Avocats sans Frontières publie ce jour une tribune pour s'insurger contre la situation du bateau humanitaire "l'Aquarius" et des migrants à son bord. L'association dont le siège est à Toulouse envisage même plusieurs rispostes, certaines juridiques, une autre "fraternelle".
La tribune est signée de François Cantier, l'avocat toulousain, Président d'honneur d'Avocats Sans Frontières et de Béatrice Fleury une consoeur parisienne membre du groupe "migrants" de l'association. Elle rappelle en premier le principe du droit maritime et la nécessité de "secourir ceux qui étaient en passe de succomber" à la mer. "Comment un tel précepte, aussi fondamental, aussi humainement naturel, aussi simple à comprendre et à mettre en oeuvre, peut-il être rejeté aujourd'hui ?" s'interrogent les deux co-signataires.
Le texte pointe ensuite les dirigeants dont ceux de l'Italie qui "lorsqu'il s'agit de conquérir le pouvoir ou de s'y maintenir" prennent "des décisions qui risquent de provoquer la mort de centaines de personnes".Procédures d'urgences devant la justice
Ainsi Avocats Sans Frontières envisage en premier lieu "une riposte juridique". Elle compte s'appuyer sur "l'absence d'assistance porté au navire (...) prise en violation avec plusieurs textes internationaux". Elle compte donc engager des procédures d'urgence devant la justice italienne ou encore saisir la cour européenne des droits de l'Homme.
Les ministres italien, autrichien et allemand de l'Intérieur ont annoncé ces derniers jours vouloir constituer "un axe des volontaires" pour s'attaquer à l'immigration clandestine. AVF propose donc en parallèle "un axe de la fraternité afin que le réflexe d'humanité prévale en toutes circonstances". Un longc ombat donc auquel se prépare l'association d'avocats sachant qu'il y aura d'autres Aquarius et que les drames humains de la migration n'ont pas fini devenir s'échouer sur les côtes européennes.Un axe de la fraternité
L'intégralité du texte de la tribune :
L’Aquarius et des hommes à la mer.
Nous sommes chaque jour fascinés par les progrès de l’humanité; ceux des sciences et des techniques qui nous permettent d’aller plus vite, plus loin, de vivre plus longtemps, de mieux comprendre et maîtriser le monde qui nous entoure.
Depuis la nuit des temps les hommes ont navigué et connu les dangers de la mer et sa cruauté lorsqu’elle s’empare d’eux; et compris la nécessité de secourir ceux qui étaient en passe de lui succomber.
L’Eglise Catholique, par une bulle du Pape Pie V, en 1586, posa le principe de l’obligation du sauvetage pour les marins.
Celle-ci est devenue un principe du droit maritime, d’abord coutumier puis inscrit dans des traités maritimes internationaux, depuis les Conventions de Bruxelles dès 1910.
Comment un tel précepte, aussi fondamental, aussi humainement naturel, aussi simple à comprendre et à mettre en œuvre, peut il être rejeté aujourd’hui ?
De surcroît par un pays démocratique, l’Italie, situé dans un ensemble démocratique, l’Europe, basés sur le respect des Droits Fondamentaux et l’état de droit ?
Comment peut il rejeter d’un geste cette obligation venue du fonds des âges et de l'humanité.
Tout est il désormais possible lorsqu’il s’agit de conquérir le pouvoir ou de s’y maintenir ? Même de prendre des décisions qui risquent de provoquer la mort de centaines de personnes ?
Une telle rupture avec les valeurs qui fondent l’Europe doit susciter, au delà de l'indignation, des réponses à la hauteur de l’offense et des réels dangers de déshumanisation de nos sociétés; elles doivent montrer la détermination sans faille des démocrates et des humanistes à résister à ces attaques qui sont aussi dangereuses à terme que la menace du fanatisme islamiste parce qu’elles sapent les fondements éthiques de nos sociétés.
Au fil du temps notre continent et son Union Européenne sont devenus le seul espace sûr pour la Démocratie et les Droits Fondamentaux et tous ceux dans le monde qui y sont attachés; ses citoyens doivent se dresser contre cette régression qui va les renvoyer aux heures les plus sombres de notre Histoire; celle où les idéologies mortifères l’ont envahie au nom de la race, de la nation ou de la classe; elles
avaient un point commun, la négation des valeurs humanistes avec comme conséquence les holocaustes et à la guerre.
Quelle riposte mener ?
Avec Avocats sans Frontières France nous pensons évidemment en premier lieu à une riposte juridique puisque la décision italienne, ainsi que l’absence d’assistance portée au navire jusqu’à ce que l’ Espagne se propose comme lieu d’accueil sûr, a été prise en violation de plusieurs textes internationaux signés et ratifiés par l'Italie: la Convention de Genève sur la Haute mer du 29 avril 1958, celle de Montego Bay du 10 décembre 1982, la Convention SOLAS du 1er novembre 1974, la Convention SAR du 27 avril 1979 ainsi que, bien évidemment, la Convention européenne des Droits de l'Homme et la Convention relative au statut des réfugiés :
- en engageant des procédures d’urgence devant la Justice Italienne afin de demander la suspension d'une telle décision.
- en saisissant la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour solliciter la condamnation de l'Etat Italien a s'abstenir de toute mesure pouvant porter atteinte à la vie.
- en incitant les Etats, notamment Européens à traduire cette décision devant les juridictions internationales désignées par la Convention de Montego Bay.
Ces dernières semaines se dessine entre plusieurs Etats dont l'Italie et l'Autriche la création d'un "axe des volontaires" pour résoudre la question des migrations.
Avec Avocats sans Frontières France, ici aux côtés de SOS Méditerranée et des migrants de l'Aquarius, nous proposons la mise en place d'un "axe de la fraternité" afin que le réflexe de l'humanité prévale en toutes circonstances et que seul le respect de la dignité et de la vie de ces personnes dicte nos décisions.
Maître François Cantier, Avocat, et Président d'Honneur d'Avocats sans Frontieres France et Béatrice Fleuris, Avocate, et Membre du groupe "migrants" d'Avocats sans Frontieres France