés, dès que la météo l'a permis, de semer quelques hectares dans le sud-ouest. Une manière pour l'AGPM de contester en plein champ ce qu'elle considère comme une "position doctrinale" du gouvernement sur le sujet.
Nouvel épisode de cette bataille idéologique ce vendredi, plusieurs dizaines d'anti-OGM emmenés par le député européen José Bové se sont rués sur ces plants en présence de militants de Greenpeace : ces faucheurs volontaires - comme le gouvernement d'ailleurs, fait-on savoir au ministère de l'Agriculture - avaient identifié la parcelle de 11 hectares, située à Saubens, à une quinzaine de kilomètres au sud de Toulouse, plantée en MON810.
Après enquête, le ministère de l'Agriculture a pu établir l'origine des semences, "achetées en Espagne" a-t-il précisé.
"Eviter tout risque de dissémination"
Dans un communiqué commun avec le ministère de l'Ecologie, les services de Stéphane Le Foll faisaient savoir que des analyses avaient été conduites sur ces parcelles : "S'il s'avère que ces semis sont bien OGM, la réglementation prévoit leur destruction afin d'éviter tout risque de dissémination", ont-ils mis en garde.Pendant leur opération, les faucheurs ont remplacé les plants encore jeunes par des graines de maïs bio. Il s'agissait de "mettre en avant le fait que des agriculteurs, malgré la politique gouvernementale et malgré le fait que 80% des Français ne veulent pas du maïs transgénique, sèment quand même des OGM pour passer en force", a expliqué l'un d'eux, Dominique Masset.
Pour l'AGPM en revanche, ces "quelques hectares" ont été semés "en toute légalité et dans le respect des règles en vigueur avant l'arrêté ministériel d'interdiction du 15 mars". Dans un communiqué, les planteurs ont condamné les "délinquants faucheurs, dont des élus de la République" qui agissent "au mépris du droit". Ces actes relèvent de "la voyoucratie en bande organisée" et sont "la conséquence d'une gestion politique déplorable de ce dossier, conjuguée à un silence laxiste des pouvoirs publics et à l'absence de réelles condamnations pénales et financières" des faucheurs, jugent les producteurs.
L'AGPM avait saisi le Conseil d'État en référé, qui devrait donc se prononcer en tout début de semaine prochaine. Mais les faucheurs font déjà valoir que, quelle que soit cette décision du Conseil d'Etat, la grande majorité de la population française est opposée à la culture de maïs OGM.
Les anti-OGM affirment qu'outre celle de Saubens, il reste deux autres parcelles OGM en région Midi-Pyrénées et se disent "prêts (à les) neutraliser avant floraison" si le gouvernement n'agit pas dans leur sens. Entre les deux blocs, la querelle reste entière alors que Bruxelles, favorable à l'autorisation des OGM, imagine un choix des Etats "à la carte", laissant à chacun la possibilité d'interdire les semis. Et donc de raviver le conflit à chaque saison de semis.
AFP le 02/05/2014 17:36:06