L’association Nawa, basée à Pamiers dans l'Ariège, vient d'être dissoute, vendredi 29 septembre, par le gouvernement français. Le ministre de l'Intérieur estime que cette maison d'édition est "en réalité un organe de propagande islamiste qui incite à la haine et à la violence". Éléments de réponse.
Mercredi 29 septembre 2021 lors du Conseil des ministres, l'association ariégeoise Nawa, basée à Pamiers, a été dissoute à la demande du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Dans ce fil (thread) sur Twitter, le Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) avance les arguments ayant poussé à cette dissolution.
Selon le Gouvernement, "cette « maison d’édition » est en réalité un organe de propagande islamiste qui incite à la haine et à la violence" notamment à travers la commercialisation d'"ouvrages salafistes, parfois traduits par son président, incitant à l'extermination des Juifs, légitimant la lapidation des personnes homosexuelles et des femmes adultères". Toujours d'après le SG-CIPDR, l'association serait "proche de la nébuleuse islamiste toulousaine, la structure diffuse une pensée haineuse contre la France et ses valeurs, qui favorise un terreau fertile au terrorisme."
Le ministre de l’intérieur @GDarmanin a annoncé la dissolution de l’association Nawa, qui se présente comme « centre d'études orientales et de traduction ». Cette « maison d’édition » est en réalité un organe de propagande islamiste qui incite à la haine et à la violence.
— SG-CIPDR (@SG_CIPDR) September 29, 2021
"Des rapprochements fallacieux, inexacts, mensongers"
Dans un communiqué, diffusé sur les réseaux sociaux, en date du 20 septembre, les éditions Nawa dénoncent "des petites accusations, de types personnels, nourries de rapprochements fallacieux, inexacts, mensongers et surtout, absolument indignes d'un État de droit disposant de services de renseignements capables de mener des enquêtes précises et motivées. Au-delà d'accusations issues de fameuses "notes blanches" qui falsifient, tronquent et résument, à la guise de l'accusation, certains prétendus propos".
? Communiqué des éditions NAWA
— NAWA Editions (@NAWA_Editions) September 21, 2021
- Réponses aux accusations émises pour notre dissolution -
Download ⬇️⬇️
▪️ Communiqué en Français : https://t.co/kY99M2cxKB
▪️ Statement in english : https://t.co/b8nZ5XnN7S
▪️ بيان صحفي باللغة العربية : https://t.co/AexznSXA7G pic.twitter.com/EbhSJtsvPC
Créée en 2008 et basée à Pamiers dans l'Ariège, l'association, dont le nom complet est, "NAWA CENTRE D'ETUDES ORIENTALES ET DE TRADUCTION" avait notamment pour objet de "mettre en valeur le patrimoine littéraire du monde arabe par la traduction de textes classiques et la production d'études littéraires, sociologiques, politiques et théologiques" à l'aide d'une maison d'édition et d'un site de vente sur internet.
Contestation de l’universalisme occidental et légitimation du Jihad
Ce dernier n'est désormais plus accessible. Mais à l'aide du site web Wayback Machine, il est possible de consulter plusieurs de ses pages archivées pour se rendre compte que Nawa publie les pamphlets de deux de ses dirigeants, Sami Mlaiki, alias Abû Soleiman Al-Kaabi, et Aïssam Moussadak, alias Aïssam Aït Yahya (noms présents dans l'arrêté paru jeudi 16 septembre au Journal Officiel), réédite également des auteurs médiévaux faisant référence à des courants radicaux contemporains.
C'est ce que constate l'anthropologue, Cédric Baylocq, en avril 2020, dans une note de lecture d'un ouvrage de Aïssam Aït Yahia, "De l'idéologie islamique française" aux éditions Nawa. Le chercheur y rapporte la ligne éditoriale des éditions Nawa que le président de l'association publie sur son site internet : "Notre ligne se résume à contester l’universalisme occidental, c’est-à-dire l’ensemble des « valeurs » et idéologies politiques imposées comme universelles et incontestables à notre époque. Cette critique s’accompagne d’une analyse sur le processus de sécularisation occidentale et l’ensemble de ses conséquences sur les populations musulmanes, tout en proposant un contre-modèle musulman qui répondrait aux défis actuels."
"On sent que Abû Soleiman Al-Kaabi, maitrise peu ou prou les notions de droit. Il n'appelle pas au jihad armée mais au jihad de la pensée, explique à France 3 Occitanie le chercheur. Il porte un discours de rupture. Il porte un critique virulente sur la laïcité et la démocratie qui sont pour lui des religions modernes. Il dénonce aussi le soufisme, le salafisme séculier, les "réformistes" comme Tariq Ramada. D'ailleurs, il est très proche d'un théologien médieval, connu pour son obscurantisme, Ibn Taymiyya."
Dans un récent article, le site Conspiracy Watch met également en avant l"instrumentalisation de la critique du complotisme" par l'association Nawa, menacée alors de dissolution, pour "conforter une idéologie d’inspiration salafiste".
Reconnu, "philosophe djihadiste" par l'Etat islamique
Par ailleurs, dans le décret de dissolution de la structure, le Gouvernement assure que "M. A, ex-trésorier (de l'association Nawa) et référent intellectuel au sein de l'association djihadiste Anâ-Muslim, qualifié de « philosophe djihadiste » dans le numéro 8 de Dar-Al-Islam, magazine de l'Etat islamique, consacré aux attentats de 2015, a également légitimé le djihad armé lors d'un entretien avec les services de police en octobre 2019 et incité indirectement au djihad armé en publiant et assurant la promotion sur le site de l'association « Nawa Centre d'études orientales et de traduction », encore récemment le 12 juillet 2021, d'ouvrages légitimant de tels agissements."
Accusées elles-aussi d'être des "officines islamistes" œuvrant "contre la République", le CCIF et BarakaCity ont été également dissoutes par le Gouvernement en 2020, malgré le soutien de l'association Nawa. Pour l'islamologue et politologue français, François Burgat, ces dissolutions "sont une criminalisation, non pas des agissements, mais des opinions". Le 24 septembre 2021, le Conseil d'État a validé celles du CCIF et de BarakCity.